Une alliance politique nouvelle en quête de consensus    Evaluation des risques sismiques et leur impact sur le développement social et économique    Dix axes directeurs pour son émergence par une nouvelle gouvernance    Concilier innovation technologique et responsabilité éthique    Pourquoi Israël et l'Occident s'effondrent-ils en tandem ?    La reconnaissance de l'Etat de Palestine, une étape tangible menant à l'autodétermination    Les étudiants d'une université américaine installent un nouveau camp de solidarité avec la Palestine    La CAF continue de faire étonner    L'entraîneur Abdelhak Belaid de retour    Un match à huis clos pour le WAB    Le corps d'un noyé repêché à la plage de Sidi Medjdoub    Deux morts et 4 blessés dans un accident de la route à Sig    Les auteurs du vol dans un atelier de construction neutralisés    Yusuf Islam en appelle    Lancement du concours du meilleur portrait de personnalités de Tébessa    La Syrie et la Russie animent la soirée de clôture    Para-athlétisme/Mondiaux de Kobe-2024: nouvelle médaille d'argent pour l'Algérie, grâce à Ziamni    Forum mondial de l'eau en Indonésie: l'Algérie se distingue par ses positions claires    Tlemcen: départ du premier groupe de pèlerins vers les Lieux Saints à partir de l'aéroport Messali Hadj    Ligue 1 Mobilis: duel à distance pour la place de dauphin, choc "à six points" pour le maintien    Grand Prix International de la Ville d'Alger: 70 coureurs au départ de l'édition 2024, prévue sur 82,5 km    Ghaza: la CIJ ordonne à l'entité sioniste de stopper "immédiatement" son agression à Rafah    Les SMA célèbrent leur Journée nationale sous le slogan "Les Scouts toujours au service de la patrie"    Deuxième Forum du livre: une quinzaine d'inventeurs et de créateurs algériens distingués    Agriculture: Création d'une entreprise publique de développement des cultures agricoles stratégiques    Le renforcement du parc hôtelier entraînera la baisse des prix    Formation professionnelle: Merabi préside une réunion d'évaluation de l'état d'avancement du processus de numérisation    Attaf copréside une séance de travail avec son homologue sénégalaise    L'armée sahraouie cible le siège d'un bataillon des forces d'occupation marocaines dans le secteur de Mahbes    Deux terroristes abattus dans la wilaya de Chlef    Benbraham exhorte depuis Akbou à amplifier le mouvement associatif    Pêche: Badani donne à Tipasa le coup d'envoi de la campagne de pêche au thon rouge    La rencontre du président de la République avec les chefs des partis politiques représentés aux Assemblées élues saluée    "Zawaya", nouvelle plateforme électronique dédiée aux productions cinématographiques et télévisuelles algériennes    Le Président Tebboune rencontre les chefs des partis représentés au sein des Assemblées élues    Le président de la République rencontre les chefs des partis politiques représentatifs au sein des Assemblées élues    Le pouvoir politique US des deux poids, deux mesures….    Palestine. Mieux vaut tôt que jamais    Le droit de massacrer, de Sétif à Gaza    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Louis Aragon, le roman inachevé
Le temps des colchiques
Publié dans El Watan le 26 - 05 - 2005

la poésie de « boucherie » née dans les tranchées de la Marne (« la der des der ») avait trouvé son chantre le plus éloquent et le plus prestigieux de la France occupée. C'était un Français d'adoption, un métèque d'origine italo-balte.
Guillaume Apollinaire faisait éclater les verres par le rire quand la liqueur du colchique inondait sa nuit rhénane au bord du fleuve ivre des vignes qui s'y mirent. Sa poésie devait marquer à jamais les tout derniers des grands poètes maudits du XXe siècle, les anti-idioties, ceux qui ne voulaient pas mourir, et surtout ni bêtes ni médiocres, comme de vulgaires rimailleurs ratés, les paranoïaques correspondants des chimères. Avec Guillaume, le joli mois de mai, c'était la saison des tziganes aux espérances violentes aguichant des bateliers qui descendaient en péniche sur cette eau courante pour se prosterner le soir sur le tombeau fleuri de houx et de bruyère en fleur. La dernière demeure de Léopoldine à Harfleur. En 1956, la guerre d'Algérie battait son plein. La quatrième République était déjà chancelante. La France occupante redécouvre un grand poète anticolonialiste qu'elle tente vainement de contenir. Louis Aragon (60 ans) publiait Le roman inachevé. Certains de ces textes deviendront, peu de temps après, parmi les plus belles chansons de résistance à l'occupation et à l'oppression pour tous les peuples épris de justice et d'égalité. Le virtuose Léo Ferré devait les immortaliser. Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
L. Aragon. Strophes pour se souvenir, (1956)
1956, Albert Camus (43 ans), un enfant d'Algérie devenu un grand philosophe et un célèbre écrivain autant que talentueux polémiste parisien, ose défier les forces colonialistes à Alger en tenant une conférence dans la basse Casbah, au Cercle du progrès de l'Association des oulémas, sous la double menace de mort des ultras et de leurs groupes fascistes, et d'expulsion de la part d'un gouverneur frileux plus attentif aux humeurs des milieux terroristes du colonat. 1956, le jeune dramaturge Kateb Yacine (27 ans) donnait à l'Algérie et à la littérature anticoloniale universelle un de ses plus beaux romans-poèmes, Nedjma, après une production littéraire croissante, livrant à intervalles presque réguliers des poèmes, des essais, des textes journalistiques, des nouvelles et des esquisses théâtrales, mais pas l'ombre d'une taboumanie. Ils allaient dans la nuit
Le cœur serré à la pensée que le pays
Les verrait disparaître
Terroristes.
Kateb Yacine, 1957 (Entretiens sur les arts et les lettres. Rodez, Subervie, février 1957) Un généreux commun combat avait réuni les écrivains et les poètes. Les Français étaient engagés tous deux dans les réseaux de la résistance antifasciste et antioccupation durant la Seconde Guerre mondiale. Le premier était communiste, le second social-démocrate. Tous deux avaient pratiqué la résistance plus ou moins active. Quant au jeune écrivain algérien, il partageait avec Camus d'être originaire du même pays, de la même région (l'Est algérien), d'avoir la même langue d'expression écrite, une langue française acclimatée à un environnement nord-africain avec ses spécificités culturelles, langagières, comportementales, etc. Camus et Kateb se sont rencontrés une seule fois et ce fut dans une atmosphère glaciale, écrira Kateb, plus tard. C'est sans doute en avril ou mai 1947, à Paris, lors du passage de Kateb pour donner sa conférence sur l'Emir Abdelkader et l'indépendance algérienne. Depuis lors, les passerelles entre les deux n'auront jamais fonctionné. Des escarmouches indirectes et des controverses sourdes ont émaillé les productions des deux hommes jusqu'à la mort de Camus en 1960 (voir Camus. L'assassinat post-mortem. Editions Apic, Alger 2005). Avec Aragon, Kateb ne semble pas avoir eu de rapport direct. Mais il n'est pas impensable de dire qu'Aragon aura, peut-être, assisté à la conférence de 1947 de Kateb à Paris, car c'étaient les communistes qui l'avaient organisée à partir d'Alger et Alger républicain avait joué un rôle déterminant dans cette affaire à l'époque. Une conférence anticoloniale à Paris organisée par les milieux progressistes en soutien à l'indépendance de l'Algérie et en hommage à l'Emir Abdelkader, Aragon ne pouvait la rater. Se sont-ils rencontrés ? Rien ne le prouve et rien ne le nie, non plus. Mais ce qui est certain, c'est que le poème Ouverte la Voie d'avril/mai 1947 aura été publié dans Les Lettres françaises grâce à Aragon qui n'avait jamais cessé d'aider les auteurs progressistes algériens, Mohammed Dib et Kateb Yacine, en ouvrant au premier les portes des éditions Gallimard (Au café en 1956 justement et Ombres gardiennes en 1960) et à Kateb Yacine les colonnes de la prestigieuse revue Les Lettres françaises (1947). Pour Aragon, le poème en hommage aux résistants étrangers fusillés en France, Pour se souvenir, est un hommage à tous ceux qui se battent pour les idéaux d'égalité et de liberté (Arméniens du groupe Manouchian, Ousidhoum Rabah et sa brigade internationale antifranquiste ainsi que Mohamed Belaïdi, le compagnon d'espoir d'André Malraux, le brigadiste). La France qu'il peint dans son poème est la France des années quarante ; mais celle qu'il chante en 1956, c'est n'importe quel pays qui se bat pour sa libération, du Vietnam à l'Algérie, de l'Andalousie, avec son si beau poème Medjnoun, à la Tunisie, de l'Egypte, seconde patrie déclarée de Michel Butor, à la Guinée. Cette poésie est l'expression manifeste d'une montée en puissance de l'anticolonialisme dans l'intelligentsia française, qui préparera les grands mouvements d'objection de conscience et de grèves contre l'injuste guerre coloniale. Comme en 1947, en 1956, les dockers européens et français, en particulier, se proposèrent d'immobiliser les ports pour empêcher l'embarquement des troupes coloniales. L'Algérie avait des amis solidaires réels, qui ne cherchaient pas à la tutelliser. C'était mieux que la perfide fausse fraternité.
Louis Aragon. Le roman inachevé (poèmes) Gallimard, Paris, 1956.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.