D'elle, que voulez-vous que je vous dise ? D'abord, que c'est une martyre. Indiscutablement, c'est une martyre. D'ailleurs, tout son corps porte les stigmates profonds de son martyre. Sa face est noircie par les galères qu'elle a traversées. Sa peau est toute ridée, pour ne pas dire fripée, flétrie. Et comment pourrait-il en être autrement ? Elle n'a connu que souffrance et misère. Et aujourd'hui, personne ou presque ne veut d'elle. Naguère fière, le teint clair et le port altier, elle se faisait désirer, elle taquinait nos envies. Aujourd'hui, c'est à peine si nous lui jetons un regard furtif et dédaigneux. Comment perdre son temps à zyeuter une pomme de terre mal sortie de son aire de stockage réfrigéré, exposée trop brutalement à la lumière et à des températures trop hautes et qui a donc noirci, qui s'est logiquement rabougrie et que les marchands pressés de s'en débarrasser veulent nous fourguer à 25 dinars le kilo ? Nous sommes ainsi ! Nous détestons les idoles d'hier. Par la faute aussi et surtout de ceux qui n'ont pas encore compris comment on stocke et on déstocke correctement, selon des normes scientifiques une pomme de terre. Allez ! A demain ! S.B [email protected]