Résumé : Fahima travaille dans la police. Elle a deux filles. Son mari, routier, est souvent absent. Tous deux ont des peurs. Lui craint l'insécurité et elle craint qu'un jour, il ne s'endort alors qu'il conduit. Le lendemain matin, Fahima dépose ses filles chez la nourrice Lila. Celle-ci est femme au foyer et son mari travaille quand il le peut. Depuis près d'une année, elle lui garde ses filles et elle s'occupe si bien d'elles que Fahima lui offre souvent des cadeaux. Elle se rend ensuite à son travail. Elle se donne à fond afin de pouvoir se libérer une heure avant. Sa collègue de bureau, Djamila, la couvre régulièrement, à chaque fois que son mari doit rentrer. Elle aura ainsi le temps de préparer un bon dîner et de se faire belle pour leurs retrouvailles. Cela fait cinq jours qu'il est absent. - Quelque chose ne va pas ?demande Fahima à Djamila, remarquant son air soucieux. - Je l'ai aperçu, tout à l'heure, répond celle-ci. J'ai peur de lui… - Peut-être que tu es devenue paranoïaque, répond Fahima. Tu sembles oublier qu'il habite le quartier et qu'il y travaille aussi ! Ce n'est pas parce que vous avez rompu qu'il doit quitter la ville ! Ce ne sera pas la dern- nière. - Depuis qu'il s'en est pris à moi, j'ai peur qu'il recommence ! confie Djamila. Il pourrait m'amocher… - Parce que tu l'as plaqué ! Non, il ne faut pas exagérer…Ce sont des choses qui arrivent dans la vie ! Il n'est ni le premier et ne sera pas le dernier, à connaître un échec en amour… Fahima sait de quoi elle parle. Elle en a connu deux. Elle n'a pas eu l'honneur de plaquer mais à deux reprises, la relation a tourné court. Une fois parce qu'elle était issue d'une famille modeste et lui, d'un haut rang. Avec le deuxième, il refusait qu'elle travaille dans la police. Et même ailleurs… Avant même de pouvoir se décider si elle devait accepter de renoncer à son gagne-pain, il s'était mis avec une autre. La déception a fait qu'elle est restée ensuite, de longues années avant de tenter sa chance. Elle avait pris de l'âge et toutes les filles de sa famille et de sa région étaient mariées. Sa famille craignait qu'elle ne devienne vieille fille. Alors, lorsqu'une amie de la famille a parlé d'elle à Madjid et que celui-ci s'est dit intéressé, elle n'a pas hésité à accepter sans même l'avoir rencontré. La demande en mariage s'est faite comme au bon vieux temps. Les parents de Madjid se sont présentés aux siens et ils se sont entendus sur tout, sans eux. Vu le résultat de leur mariage huit ans après, ils n'auraient pu faire mieux. Madjid est un homme bon, serviable et travailleur. Il la respecte et la chérit. Elle ne peut demander plus. De son côté, elle s'efforce d'être une bonne épouse et une bonne mère. En pensant à son mariage et aux années écoulées, Fahima a la conviction d'avoir de la chance. Ils n'ont jamais connu de problèmes relationnels et matériels. Ils travaillent tout deux afin de donner le meilleur à leurs filles. Elle rêve d'avoir un garçon. Il lui semble que c'est tout ce qui manque dans leur vie. - Oui, reconnaît Djamila. On rencontre des échecs, dans la vie…Mais lui, il ne semble pas s'en remettre... - Tu veux dire qu'il ne veut pas te pardonner et passer à autre chose ? Djamila hoche la tête. Attendant une réponse claire, Fahima qui lève le nez de son clavier et surprend son regard. Ce qu'elle y voit, lui donne la chaire de poule. Sa collègue l'envie. - Tu sais, tout n'est pas rose et parfait dans ma vie, lui dit-elle. Il y a des jours bien sombres…Ne crois surtout pas que j'ai de la chance… - Ah ? Peux-tu me dire pourquoi je te croirais ? Il ne te manque rien dans la vie, réplique Djamila. Tu as un mari, des enfants, un appartement…Que te manque-t-il ? - L'essentiel…Mais toi, tu ne pourrais pas comprendre ! - Dis toujours, dit Djamila, curieuse. Fahima hésite à se confier après ce qu'elle a lu dans son regard. Mais l'envie de sa collègue ne peut pas lui nuire. Alors, après avoir repoussé son clavier, elle se décide à le lui dire… ADILA KATIA (À suivre)