La récente offensive des milieux islamo-conservateurs, relayée par certains médias affiliés et sur les réseaux sociaux, autour de l'intention prêtée ou supposée de la ministre de l'Education nationale de vouloir introduire le parler algérien à l'école primaire, sans que cela suscite la moindre réaction officielle – en dehors de la concernée – a de quoi susciter l'inquiétude. Obligée de s'expliquer, cette ministre de la République fait face, seule, à une campagne indigne qui n'épargne même pas sa propre personne et ses origines familiales… Du jamais-vu ! Alors que du côté du pouvoir, c'est le silence absolu. Mutisme sidérant de l'Exécutif, difficile de ne pas l'interpréter à la lumière du vieil adage comme un consentement qui ne dit pas son nom. Comment ne pas croire à une capitulation, face aux coups de boutoir répétés des milieux intégristes contre la tolérance, le vivre-ensemble où nos parlers populaires séculaires n'ont plus droit de cité et ne sont pas épargnés par cette caporalisation de la société qui fait la puissance des régimes dictatoriaux. Et ce, au nom de la pureté du retour aux sources, dont se prévalent aujourd'hui ces milieux intégristes, s'inspirant ainsi du wahhabisme de l'Arabie Saoudite auprès duquel ils trouvent des soutiens sans que cela émeuve en rien l'Etat algérien. Il y a quelques semaines encore, la vallée du M'zab a frôlé l'insurrection générale sous la poussée d'appels au meurtre et à la vengeance, lancés à partir de ces mêmes milieux hostiles au vivre-ensemble, à la confraternité et au respect de la diversité. Cette volonté de mise au pas de la société ne vient pas du dehors et n'est pas apparue ex nihilo, à partir de rien. La politique de «réconciliation nationale», prônée au début des années 2000, lui aura permis de se renforcer et fait qu'aujourd'hui elle est présente au sein des institutions officielles, comme on l'a vu lors du vote de la loi sur les violences faites aux femmes, aujourd'hui oubliée au fond d'un tiroir au Sénat. Certains députés n'ont pas hésité à instrumentaliser la religion pour faire barrage au projet. Là aussi, on a eu comme l'impression que le ministre de la Justice a livré seul un combat contre ceux qui ne veulent pas que les choses changent. Puis ce fut le tour de son collègue du Commerce d'être la cible des attaques. Accusé d'encourager la débauche pour avoir retiré l'accord préalable d'importation des boissons alcoolisées, introduit subrepticement et au mépris des lois du pays, et ce, non par souci de santé publique, comme on le devine aisément. Une initiative qui lui a sans doute coûté, en partie, son portefeuille ministériel et permis aux conservateurs de tout poil de pavoiser. Autant d'exemples qui ne laissent plus de doute aujourd'hui sur les capacités et les intentions du pouvoir face à l'intégrisme depuis au moins une quinzaine d'années. Et si à l'époque, on avait des doutes que la réponse à la violence terroriste ne pouvait se limiter exclusivement au plan sécuritaire, aujourd'hui on en a malheureusement la preuve. Et plus d'une fois…