En décembre dernier, deux hauts responsables français ont affirmé que Paris soutient l'ouverture d'un dialogue avec certains groupes terroristes, en dehors d'Al-Qaïda et de l'autoproclamé Etat islamique dans le Grand Sahara. Deux soldats français, de l'Opération Barkhane au Sahel, ont perdu la vie samedi, lors d'une attaque à l'engin explosif artisanal, dans la région de Menaka, dans le nord-est du Mali, cinq jours après la mort de trois de leurs collègues dans les mêmes circonstances dans le centre du pays, a affirmé la présidence française dans un communiqué. Un troisième soldat a été blessé, mais il est hors de danger, a précisé la même source. Samedi, un véhicule blindé léger (VBL) a été "l'objet d'une attaque à l'engin explosif improvisé" lors d'une mission de reconnaissance et de renseignement, ont précisé la présidence française et l'état-major des armées. Cela porte le nombre de soldats français morts dans le Sahel, depuis le lancement en 2013 de l'opération Serval puis Barkhane, à 50, le plus lourd bilan jamais enregistré ces dernières années par l'armée française, qui a déployé dans le Sahel plus de 5 000 hommes. L'attaque de lundi dernier, qui a fait trois morts dans les rangs de l'armée française, a été revendiquée par l'organisation terroriste Al-Qaïda. Ces nouvelles attaques interviennent au moment où Paris envisage de réduire ses effectifs, à la faveur de la formation d'une nouvelle force internationale conjointe de cinq pays du Sahel, communément appelée G5-Sahel. Forte de 5 000 hommes, la force G5-Sahel a été créée en 2014, mais son entrée en fonction n'a pu se faire que depuis un an, en raison de son manque d'expérience, mais surtout de moyens pour couvrir un territoire aussi vaste que celui d'un Sahel désertique, transformé en un véritable sanctuaire des groupes terroristes, de plus en plus nombreux à se disputer le terrain et à s'attaquer à la présence française dans la région. Une présence de plus en plus contestée par les Maliens eux-mêmes, dont certains accusent les soldats français d'exactions contre les civils et d'abus, surtout dans le nord du pays, très dominé par les groupes politico-armés de l'ancienne rébellion touarègue. Aujourd'hui, c'est surtout le coût financier et humain qui remet en cause l'engagement militaire français au Mali et dans l'ensemble des pays du Sahel, où d'autres forces militaires en présence sont également la cible d'attaques régulières des groupes terroristes, dont les GI's américains au Niger, pour ne citer que ceux-là. Paris a demandé, maintes fois, à ces alliés européens d'apporter du soutien dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Mais ce ne sont pas tous les pays européens qui sont intéressés par cette région, du point de vue géopolitique. Au Conseil de sécurité de l'ONU, la diplomatie française n'arrive pas non plus à obtenir un mandat onusien pour la force G5-Sahel, buttant chaque fois sur le veto des Etats-Unis, qui préfèrent continuer sa coopération dans ce domaine dans un cadre bilatéral avec les pays de la région. Sur le plan interne, l'opinion publique française et les politiques français exigent des comptes et demandent la fin de cette mission, la plus meurtrière que connaît l'armée française depuis 2000, dans la guerre en Afghanistan (100 morts). Cela pourrait expliquer, en partie, le changement de ton nuancé de Paris ces dernières semaines, quant à la possibilité d'engager un dialogue de paix avec les groupes terroristes actifs dans le Sahel, en dehors d'Al-Qaïda et de l'autoproclamé Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Sans expliquer clairement comment procéder, Paris estime qu'il est nécessaire aujourd'hui d'en finir avec le terrorisme par le moyen du dialogue. Une démarche déjà entreprise par le Mali lui-même avant la chute de l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, sans pour autant ramener les principaux chefs terroristes à déposer les armes. Iyad Ag Ghali et le prédicateur peul Amadou Kouffa auraient conditionné toute négociation par le départ de l'armée française du Mali. Une revendication difficile à satisfaire, tant l'insécurité n'est pas seulement celle provoquée par les groupes terroristes, mais elle est aussi l'œuvre des bandits, des narcotrafiquants interconnectés à ces mêmes groupes terroristes que la communauté internationale peine encore à neutraliser.