Le projet de loi sur l'information, qualifié par les journalistes et certains parlementaires de controverse et de rétrograde, a été adopté, hier, sans aucune surprise, par les élus de la Chambre basse. En dépit du rejet et de l'abstention de cinq partis politiques, ce texte de loi, qui consacre une régression dans la liberté d'informer, est passé comme une lettre à la poste. Le MSP, résolu à prendre ses distances avec ses alliés de l'Alliance présidentielle, a opté pour le retrait de l'ensemble de ses amendements avant de voter contre le texte. Les dissidents du MPS se sont également opposés à ce projet. Quant aux députés du PT et ceux du FNA, ils se sont abstenus, alors que les représentants d'Ennahda et d'El Islah se sont retirés de la séance, quelques minutes avant le vote global du projet. Les seuls députés ayant approuvé ce projet sont du FLN, du RND et des indépendants. Ces derniers considèrent ce projet comme étant une révolution, car il consacre l'ouverture de l'audiovisuel. Une ouverture qui ne verra pas le jour de sitôt… La majorité des amendements déposés par l'opposition qui réclamait davantage de liberté et moins de restrictions à l'encontre de la presse ont été rejetés par une Assemblée dominée par des partis à la solde du pouvoir. 101 amendements ont été proposés. Des députés comme les journalistes n'ont pas caché leur inquiétude quant à de nombreux articles du texte. Il s'agit notamment de l'article 38 qui institue une autorité de régulation de la presse écrite, dont la moitié des membres – notamment le président, qui aura deux voix – sera désignée par les autorités et l'autre élue par les journalistes. «L'indépendance est menacée», a dénoncé Nadia Chouitem, députée du PT ; les articles 2, 80 et 89 posent quant à eux certaines limites à l'activité de journaliste dans le traitement de certains sujets, en restreignant l'accès aux sources sur des informations considérées comme sensibles, telles que le secret-défense, la sûreté de l'Etat, le secret économique, l'histoire nationale… Ce projet de loi, de l'avis de Ali Brahimi dissident du RCD, reproduit pour l'essentiel la loi 1990 en aggravant la régression. «Il y a un grand contrôle de l'administration sur les organes de presse et une exigence d'allégeance idéologique multiforme comme le respect de la souveraineté nationale, les intérêts économiques, qui pèsent sur le journaliste. Ces exigences lèsent gravement la liberté de la presse et le droit d'accès à l'information», note M. Brahimi avant de voter contre ce projet. Ce député estime que l'ouverture de l'audiovisuel est en fait une simple promesse puisque son organisation est renvoyée aux calendes grecques. Les 12 conditions Selon les termes de la nouvelle loi régissant le monde de la presse, le journaliste exerce librement sa profession, mais reste soumis à douze conditions, dont celles de ne pas porter atteinte à l'identité nationale, la souveraineté nationale, les intérêts économiques du pays, la sécurité nationale. Ce texte ne définit pas clairement les éléments constitutifs de ces atteintes. Dans ce sillage, les députés du PT et du MSP ne comprennent pas le fait d'interdire à un journaliste de parler de la politique étrangère, de la souveraineté économique ou de l'histoire de notre pays. «Il y a un problème d'appréciation et d'interprétation de ces terminologies. Est-ce qu'un journaliste n'a pas le droit de parler de la question sécuritaire ? Alors comment doit-il travailler lorsque l'accès à l'information est verrouillé dans notre pays ?», observe M. Taâzibt du PT. Ce dernier et d'autres élus du MSP et d'Ennahda ont demandé la sanction de l'institution qui refuse de donner des informations, comme cela se fait de par le monde, aux journalistes. Une proposition rejetée par le FLN et le RND. Pour le PT, ce texte de loi renferme des aberrations et des contradictions. «Les lois soumises au vote ont été révisées à la baisse. Elles ont été dépouillées de leur substance. Ce code de l'information facilite, certes, la création d'un journal, mais ne répond pas aux aspirations des citoyens et des journalistes, ce texte délimite le champ du journaliste», regrette ce député. Le docteur Naâmane du MSP confirme que l'opposition de son parti à ce texte de loi et aux autres projets est une position politique.