Une rencontre entre les membres du bureau du Conseil de l'Ordre des avocats d'Alger et des autorités judiciaires (président de la Cour, procureur général et chefs des tribunaux) aura lieu au cours de cette semaine. "Juges aux ordres, on n'humilie pas un avocat", "Boumendjel (avocat et militant politique tué en 1957, ndlr), sois en paix, nous poursuivrons le combat" ; "Le peuple veut une justice indépendante" ; "Nous sommes les avocats du peuple" ; "Nous en avons marre de la justice asservie", ont scandé, hier, pendant plus d'une heure, les avocats du barreau d'Alger sur le parvis de la Cour d'Alger sous une pluie battante. Ils ont honoré, par leur nombre, l'appel au rassemblement lancé par le Conseil de l'Ordre des avocats d'Alger. Tous ses membres, environ 8 000, boycottent les juridictions de la capitale du 27 septembre au 4 octobre. Les juges de siège n'ont eu d'autre recours que de renvoyer les procès programmés pendant cette période aux audiences du 11 au 18 octobre. "Nous avons eu une audience avec le procureur général ce matin (hier, ndlr). Il a semblé sensible à nos revendications. Il nous a dit que les droits de la défense sont sacrés", a rapporté Me Baghdadi, membre du bureau du Conseil. "Le bâtonnier d'Alger a failli être évacué par la force publique comme s'il troublait l'audience. Cet incident est une humiliation pour tous les avocats. Les dépassements répétitifs lors des procès montrent que nous sommes indésirables", a-t-il poursuivi, suscitant une salve d'applaudissements de ses confrères. Il les a avisés, par ailleurs, que le PG a demandé de ne point entraver la session criminelle par la grève. "Nous avons refusé", a-t-il assuré en donnant une autre information : les membres du bureau du Conseil de l'Ordre devront se réunir, au cours de la semaine, avec les autorités judiciaires, soit le président de la Cour d'Alger, le procureur général et les chefs des tribunaux de première instance. La rencontre vise à désamorcer le conflit avant que la protesta ne prenne de l'ampleur. D'autant que l'Union nationale des barreaux, en conclave ce matin à la Cour suprême, devrait soutenir les décisions du bâtonnat d'Alger par des actions à l'échelle nationale. Les robes noires sont, par ailleurs, unanimes à dire que l'affaire du bâtonnier d'Alger n'est que l'élément déclencheur de leur révolte. "L'incident avec Me Sellini n'est que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Depuis plus d'une année, le pouvoir exécutif légifère par ordonnance sur le code pénal et des procédures pénales sans consulter l'Union des Conseils de l'Ordre des avocats, alors que ces amendements touchent directement aux droits de la défense", précise Me Nourredine Benissad. Pour Me Djamila Bouhab, "le rassemblement sert à dénoncer ce qui se passe dans les tribunaux. Les incidents d'audiences se multiplient. Il fallait peut-être réagir plus tôt, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire". Incisive, Me Zoubida Assoul décrète : "Nous vivons une régression du respect des libertés individuelles et collectives et une instrumentalisation de la justice. Nous manifestons aujourd'hui pour tirer la sonnette d'alarme. Le dernier rempart de l'Etat de droit, soit la justice, est en train d'être bousculé par le pouvoir en place. Nous ne nous taisons pas lorsqu'on touche aux droits de la défense." Me Fetta Sadat, députée RCD, a évoqué, également, "l'aliénation de la justice au pouvoir exécutif". Elle a rappelé que le rôle de l'avocat n'est pas banal, puisqu'il est le porte-voix des justiciables. "L'empêcher d'exercer sa fonction, c'est entraver l'accès à la justice du citoyen algérien", a-t-elle souligné. Très actif dans le présent mouvement, Me Saad Smaïl a affirmé que les avocats du barreau d'Alger, soutenus par la présence de leurs collègues des autres wilayas, "exigent l'indépendance totale et effective de la justice".