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Hommage à Hamid Nacer-Khodja
Le poète de «la profonde terre du verbe aimer»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 24 - 09 - 2016


Par Lazhari Labter, poète, écrivain
Il prédilectionnait tout particulièrement — pour exprimer son affection à ses amis de sexe masculin — les expressions «vieux frère» ou «camarade» ou parfois, en utilisant sciemment l'emphase, «ô vieux frère» ou «ô camarade». Toujours suivies de la formule «je t'embrasse». Avec les femmes, il était très fleur bleue. Quoi de plus naturel pour un poète de l'Amour à la sensibilité exacerbée qui savait, comme tout poète digne de ce nom, que la couleur bleue désigne la tendresse, la sentimentalité, la poésie. Un poète qui avait la main sur le cœur et le cœur sur la main. Un poète qui aurait pu briller de mille feux en poésie mais qui a préféré «sacrifier» la sienne pour qu'émerge celle des autres. Notamment de Jean Sénac. Un Saint dans le corps d'un poète. Un poète à l'âme d'un Saint.
C'était tout Hamid !
Né le 25 janvier 1953 à Lakhdaria (ex-Palestro, wilaya de Bouira), il fit ses études primaires, moyennes et secondaires à Alger de 1959 à 1972. En 1973, il rejoint la prestigieuse Ecole nationale d'administration d'Alger d'où il sortit en 1977, couronné par un diplôme «section économie» qui lui ouvrit grandes les portes des hautes fonctions de l'administration où il occupa divers postes de responsabilité, notamment chef de daïra à Tazoult (wilaya de Batna) et à Aïn-El-Melh (wilaya de M'sila), d'attaché de cabinet de la Wilaya de Djelfa où il décida de s'établir et où il fit une grande partie de sa carrière administrative. Avec une conscience et un sens des responsabilités rares. En dépit des déboires, des misères et des injustices qu'il eut à subir, à son corps défendant, lui le Juste, l'Intègre, le Bon, le Doux.
C'était tout Hamid !
Il sortit en 2000 de l'Université de Paris-IV Sorbonne qu'il avait rejoint en 1998 avec un diplôme d'études approfondies en littérature comparée qu'il obtint haut la main pour un mémoire consacré à Jean Sénac et Albert Camus, sous la direction des professeurs Jacques Chevrier et Guy Dugas, et en 2005 de Montpellier III où il s'était inscrit en 2000 avec un doctorat en littérature française et comparée consacrée également à Jean Sénac, la passion de sa vie, sous la direction de Guy Dugas.
Sa carrière universitaire et journalistique fut aussi riche que sa carrière administrative. Maître-assistant, ensuite maître de conférences, il occupa le poste de directeur des lettres et des langues du Centre universitaire de Djelfa. A partir de 2013, il se consacra à l'enseignement et à l'encadrement de mémoires de master à Djelfa, Laghouat, Béjaïa et Blida. Membre du comité scientifique de la revue Multilinguales de l'Université de Béjaïa, il collaborait aussi à de nombreux journaux et revues dont le magazine culturel L'ivrEsQ de la poétesse et romancière Nadia Sebkhi, de 2010 à sa disparition. Lui qui ne conduisait pas, il prenait pour ses déplacements professionnels soit des taxis soit des bus, payant toujours de sa poche !
C'était tout Hamid !
Auteur d'un récit intitulé Jumeau (Marsa, Paris, 2012) et bien qu'il n'ait jamais publié de recueil de poésie, des poèmes de lui figurent dans de nombreuses anthologies. Après la main, publié en 2015 par mes soins dans la collection «Ilhem» consacrée à la poésie, que j'avais lancée en 2009, est son unique recueil édité.
Révélé par Jean Sénac dans l'Anthologie de la nouvelle poésie algérienne, Librairie Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1971, dont il devint l'ami et l'un des légataires testamentaires, Tahar Djaout disait de lui : «Hamid Nacer-Khodja est à la fois un poète limpide et difficile qui taille dans le poème jusqu'à ce que jaillisse la quintessence, aveu fervent qui s'érige dans son essoufflement, visage au paysage essoré comme sorti des mains de Giacometti.»
C'était tout Hamid !
Nacer-Khodja s'est éteint dans la nuit du vendredi 16 septembre à Djelfa où il repose dans sa «profonde terre du verbe aimer». Il appartenait à cette génération privilégiée d'écrivains, de poètes, de plasticiens et d'artistes, nés entre le milieu des années 40 et le milieu des années 50 du XXe siècle qui, au printemps de leur vie, connurent et vécurent une époque exceptionnelle de Printemps universel où les peuples et les individus se libéraient, où tous les espoirs étaient permis, où leur idéal était de «déplacer les montagnes» et de préparer «les lendemains qui chantent» d'un monde meilleur. Une sorte de génération de Soummam de l'art et de la littérature.
Il avait rassemblé ses rares poèmes – 44 exactement écrits à la fin des années 1960 et au milieu des années 1970 – dans un recueil qui s'ouvrait sur le titre Pour ma frontière et se clôturait par le titre Prénombre. En dépit des sollicitations diverses depuis que Jean Sénac l'avait révélé au tout début des années 1970 – aux côtés de quelques autres jeunes poètes –, il avait toujours refusé d'éditer. Voici ce que le poète de la Révolution et de l'Amour disait de lui :
«Rien n'est plus poignant que cette imploration adolescente d'un corps où puisse se recomposer l'autre :
«Mon corps n'ayant jamais participé à sa jeunesse... fait de facettes moisies, s'est construit d'espoir.» Amour, espoir, appels éperdus jusqu'à la névrose, Hamid Nacer-Khodja reprend les mots-clefs de sa génération. Et pourtant, chez ce frère de Sebti, de Bey, au point ténu de la rupture, quelle fébrile fraîcheur, quelle clarté ! Comme on sent tout ce qu'il doit à Eluard !
Si Imaziten ranime l'Arabesque, Nacer-Khodja, lui, ramène son dépouillement ardent au Signe essentiel. Mais ce doux, parce qu'on lui a volé son rêve et sa réalité, empoigne aussi le verbe pour dénoncer l'injustice et les perversions de la Révolution. Qu'on ne s'y trompe pas, ces individualités forcenées savent que «la profonde terre du verbe aimer passe toujours par le bonheur des autres».
Tout est dit dans ce portrait – ce caractère aurait dit La Bruyère — saisissant de Nacer-Khodja.
C'était tout Hamid !
A sa mort, Jean Sénac que Nacer-Khodja avait découvert et connu entre 1967 et 1971 grâce à sa célèbre émission engagée «Poésie sur tous les fronts» et ensuite personnellement, laissa un dernier testament daté du 2 mai 1973, 4 mois avant son assassinat, dans lequel il désigna, entre autres, Jacques Miel, son fils adoptif, Djamel Eddine Bencheikh, Rachid Boudjedra, Jean de Maisonseul, Malek Alloula, Jean Pélégri, Anne Krief et... Hamid Nacer-Khodja comme légataires testamentaires de son œuvre.
Ce «cénacle sénaquien» avait pour charge de veiller à l'esprit et à la lettre de son testament par lequel il léguait la totalité de son œuvre littéraire et poétique, manuscrits compris, ses livres, ses revues, ses documents, ses correspondances ainsi que ses émissions radiophoniques et ses productions télévisuelles à la Bibliothèque nationale d'Algérie.
De tout cet aréopage, fidèle à sa parole et à lui-même, seul Nacer-Khodja ira jusqu'au bout de cette «amana» et dédia une très grande partie de sa vie à la défense et à l'illustration de l'œuvre de son Maître auquel il consacra plusieurs ouvrages entre essais, études et anthologies sans parler des articles de presse et des émissions de radio et de télévision. Au détriment de son œuvre !
C'était tout Hamid !
Lorsqu'il se décida enfin à publier ses poèmes, il opta pour une édition des plus originales où seraient réunis deux poètes en un seul volume : lui-même et le poète français Marc Bonan. Je lui donnai mon accord et je me mis au travail d'éditeur avec notre ami commun le poète et artiste plasticien Hamid Tibouchi qui conçut et réalisa la couverture, les pages de garde, les illustrations et poussa l'exigence jusqu'à choisir le caractère. Qu'elle ne fut ma surprise, une fois le recueil mis en page, d'entendre Nacer-Khodja me demander de faire passer Marc Bonan avant lui ! Ce que je fis à contrecœur mais de bonne foi. Le recueil paru sous le titre générique La profonde terre du verbe aimer — ce si beau vers de son poème Suivante —, rassemblant De bouche à oreille de Marc Bonan et Après la main de Hamid Nacer-Khodja.
C'était tout Hamid !
Le recueil sortit en avril 2015 et fut mis en librairie dans les semaines qui suivirent. A Alger, à Tizi-Ouzou, à Tiaret, à Djelfa, sa ville d'adoption, et à Laghouat où il enseignait à l'Ecole normale supérieure. Un grand nombre fut écoulé entre Djelfa, à la librairie El-Lahab El-Mokades de Si Abdelkader Haffaf (il aimait par respect donner du «Si» à tout le monde !) et à Laghouat dans les librairies Bouameur/Musée Oriental gérée par Redha Bouameur et la librairie Le Palais des livres, gérée par Ahmed Rouighi. Une grande partie fut acquise par le poète qui les offrait... à ses ami(e)s et ses étudiant(e)s.
C'était tout Hamid !
Quand j'appris sa grave et méchante maladie, j'en fus, comme tous ses amis, bouleversé. A son retour de France où, parti pour des analyses approfondies, il était injoignable, son silence forcé ajoutant à notre inquiétude, je lui téléphonais de temps en temps pour prendre de ses nouvelles. Le 22 mai 2016, en route pour Laghouat, je fis une halte à Djelfa où je me rendis chez lui, accompagné d'Abdelkader Haffaf, son libraire, pour le voir. J'avais pris avec moi l'album Le Dingue au bistouri – Commissaire Llob de feu Mohamed Bouslah et Yasmina Khadra que j'avais publié en 2009 et dont il ne cessait de me demander un exemplaire car il était épuisé. Il fut très heureux de l'avoir enfin entre les mains.
En dépit de la fatigue visible due à la maladie et au traitement lourd qu'il suivait à l'hôpital de Laghouat, il n'arrêta pas de parler de livres, de littérature et d'édition, s'inquiétant de sa situation et regrettant le fait que le «Jean Seghers» de l'édition algérienne comme il aimait à m'appeler ait décidé de mettre la clef sous le paillasson. Il s'enflamma quand je lui appris que ça me laissait plus de temps pour écrire et que je travaillais à un roman sur l'histoire de Hizia intitulé Hizia Princesse d'amour des Zibans et voulut tout savoir alors qu'il savait tout !
C'était tout Hamid !
Il repose désormais dans le cimetière El Khadhra, la verte. Et cela lui va très bien. Amel Bensaâd, une de ses plus brillantes étudiantes, rapporte sur sa page Facebook ces propos qu'il lui a tenus quelque temps avant sa «disparition» : «Ne pleurez pas quand je mourrai, je vais aller au paradis !» Il était croyant, mais sa foi embrassait, comme celle des soufis et surtout de Mansour al-Hallaj dont il était un fervent admirateur, l'Un en le Tout et le Tout en l'Un, et, humain, trop humain, il ouvrait ses bras à tous les hommes quelle que soit leur religion, à tous «ceux qui croyaient au Ciel et ceux qui n'y croyaient pas». Un Pur Esprit. Un Esprit Saint.
Un sacré poète que désormais «en lui-même l'éternité le change» ! De la race de ces «poètes qui nous aident à aimer». Et à vivre.
«Ça ne pouvait être que Hamid !»


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