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Murs froids, matelas crasseux et une chaîne de TV
REPORTAGE DANS LA PRISON D'EL HARRACH
Publié dans El Watan le 19 - 07 - 2005

Effectuer un reportage sur les conditions de détention dans la prison la plus peuplée d'Algérie relève presque de l'impossible. D'abord parce que la visite, toujours accompagnée du directeur de l'établissement, est annoncée à l'avance. Néanmoins, certains détails peuvent échapper à l'administration pour laisser transparaître une petite partie du véritable visage du monde carcéral. Le choix de la prison d'El Harrach à Alger n'est pas fortuit.
Construit pour une capacité de 1500 détenus, ce pénitencier en accueille aujourd'hui 3500. De l'avis de tout le monde, familles des détenus et avocats, les conditions ont connu une amélioration ces trois dernières années, ce qui reste compromis par la surpopulation du fait de la vétusté des établissements dont plus de 50% ont été construits au début du siècle dernier et ne répondent plus aux normes internationales. Si ailleurs, la superficie consacrée au détenu est comprise entre 9 et 12 m2, en Algérie elle est de 1,8 m2 par détenu. La journée s'annonce chaude. Une foule, notamment des femmes et des enfants, s'entasse devant la porte d'entrée de l'établissement. C'est l'heure de la visite. Des dizaines de couffins en plastique recouverts de serviettes portant une petite étiquette avec des noms sont alignées. Les détenus ont le droit à un couffin par semaine. Comme pour la visite. La salle d'attente est exiguë et la chaleur est insupportable. Un enfant ne cesse de pleurer. Il a soif. Sa mère ne veut pas tirer la bouteille d'eau qu'elle a dans le couffin. Elle perd sa patience et gifle son fils. Les autres femmes tentent de la calmer. Un agent vient nous chercher pour nous diriger vers le bureau du directeur de l'établissement, Hocine Boumaiza, licencié en droit, 42 ans, artiste compositeur de musique et parolier. Il nous parle des actions entreprises depuis 1999, lorsqu'il a été nommé à la tête de la prison. Il insiste sur les détenus ayant réussi avec succès leurs études et formation professionnelle dans l'établissement. « Je fais mon possible pour que les jeunes qui sont là puissent trouver respect, dignité et santé. Mais le point noir reste la surpopulation », dit-il, avant de nous accompagner vers l'entrée des quartiers. Dans la cour, des détenus en sueur procèdent à des travaux d'entretien des murs et des façades. « D'ici à la fin de la journée, je veux que le mur soit terminé... », ordonne le directeur. « Cheikh, vous voyez que nous travaillons sans relâche. Nous aurons peut-être un peu de retard... », répond un détenu, la quarantaine. Après une courte visite des salles de soins et de consultations, des médecins parlent des problèmes auxquels ils sont confrontés. « Souvent, l'établissement reçoit les détenus transférés de l'intérieur du pays pour des soins approfondis à Alger. Seul Mustapha Bacha possède un service pénal qui répond quelque peu aux normes de sécurité, mais sa capacité reste faible. Souvent, lorsque nous emmenons les détenus vers les hôpitaux, les médecins ont peur de les prendre en charge. C'est normal, surtout lorsque leur cas nécessite une hospitalisation dans des salles avec d'autres malades. Il faut peut-être demander aux autorités de penser à ouvrir des services réservés à la population carcérale. ». Dehors, le brouhaha des hommes est assourdissant. C'est l'heure de la promenade. Une aubaine pour visiter les salles... vides de leurs pensionnaires. Les matelas en éponge usagés et à l'extrémité crasseuse sont recouverts de draps et de couvertures. Une quarantaine de détenus partagent le moindre centimètre de cet espace rectangulaire, avec au bout deux W.-C. et deux douches, cachés des regards par un petit mur. En dépit du nettoyage à grande eau, l'odeur de l'urine mélangée à celle de la peinture fraîche agresse les narines. La chaleur est intenable, l'air irrespirable. Devant les matelas en éponge, des affaires personnelles des détenus. « Nous profitons pour refaire la peinture et entretenir les lieux, parce que c'est la période des vacances. Il n'y a plus de cursus de formation et de scolarisation. Les détenus doivent nettoyer les salles avant la promenade du matin. Ils laissent portes et fenêtres ouvertes pour aérer les lieux. » De jeunes prisonniers lavent la cour mitoyenne avec la salle. Dans le quartier des détenus liés aux affaires de terrorisme, les pensionnaires, selon les dires du directeur, sont plus disciplinés et plus respectueux de la loi. « Il n'y a jamais eu de problèmes dans ce quartier. Le seul incident a été enregistré lorsqu'un de leurs co-détenus, un diabétique hypertendu, a été transféré à la suite d'un malaise à l'hôpital Zmirli, où il a rendu l'âme trois heures après son admission et en présence du médecin de l'établissement qui le suivait. Les détenus ont été touchés par cette perte et ont refusé de prendre le déjeuner. J'ai été discuté avec eux. Je leur ai expliqué ce qui s'est passé et les mêmes propos ont été tenus par le procureur général adjoint d'Alger. La situation a repris son cours le lendemain. L'autopsie demandée par le parquet a révélé que la cause du décès était le diabète et l'hypertension... »
Rambo, le rêve des détenus sportifs
Dans la salle omnisports, au moins une vingtaine de détenus s'entraînent aux exercices de musculation. Ils veulent tous ressembler à Rambo une fois dehors. Des photos d'hommes exhibant des muscles sont leurs références. Les détenus ont droit à deux heures par jour de sport. « Certains sont réguliers, d'autres préfèrent s'enfermer dans leur isolement », déclare le moniteur, lui même détenu condamné à une lourde peine. « J'ai eu mon bac pour la deuxième fois consécutive et je ne sais toujours pas ce que je dois faire comme étude universitaire. J'aime le commerce, mais il me reste cinq ans à purger. Je l'ai refait parce que l'année passée, j'avais 7 ans encore à purger, j'ouvrais pas droit aux études universitaires. Cette année, je suis très content pour ma réussite... », nous dit-il avec euphorie. A l'autre côté de l'établissement, le quartier des femmes est isolé. Les agents féminins assurent la garde à l'entrée du grand portail qu'elles ouvrent avec une grande clef. Ici aussi, c'est le remue-ménage. Les détenues lavent à grande eau la cour. Certaines sont en train de laver leur linge, de discuter entre elles et d'autres se faufilent et se cachent à la vue du directeur. La première salle est celle des détenues en attente d'un procès. Des lits superposés de deux places sont alignés tout au long de cette salle rectangulaire au-dessus desquels plusieurs fenêtres permettent l'aération de la salle. Au fond, des robinets et un long bassin utilisé pour laver le petit linge. L'endroit semble très propre. Les matelas sont bien couverts par des couvertures bleues. Les pensionnaires sont jeunes. Elles refusent de parler. Peut-être de peur de notre accompagnateur. Contrairement à celles-ci, les condamnées sont plus bavardes. Elles ont « le privilège » d'avoir des salles avec des box individuels. Certaines sont regroupées autour d'un journal en arabe. « Tous les détenus ont droit à trois journaux par quartier. Ils les lisent à tour de rôle. Ils ont aussi la télévision dans les salles... », lance le directeur. Bien arrangé, le quartier des femmes reflète la bonne organisation et surtout l'hygiène. « Moi j'ai eu mon bac avec mention très bien. Je voudrais m'inscrire à l'école de commerce. Il me reste encore 4 ans à passer en prison et une fois dehors, j'aurai mon diplôme universitaire », raconte l'une d'elles toute fière de sa réussite. Elles sont très nombreuses dans son cas et toutes veulent partager leur joie qui leur fait oublier quelques instants le manque du foyer familial. « Moi aussi j'ai eu mon BEF et je voudrais continuer à m'instruire pour avoir le bac... », nous lance une autre détenue, âgée d'une trentaine d'années. Le visage d'une des pensionnaires exprime une grande tristesse. Elle est jeune, à peine 22 ans. « Elle est nouvelle parmi nous et j'essaye de lui remonter le moral et de lui faire admettre qu'elle n'est pas seule ici et que désormais elle a une nouvelle famille... », murmure une détenue, la cinquantaine dépassée qui l'a prise sous ses ailes. Elle lui rappelle sa jeune fille qu'elle n'a pas vue depuis des années. Une bonne partie des condamnées suit une formation ou des cours d'alphabétisation. A notre sortie de la salle, une détenue accourt et appelle le directeur, encouragée par ses copensionnaires. « Je voudrais vous parler. » La gardienne lui fait signer de retourner à sa place. Nous nous arrêtons et insistons pour lui parler. La détenue revient sur ses pas. « Monsieur le directeur, il fait tellement chaud dans la cour que nous ne pouvons pas sortir. Nous voulons juste rester dans les salles, en gardant les portes ouvertes au lieu d'être en plein air sou un soleil tapant... », lui dit-elle.
Des enfants au visage d'adultes
Le responsable ne semble pas convaincu de cette doléance. Sa réponse est : « Je vais y réfléchir. » Nous quittons le quartier des femmes en direction de celui des mineurs. Les deux heures que nous y avons passées ont fait l'effet d'un bouleversement. La place de ces enfants, âgés entre 12 et 18 ans, n'est pas dans ces lieux, même si comparativement aux autres catégories de détenus, ils ont plus de « privilèges ». Des salles sont plus clémentes, plus grandes et plus aérées et des visites des familles plus régulières avec la possibilité du contact direct. Des dessins aux couleurs parfois chatoyantes, parfois lugubres recouvrent les murs. Des lits superposés et bien arrangés sont alignés, alors qu'un poste de télévision est accroché au mur. Les mineurs de mois de 15 ans sont séparés des autres et ceux qui physiquement sont menus ne sont pas avec les plus forts. De même que les récidivistes ne cohabitent pas avec les primaires. « C'est une règle appliquée à la lettre », déclare le directeur. « Chaque groupe de 10 mineurs est gardé par un éducateur âgé, et père de famille, donc de préférence le plus ancien. » Les salles des mineurs sont toutes ouvertes sur une grande cour qui s'apparente à un terrain de football ou de basket. Dans un coin, un babyfoot, entouré d'une dizaine d'enfants. Les portes des salles ne se ferment pas parce que les mineurs ont droit à la cour pendant toute la journée. Dans l'atelier d'activité manuelle, les jeunes détenus font des merveilles avec leurs mains. Des peintures qui rappellent leur traumatisme, jusqu'aux dessins très innocents d'enfants, accompagnés du papa sortant de l'école avec un cartable à la main. Un geste quotidien et banal devenu subitement un rêve inaccessible pour eux. Beaucoup n'ont pas de parents ou sont issus de couples divorcés. Dans cet atelier, ils laissent libre cours à leur imagination. Plusieurs sont de véritables graines d'artistes aux mains si habiles. L'un d'eux nous a même offert une peinture magnifique en noir et blanc. Dans la salle de musique, certains détenus mineurs se sont regroupés devant l'orchestre de l'établissement. Tout le monde se met à danser, danser, danser jusqu'à perdre le souffle. Ni la chaleur du baromètre ni celle des lampes n'ont empêché leur corps de dégager toute cette énergie refoulée. Les plus timides préfèrent suivre de loin, en applaudissant leurs copains. Dans l'atelier de coiffure, de nombreux mineurs suivent attentivement le cours assuré par un détenu. Juste à côté, d'autres s'apprêtent à entamer leur cour d'alphabétisation consacré aujourd'hui au repentir. Quelques-uns n'ont pas compris le sujet. Ils ont raison. S'il y a repentir, ce ne sont certainement pas eux qui doivent le faire. Nous quittons avec amertume ce quartier plein de détresse qui interpelle toute la société pour aller visiter les cuisines. C'est la fournaise. Pourtant, tout est propre. Le déjeuner est terminé, la vaisselle lavée et le parterre essuyé. La chaleur est insupportable. Les deux extracteurs de vapeur semblent tourner dans le vide. Ici, le plat témoin est obligatoire. C'est au directeur de l'établissement ou à un agent de le goûter avant les détenus. Le menu de la semaine est accroché au mur. Haricot sec, lentille, plomb, pâtes, pois cassé, avec parfois un yaourt sont alternés tout au long de la semaine, avec comme petit déjeuner un café au lait. Le pain est fait à la boulangerie par les détenus. Les enfants et les femmes ont toujours un plus par rapport aux hommes. Les mineurs ont leur goûter et au petit-déjeuner comme pour les femmes, ils ont droit soit à du beurre soit à la confiture auxquels les adultes n'ont pas droit. « Le budget est de 56 DA par détenu quotidiennement. Ce qui est largement suffisant pour nous. Le problème pour nous n'est pas d'ordre financier. Notre grand point noir est la surpopulation. Nous essayons de faire des transformations et des travaux d'entretien continuels pour arranger un peu, mais les lieux restent exigus. Depuis quelques années, les conditions se sont bien améliorées », déclare M. Boumaiza. Au foyer, il y a juste ce dont le détenu a besoin. De la boisson gazeuse Hamoud, des cigarettes Rym, des biscuits secs, du chocolat, des stylos, du papiers à lettre, du dentifrice, des brosses à dents, du shampooing, du savon à linge, des serviettes hygiéniques (pour les femmes), de l'eau minérale, etc. au prix du marché. Le caissier est très content de nous révéler que ce lieu est le plus prisé par les détenus. « Ils trouvent tout et ce grâce à l'administration... » Ils trouvent tout, mais le lieu reste une prison qu'il n'est pas du tout conseiller de visiter...


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