«En Hors Ton», s'insinue dans les limites de la galerie Sirius depuis le 16 décembre 2016 et ce, jusqu'au 10 janvier 2017, pour une manifestation de style que présente Azwaw Mammeri après un peu plus de dix ans d'absence. Le plasticien absent du vernissage se serait délecté de la présence de nombreux artistes, intellectuels et personnes venues voir son travail. Voir une série produite par Azwaw Mammeri de plus de vingt travaux sur des cimaises est un véritable exploit. Il est, en effet, épique d'avoir pu pour Valentina Ghanem et Saâdi Chikhi, commissaire de l'exposition réunir des travaux, inciter l'artiste à produire et enfin réaliser un évènement qui fera date dans les annales des arts plastiques algériens. Le plasticien qui présente ici dans sa monstration intitulée «En Hors Ton» un catalogue de sculptures, de collages, travaux avec du bois, du papier, des gribouillis organisés, des dessins ou des masques. L'œuvre de cet artiste prolifique, même s'il n'expose pas souvent en dehors de son atelier désordonné, touffu comme un capharnaüm du siècle dernier, envahi de chats discrets et de travaux disséminés partout, reste incontournable dans le paysage artistique algérien. Pour cette fois, l'exposition vaut vraiment le détour car Azwaw nous donne à voir des œuvres sorties de ses lointaines étapes mélancoliques, elles évoquent la sérénité, la catharsis d'un artiste très caractériel, très intuitif qui doute à chaque moment de sa création et de ses cogitations, on perçoit de lui les blessures de la vie mais aussi une immense écorchure narcissique qui nous met entre Modigliani ou Egon Schiele dans leur explosions mortifères, mais sublimées. Mammeri, fils d'Ath-Yenni en 1954, reste dans la tradition de ces grands peintres torturés qui produisent d'abord pour eux, dans le secret de leur atelier touffu, construit par des actes manqués, des oublis, mais qui révèlent finalement le caractère libre, sincère de la démarche, dans l'espace de création. Azwaw Mammeri se construit un «Nid» protecteur, un cocon sublime dans lequel se pressent des journaux, coupures de papier, pinceaux, matériel de peinture jeté négligemment ici et là. Mais des pépites, des trésors de couleurs émergent de ce maelstrom créatif. Il est gentil, affable, discute, est au courant de tout, mais il est aussi capable de se refermer comme une huitre, explose dans mille geysers de rage en incombant le tout à des incompréhensions des autres. Tout cela transparait dans une série de travaux graphiques, empiriques pour certains, bruts pour d'autres, sur du papier, du bois, des volumes, autant d'éléments que le peintre rend « Discursifs », logique, organisés sur des touches de pinceaux, des grattages, poses de matières agitées, il incise plutôt qu'il ne colle certaines de ses figures, met des yeux au cutter, gratte, peint, pose des monotypes pour donner un plus à une de ses images. Il colore, annule, propose d'autres formes sur ses supports multiples, n'hésite jamais devant pierre et bois, il pose des formes, croise ses papiers et ses morceaux de bois pour créer des carrés, des rectangles nouveaux. Ses figures, ses masques tout en africanité, ses symboles connus et anonymes, laissent une excellente impression d'ensemble sur une œuvre très forte, sincère et attachée à ses racines, ses sources pures et ses héritages subtilement distillés dans ces regards francs, dessinés comme des masques qui nous accusent ou qui nous récusent le droit d'être heureux aujourd'hui quand les autres souffrent de mille et un maux. Azwaw Mammeri reste fidèle aux fondements originels de son travail, il montre encore de grandes propensions à garder son style fait de carrés, de ronds, de soufflages de couleurs et construit avec des bandes, des croix, figure tutélaires, figures totémiques qui laissent aussi place à des gribouillis posés en masse sur des espaces très clairs, ou juste des graphismes en croix ou des ronds formant un fond accueillant. Il pose aussi un élément central, un masque ou un rond, agrémenté sur toute la surface avec des empreintes, des crayonnés, compositions aérées qui montrent la sérénité évidente d'un peintre probablement rasséréné quelque part. Dans cette nouvelle apparition heureuse pour nous, le plasticien propose des figures un peu insolites, un peu comme taillées dans la pierre, très primitives un peu comme des morceaux de pierre taillée posés sur ses fonds travaillés d'une manière abstractive. Le peintre remet en selle ses petits travaux sur des carrés découpés et des visages « annulés » par ses collages, sorte de non-dits peints qui posent des interrogations au lieu de répondre par des affirmations. «En Hors Ton » est l'exposition du retour, du retour de l'enfant prodigue, nous avons remarqué par la puissance de cette monstration qu'il n'était point essentiel de cultiver la mondanité, le peintre étant absent de son public, peut-être était-ce mieux ainsi pour ne pas fausser le débat sur une œuvre qui se suffit finalement à elle-même. Et qu'il est tout simplement impératif d'aller voir jusqu'au 10 janvier prochain, c'est à la galerie « Sirius » du Telemly, c'est de l'art contemporain et c'est vraiment exceptionnel. nExposition «En Hors Ton», exposition de peintures et sculptures du plasticien Azwaw Mammeri, du 16 décembre 2016 au 10 janvier 2017 à la galerie « Sirius », sise au 179 Bd Krim Belkacem, Telemly, Alger, entrée libre.