Sans surprise, les députés de la Chambre basse du Parlement ont adopté hier à la majorité la nouvelle loi sur les activités et le marché du livre. Il a fallu attendre plus d'une heure pour que le quorum soit atteint à l'intérieur de l'hémicyle de l'APN aux fins d'entamer l'opération de vote d'un texte qui date de presque six ans et qui a été adopté en Conseil des ministres en octobre 2013. Le Parti des travailleurs (PT) a rappelé, dans un communiqué, que cette loi a été élaborée par la précédente ministre de la Culture pour «mettre fin aux lobbies privés» qui ont «fait main basse sur toutes les activités du livre en général et son importation en particulier». Les députés ont, selon Mohamed Sidi Moussa, rapporteur de la commission culture de l'APN, introduit une quarantaine d'amendements. Akila Rabhi du FLN et Samira Brahimi de l'Algérie Verte n'ont pas pu faire passer l'amendement portant sur la suppression de l'autorisation rendue obligatoire à toute activité liée au livre (vente-dédicace, soirée poétique…). Akila Rabhi a qualifié cette obligation de «mesure bureaucratique». Ramdane Taazibt du PT n'a pas pu faire passer la proposition de supprimer «l'atteinte à l'ordre public» inscrite dans la liste des «conditions» de publication et diffusion de livres en Algérie. La commission que préside Fatma-Zohra Leïla Atrous a estimé que supprimer cette «condition» pourrait être utilisée «comme prétexte pour porter atteinte à la stabilité sociale et à la paix» ! L'article 9, critiqué lors des débats, est resté tel quel. Cet article stipule que les activités relatives à la publication, l'impression ou la diffusion de livres doivent respecter : «La Constitution et les lois de la République, la religion islamique et les autres cultes, la souveraineté nationale, l'unité nationale, les exigences de la sécurité et de la défense nationale, l'ordre public, la dignité humaine et les libertés individuelles et collectives.» La même disposition interdit la publication de livres qui font l'apologie du terrorisme et du crime, qui incitent au racisme et glorifient le colonialisme. La commission a ajouté à cette disposition la nécessité de respecter «l'identité nationale et les valeurs culturelles de la société». Mustapha Khiliche n'a pas pu convaincre la commission de supprimer la condition d'avoir un chiffre d'affaires consacré pour deux tiers à l'activité du livre pour être considéré comme «éditeur, imprimeur, importateur, exportateur, diffuseur ou revendeur» (article 11). La commission a légèrement modifié la disposition qui impose aux ambassades, organisations internationales et centres culturels étrangers de soumettre l'entrée de livres en Algérie à l'approbation du ministère de la Culture et à l'avis du ministère des Affaires étrangères. Ouvrir l'activité d'impression et de diffusion du manuel parascolaire aux privés a été maintenu, contrairement à la demande des députées Samira Brahimi et Nadia Chouitem. L'article 16 précise que l'accès à la commande publique doit être équitable entre tous les intervenants algériens dans le domaine du parascolaire. La publication de ce genre d'ouvrages est soumise à un contrôle et à une autorisation du ministère de l'Education nationale, d'après un amendement introduit à l'article 16. La loi sur le livre semble avoir ignoré les auteurs. Même Akila Rabhi n'a pas pu faire passer sa proposition d'obliger les éditeurs à reverser 20% des recettes des livres vendus aux auteurs. Nadia Labidi, ministre de la Culture, a rejeté les accusations des députés de l'opposition sur la volonté de contrôler les activités liées au livre en Algérie. «Cette loi est venue pour organiser le marché du livre et encourager l'activité des libraires. Dans toutes nos actions, nous veillons à respecter la liberté de création dans le pays. Les propositions des députés seront pris en charge dans les textes d'application de la nouvelle loi», a-t-elle déclaré aux journalistes après la séance de vote. Elle a salué «l'échange riche» entre députés autour du projet de loi sur le livre.