Des centaines d'Algériens se sont donné rendez-vous hier après-midi place de la République à Paris pour prendre part à une marche commémorative des émeutes du 5 Octobre 1988. L'occasion a été donnée aussi aux participants de réclamer, à nouveau, la libération des détenus d'opinion et la mise en place d'une véritable alternative démocratique en Algérie. Le défilé, le second en un mois à Paris, s'est tenu à l'appel d'une vingtaine d'associations, comités et collectifs de la diaspora engagés, en faveur du changement politique dans leur pays natal. Dans un communiqué rendu public à la veille de la manifestation, les organisateurs se sont élevés contre la tenue du référendum sur la réforme constitutionnelle et ont appelé les Algériens à poursuivre leur mobilisation pour réaliser les objectifs du Hirak. "Depuis maintenant un an et demi, le peuple est engagé dans un processus révolutionnaire pacifique et populaire sans précédent dans le monde, caractérisé par l'esprit de la silmiya et une détermination sans faille pour recouvrer sa souveraineté sur les institutions et les ressources", ont souligné les rédacteurs du communiqué. Malgré le froid parisien, des compatriotes n'ont pas hésité à venir en famille. Nadjia a drapé ses deux enfants, l'un dans le drapeau national et l'autre dans l'emblème amazigh. "Personne ne pourra nous enlever notre identité ni notre détermination", dit la jeune femme très exaltée par les clameurs de la foule qui l'entoure. Comme à chaque marche, les Algériens de France déclinent tous les slogans entendus dans les rues de leur pays. "Nous marchons à la place de nos compatriotes qui ne peuvent plus manifester. C'est un message d'espoir que nous leur envoyons", souligne Faïza Menaï, militante du Collectif Debout l'Algérie, qui avait organisé le premier rassemblement de la diaspora à Paris en février 2019 contre le 5e mandat de Bouteflika. Habituée des défilés des Algériens à Paris, la chanteuse Souad Massi était également présente sur le parcours entre République et Nation. La voix du grand Idir a retenti, quant à elle, depuis une sono montée sur un camion avec la chanson emblématique "Thilelli" (La liberté). Dans une ambiance à la fois solennelle et festive, les marcheurs ont aussi repris en chœur des textes engagés de Matoub Lounès, du groupe Idheflawen, de Baâziz, de Gnawa Diffusion et les hymnes du Hirak. "Les jeunes qui ont envahi les rues en février 2019 ne sont pas différents de ceux qui ont mené la révolte d'Octobre 1988. Plus de trente ans séparent les deux événements, mais les raisons de la colère restent les mêmes. C'est dire que le pouvoir n'a pas changé depuis cette époque", se désole Ahmed, libraire à Paris. Sans papiers en France depuis son arrivée en 2014, Youssef est justement plein de rancune. "J'ai quitté l'Algérie parce que je n'avais plus ma place là-bas. Je voyais des gens s'enrichir de manière illicite, alors que je ne parvenais pas à trouver du travail. Aujourd'hui, j'ai un boulot, mais j'ai peur à chaque instant de me faire prendre par la police", fait savoir le jeune homme. En marchant avec des compatriotes à Paris, il espère que les choses changeront en Algérie et qu'il pourra un jour y retourner.