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Mort des tribus, naissance des tribalismes (III)
Publié dans La Nouvelle République le 15 - 09 - 2019

Lorsque le Soudan du Sud accède à l'indépendance en juillet 2011, c'est un Dinka, John Garang leader du SPLA qui fut élu à la fonction de président de la République. Le vice-président était un Nuer alors que traditionnellement guerriers, les Nuers ont de tous temps dominé militairement les Dinka dans la compétition aux meilleures terres de pâturage qui opposaient ces éleveurs de bovins, faisant partie du même groupe ethnolinguistique. Les colons britanniques ont toujours privilégié les Dinka, plus dociles. Les Américains de concert avec les Israéliens perpétuent cette hiérarchie inégale d'accès puis d'exercice du pouvoir entre des groupes tribaux censés former un bloc étatique. De fait, en raison du processus d'une cristallisation nationale inexistante, le contrôle des richesses pétrolières est actionné par les Anglo-Saxons et leurs acolytes sionistes. En contrepartie de quoi, de véritables vedettes politiques sont nées. Elles portent des chapeaux de cow-boy, habitent des maisons luxueuses et se déplacent en jets privés. Elles manipulent les foules sud-soudanaises en vertu de valeurs réinventées à l'aune d'un passé lointain dévoyé dans le but de s'accaparer des richesses pétrolières sur fond de famine dont même les temps les plus reculés n'ont guère de souvenance.
Ce phénomène du tribalisme politique prend naissance dans le rapport inégal que les colons ont établi en Afrique avec les tribus indigènes, favorisant certaines d'entre elles par rapport à d'autres, au gré de leurs intérêts et des particularismes que leurs ethnologues ont identifié. Cette distorsion du fait tribal provoque des sentiments de frustration qui imprègnent pleinement la formation des classes sociales, encouragé en cela par un mécanisme colonial d'ascension sociale, fruit d'un système scolaire discriminatoire faisant la promotion d'une part des enfants des «obedient tribes» (les tribus dociles) et d'autre part celle d'un prosélytisme chrétien dirigé essentiellement vers ces mêmes tribus, qui, au sein des peuples colonisés ont décidé de manière consciente de se prêter aux manipulations des nouveaux conquérants.
C'est ainsi que naît une «conscience ethnique» culturelle dont la politisation est intimement liée à la délégation symbolique d'attributs du pouvoir que le colon veut bien concéder aux «obedient tribes», en particulier de la possibilité de régler des différents mineurs devant des «juridictions traditionnelles». Face à ces manipulations, les groupes tribaux concurrents se portent naturellement vers la réfutation de ces réaménagements réalisés à leurs détriments. Les individus les plus impliqués dans l'opposition à ces réajustements, se réfugient instinctivement vers les valeurs d'antan, sacralisées, d'autant plus chargées de violences contenues que la langue véhiculaire coloniale a pris le dessus au sein de «ces nouvelles élites africaines de la période coloniale» et conséquemment sur les dialectes vernaculaires indigènes.
De façon plus sophistiquée encore, les missionnaires blancs, se distinguent dans l'étude des différents dialectes tribaux et réalisent un travail chirurgical sur les langues locales évidées de leurs dimensions philosophiques, littéraires, scientifiques ou techniques privilégiant les récits poétiques et les contes mythiques aux fins d'y mettre en exergue les synergies utiles aux genèses bibliques et donc à l'évangélisation des peuples colonisés. Pas d'études sur les traditions d'argenterie des peuples berbères, très peu sur les mots techniques utilisés pour le façonnage des bijoux intimement liés à un artisanat de la guerre mais pléthore de remarques savantes sur les mémoires enfouies faisant l'apologie de la fertilité, de la pluie ou de tout autre événement profane lié à la vie rurale antéislamique et montagnarde de nos anciens que l'on rapproche par des raccourcis douteux de l'histoire de la Vierge Marie ou du déluge.
L'assassinat de la tribu par le colonialisme et…
Quant aux topographes, médecins, géographes, historiens militaires et civils, ils découvrent la géographie humaine et font des descriptions d'autant plus saisissantes des us et coutumes des populations, consignées à partir de 1856 dans la Revue Africaine, qu'elles serviront à détruire les tribus par les lois Warnier (Juillet 1873). Ces dernières visaient à s'accaparer les terres indivises des populations soumises, annihilant l'organisation sociale pour détruire la Nation qui avait eu cours jusque-là, basée sur la tribu, brique fondamentale, se nichant au cœur de la résistance de l'Emir Abdelkader s'appuyant sur un modèle alliant défense de Dar El Islam et traditions guerrières ancestrales, démontrant toute son efficacité en dépit d'une mobilisation sans précèdent d'une des plus puissantes armées du monde.
C'est ce qu'avait observé minutieusement Warnier, représentant de la France auprès de l'Emir Abdelkader aux termes du Traité de la Tafna. De ce qui fait la cristallisation du fait national et de la naissance de l'Etat moderne algérien, produits organiques de l'Etat de Jihad (de guerre) permanent contre le christianisme qui s'est étalé sur des siècles, nous reparlerons dans le prochain article à paraître qui constituera la quatrième partie de ce long article consacré à la revanche de l'impérialisme sur l'Afrique.
Mais si les tribus furent assassinées par le colonialisme pour des raisons bassement militaires, le tribalisme politique n'a pas trépassé avec elles. Voilà donc les Africains héritiers de nouvelles langues, savamment uniformisées par les missionnaires, de celles qui seraient certainement incompréhensibles à leurs locuteurs lointains s'ils venaient à ressusciter, promues, au nom d'un fondamentalisme culturel intéressé, déployant par la logique invasive qui est celle du langage, la production de nouvelles formes tribales ethniques se dotant de problématiques culturelles, identitaires et «d'authenticité» jamais débattues auparavant puisque inconnues jusqu'à l'intrusion violente du fait colonial.
Du coup la reformulation de la «morale ethnique» passée se transforme en une démarche intellectuelle politisée, dont la crise berbériste de 1949 est très symptomatique, radicalisée par les tensions accumulées du fait de la stratégie de discrimination tribale coloniale, sans aucun rapport avec la réalité culturelle d'hier, présentée sans coup férir, dans une contraction rétrograde au sens premier de ce terme, comme un idéal de société indépassable.
Le développement économique prompt à tirer le plus grand profit des richesses des pays conquis, encourage également à souhait les préjugés de l'ethnologie d'alors appliquée à servir au mieux de ses intérêts, le colonialisme. Le patronat blanc cherchant une main d'œuvre rustique et analphabète ira la chercher en Kabylie, région privilégiée par le colonialisme français qui y voit une «race différente des Arabes» en raison de singularités dans la transmission de l'héritage en rupture d'avec les lois islamiques, ne léguant absolument rien aux filles mais tout aux fils.
Cela fut suffisant pour justifier de l'implantation de «Pères blancs» en Kabylie, allant jusqu'à se draper d'un burnous blanc (d'où leur dénomination), pionniers dans l'étude des langues et dialectes berbères, bien avant les intellectuels berbéristes largement abreuvés des lectures de leurs travaux, mais également propagandistes de la réputation de «travailleurs» qu'ont à cette occasion gagné les «Kabyles» sur les «Arabes» «fourbes et fainéants».
Et c'est El Mokrani qui, en 1870, levant la bannière de l'Islam, avec étoile et croissant, secondé de manière encore plus déterminée par le Cheikh Mohand Ameziane Belhaddad auquel l'histoire nationale ne rend pas suffisamment justice pour son action sans concession, qui font reculer les Pères blancs en petite Kabylie, démontrant ainsi aux ethnologues colonialistes que les tribus en Kabylie sont à l'Islam ce que le Prophète (QSSL) est à son Dieu, ses humbles serviteurs.
…Et la fabrication du tribalisme politique
Ainsi, dans sa marche à pas forcés, comme lorsque l'on veut prendre de vitesse un adversaire militaire, le colon a remplacé la tribu, organisation sociale naturelle qu'il a anéanti pour exploiter une mine ici, des terres-là, des ressources en eau plus loin, par l'ethnie réinventée, dépassant le cadre traditionnel pour donner naissance à une communauté imaginaire fantasmée, l'ethnicité culturelle, lui forgeant pour ainsi dire une mémoire sans soubassements archéologiques, multipliant les anachronismes historiques débiles et glorifications béates d'ancêtres invoqués dans le seul but de susciter une opposition stérile aux autres ethnies, démarche bien évidemment confondante d'infantilisme intellectuel.
La période postindépendance n'a fait qu'amplifier l'imbroglio identitaire africain voulu par le colon en raison de compétitions électorales qui ont approfondi la politisation du fait tribal en débouchant sur des partis ethniques cherchant à faire de la culture la marque d'une ethnicité spécifique, éligible au statut de droit de l'Homme au même titre que les libertés d'expression, une sorte de nouvelle idéologie, cache-sexe destiné à couvrir d'un tissu moraliste et hypocrite les «tribus politiques des temps modernes» et dont on a vu les résultats dévastateurs au Soudan du Sud. Ce statut de la culture, non plus en prolongation de l'action étatique comme nous la voyons se déployer en France, aux Etats-Unis, en Chine, en Russie mais en résonnance des logiques désormais non plus coloniales mais impériales vise à saper les efforts de raffermissement du fait National délesté de moyens anthropologiques économiques qui seuls donnent les capacités de force nécessaires aux autres déploiements en particulier sur les plans culturels et politiques.
Ces partis de la régression obéissent donc servilement d'une manière homothétique croissante à un agenda de la segmentation matérielle toujours plus prononcée du monde, amplifiée par la rente pétrolière et son intégration financière à l'impérialisme, délaissant de facto les dynamiques productives au profit des fonctions distributives de l'économie mondialisée, de ses biens et services de toutes sortes dont le conglomérat commercial Cevital, «archétype d'une nouvelle tribu ethnico économique de type rentier» est la parfaite illustration, en lieu et place d'efforts équilibrés, c'est-à-dire nationaux, autonomes et souverains de développement des Nations de la périphérie.
Et comme de bien entendu ce n'est pas le Tifinagh qui sert à la bureaucratie des Partis ethniques ou des entreprises ethniques mais le… français (la langue du colon) en lieu et place d'une langue nationale, la langue arabe, pourtant homogénéisatrice - «en toute rationalité» pour reprendre un terme emprunté à la philosophie de la raison chère aux partisans de la laïcité - d'un marché de plus de 400 millions de consommateurs du Golfe arabe à l'Atlantique.
Mais la mondialisation ne réduit pas le tribalisme à des partis faisant l'apologie de l'origine pour justifier d'un programme politique raciste amenant inéluctablement à la guerre civile et à ses atrocités, ou dans des versions à peine plus édulcorées, de la culture en lui donnant des connotations clairement ethniques et arabophobes se limitant presque toujours à une folklorisation stérilisante des traditions populaires pour mieux fixer une clientèle électorale acquise par avance à des thématiques conservatrices sans perspectives de renouvellement, de même qu'elle ne les confine pas à des entités économiques ethniques dans leurs organisations.
Le tribalisme le plus redoutable, fondant sa légitimité indiscutable sur les fonds baptismaux de tous les autres tribalismes passés en revue, a érigé en nouveau totem, l'accumulation monétaire sans contrepartie de développement véritable et durable pour les peuples qu'il a réussi à subjuguer. C'est en faisant table rase de tous les tribalismes, politiques, économiques et financiers transnationaux que nous retrouverons les voies qui mènent au développement véritable, c'est-à-dire scientifique, technologique, culturel et démocratique de notre peuple combattant.


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