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"Un ouvrage qui dévoile les différentes facettes d'un homme tourmenté"
"Je suis un champ de bataille" de Jean Amrouche
Publié dans Liberté le 21 - 09 - 2020


Par : Djoher Amhis Ouksel
Autrice
D'emblée ce titre métaphorique interpelle le lecteur. Champ de bataille, champ de ruines. Quel est l'ennemi ? C'est là tout le drame intérieur d'un intellectuel colonisé et qui fait le bilan de sa vie, qui par un effort d'analyse tente de se comprendre pour mieux accéder à sa liberté et à sa souveraineté. Le cheminement intérieur de Jean Amrouche n'est rien d'autre qu'une reconquête de soi : tenter d'évacuer tout ce qui l'empêche d'être lui-même, de se reconstruire à part entière. La lecture de cet ouvrage est inépuisable et dévoile les différentes facettes d'un homme tourmenté. Le comprendre chaque fois dans des contextes différents. Cela peut paraître parfois difficile de porter un jugement tant la question est complexe.
D'une manière générale J.Amrouche est le produit d'un vécu : histoire politique, histoire familiale, histoire sociale. Comment se voit-il ? "Je représente le type achevé de l'Algérien francisé... Je me suis toujours senti Algérien". "C'est un fait de nature". Jean Amrouche a pris conscience de son état de colonisé sans pour autant renier son appartenance à un peuple, à son histoire, à ses racines sociales et mythologiques. Il fallait se défaire "d'un des cours préformés et tenter de retrouver le trésor inaliénable et sacré de son peuple." Profond désir d'enracinement sans pour autant effacer les acquis de la langue française : ouverture de l'esprit connaissance et sens des valeurs dites universelles "La France est l'esprit de mon âme, l'Algérie est l'âme de mon esprit".
C'est dire l'importance du savoir de l'autre pour acquérir les outils conceptuels nécessaires à la compréhension d'un monde nouveau et élargi, et plus particulièrement pour mieux s'analyser et mettre en évidence les effets néfastes de la stratégie coloniale au plan psychologique : recenser les fractures et tenter d'en atténuer les effets par un effort de réflexion lucide. Le retour à l'enfance, lors de l'installation à Tunis, lui renvoie une image de lui-même, de sa vie. À l'arrivée à Tunis, il avait à peine deux ans. Les images sont prégnantes, ce qu'il appelle "les empreintes primordiales", celle "d'un enfant triste et pauvre." Bien plus tard, il évoquera une adolescence "solitaire et inquiète".
À l'âge adulte, devenu professeur de Lettres il se livrera : "À une poursuite intérieure sans fin." Les auteurs qui l'ont nourri sont Baudelaire, Nerval Mallarmé, Rimbaud, Gide, Claudel et Racine ceux qu'il appelle "les inventeurs d'une musique essentielle à l'homme, incarnée dans un langage pur." Comment arriver à dépasser cette contradiction d'une culture humaniste et la situation coloniale ? Situation complexe, dangereuse qui demande un effort sur soi permanent et qui lui révélera son aliénation, aliénation dont il n'a pas pris conscience très tôt, car la stratégie coloniale crée "une relation fascinante entre le colonisé et le colonisateur." C'est à ce niveau qu'il va intervenir, il se rend compte de l'emprise et de la fascination qu'exercent sur lui deux grands écrivains : Gide et Claudel.
Le modèle l'empêche d'être lui-même et il doit le dépasser et retrouver l'estime de soi. Il ne parlera plus "comme un colonisé". Il doit s'affranchir de ses complexes, sortir de "cet enfer" et donner la preuve qu'il n'est plus l'indigène infériorisé, humilié, réduit à un sous-homme. Retrouvant son humanité, il se sent fort, car il va s'identifier à "tous les colonisés du monde." Il ne sera plus seul.
Parfois, pour un lecteur décolonisé, il peut paraître dérangeant dans ses propos à la gloire de la civilisation française et de son apport à l'Afrique du Nord. Pour lui, la pensée française a favorisé une révolution "l'Afrique du Nord qui sommeillait depuis des siècles s'est éveillée à une vie nouvelle." Cette conférence a été faite à Rabat en mai 1959. Nous sommes en pleine guerre d'Algérie. Elle avait pour titre : Colonisation, culture et conscience coupable. Après une lecture attentive, la question est posée : n'y a-t-il pas là un relent de colonialisme ? Des expressions comme "décor d'opéra", "paradis d'exotisme" concernant l'Algérie n'est-ce pas là une reprise du langage de l'autre ? N'est-ce pas occulter les effets négatifs de la colonisation ? Il faut nuancer et ne pas porter de jugement : tenter de comprendre.
Peut-on oublier les massacres, les expropriations, les dépossessions, les enfumades ? Une comparaison qui n'a aucun rapport avec notre pays. "De même l'Occident a pris conscience de lui-même en se heurtant à l'Asie et l'Afrique, le Maghreb tend à prendre conscience de ce qu'il est sous l'action de la pensée française"... "Il n'y a pas encore de nation en Afrique du Nord, mais l'on peut constater déjà l'éveil d'un sentiment national." "Eveil du sentiment national ?" Peut-on oublier les luttes contre les conquérants ? El-Mokrani, Cheikh Haddad, Fadhma n Soumer, la Kahena...etc Les révolutionnaires de la guerre d'Algérie, pour qui se battaient-ils ? Pour protéger leur terre.
J. Amrouche tente de dépasser la réalité sans toutefois l'occulter, de nuancer ses propos. Il met cependant l'accent sur les dangers du progrès technique préjudiciable à la spiritualité, en France. Parole de chrétien convaincu. L'intitulé de cette intervention : "Colonisation, culture et conscience coupable" datée de mai 1959, à Rabat a été précédée par une autre intervention "L'itinéraire spirituel d'un colonisé" datée du 15 mai 1959 à Rabat. À la lumière de ces deux conférences, on se rend compte des contradictions et des analyses complexes "d'une conscience malheureuse", selon son expression.
C'est un vrai champ de bataille où les mots de progrès, de racisme, de religion interfèrent sans cesse. "Et sans doute, ne peut-on voir sans déchirement, sans honte, sans colère d'un peuple de paysans, de pasteurs réduit en un immense misérable prolétariat, agricole et urbain, tant d'individus déracinés, déclassés par suite de la désagrégation des cadres sociaux traditionnels" et d'ajouter "c'est la rançon d'un immense progrès... Impossible de revenir en arrière". Jean Amrouche déplore le martyrologue des victimes...
"Cette guerre est un malheur, un malheur pour l'Algérie, un malheur pour la France, un malheur commun à l'Algérie et à la France". Sans cesse, il affirme, malgré cette situation ambiguë "la communication entre [lui] et la source originelle ne fut jamais rompue." et "la langue française est ma langue maternelle".
Ce sont là les causes de ce champ de bataille où se mêlent sans cesse une réalité douloureuse et en même temps une tentative de dépassement des valeurs humanistes "la seule victoire que nous attendons... est une victoire contre le colonialisme, cette guerre est un scandale pour l'esprit." Il rappelle constamment qu'il ne faut pas faire d'amalgame.
La France qui colonise n'est pas la France de la pensée humaniste et universelle. Il refuse viscéralement toute forme de négation de l'homme. Il ajoute : "Je me crois aujourd'hui affranchi de tout complexe et libre souverain à l'intérieur de moi-même quoiqu'il puisse advenir...".


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