Historienne, professeur, première femme à soutenir un doctorat d'Etat en économie au Maghreb, la seule et unique femme agrégée en sciences économiques en Algérie et auteur, Fatma-Zohra Oufriha a sorti récemment aux éditions Chihab un véritable chef-d'œuvre historique, intitulé Au temps des grands empires maghrébins. Fatma-Zohra Oufriha nous parle de son ouvrage. Le Temps d'Algérie : Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire un livre sur les grands empires maghrébins ? Fatma-Zohra Oufriha : En fait, c'est une série de causes multiples. J'ai une grande sensibilité pour l'histoire et les lettres, chose qui ne m'a pas empêché d'étudier les sciences économiques. J'ai fait un peu violence à ma nature… cela dit, j'ai trouvé qu'il y avait trop de vide historique. Il y a très peu ou pas assez de connaissances, de productions historiques. Pire, les gens regardent cela avec dédain et mépris… C'est une vision très hard qu'ils ont de l'histoire. Comme si elle ne devait pas servir à grande-chose ! Or, je pense que l'histoire est fondamentale pour notre propre constitution, de la représentation de soi, des origines, de l'imaginaire national. J'ai «subi», étant jeune élève, ça peut être positif comme négatif, l'histoire de la France, de l'Europe…, et même en tant que département français (Algérie). Durant la période coloniale, on ne nous donnait pas de cours de géographie. Donc, j'ai cherché à connaître la géographie et l'histoire de mon pays. L'Algérie au départ n'était pas comme ça. En allant loin dans l'histoire, je suis tombée sur cette période (empires maghrébins) qui m'a semblé être grande, féconde, fondatrice et importante à connaître. L'histoire nous permet de réfléchir sur le pourquoi et comment naissent les Etats, les empires et comment ils se dégradent. C'est extrêmement important. Ces empires étaient des producteurs de civilisations. Il faut savoir qu'à un moment dans l'histoire du Maghreb, ce sont des maghrébins qui ont fondé ces grand empires, donné du lustre, construit des choses splendides. Malheureusement tous n'ont pas survécu. Aujourd'hui, Internet nous offre tout et nous ouvre à tout. Alors, c'est extrêmement important d'avoir notre personnalité, notre culture, notre identité pour pouvoir bénéficier des autres et non pas être broyés par eux. C'est un immense travail de recherches que vous avez réalisé. c'était facile pour vous de trouver les informations nécessaires ? C'était difficile. Je lit énormément et au fil de mes lectures, j'ai trouvé beaucoup de choses qui m'ont interpellée. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser aux grands empires maghrébins. À partir de ce que j'ai trouvé lors de mes recherches sur Abderrahmane Ibn Khaldoun… ou chez des auteurs français avec qui je n'étais pas d'accord. Il a fallu d'abord que je sois moi-même convaincue pour entamer mes recherches. Si je ne l'étais pas, je ne me serais pas sacrifiée car sachez que je me suis isolée, condamnée, je ne suis plus sortie de chez moi, je n'ai plus reçu personne. Aujourd'hui j'ai mal aux jambes, aux genoux et au dos à cause de ça… Combien de temps êtes- vous restée ainsi ? Quatre, voire cinq ans. Mais ce n'était pas uniquement pour ce livre. C'est un ensemble de choses…. Il y a eu, d'abord, des données pertinentes à assembler et c'est très difficile de trouver des informations car très peu d'ouvrages ont été consacrés à cette période de l'histoire. Quand l'Algérie a été conquise par les français et dans leur pseudo vision de comprendre et servir l'Algérie, ils on perverti ce qu'a dit Abderrahmane ibn khaldoun… Quel a été selon vous le plus grand empire qu'ait connu le Maghreb ? Les Almohades sans conteste. Depuis l'Andalousie à Tripoli, c'était un Etat cadastré, organisé, discipliné, conquérant d'un Etat central, une économie qui fonctionne, une dynastie pieuse à la tête de l'Afrique musulmane. L'Europe latine et chrétienne l'a respecté énormément… Concrètement, que nous reste-t-il aujourd'hui comme héritage de ces grands empires maghrébins en Algérie ? Si c'est pour les almohades, la grande mosquée de Tlemcen, d'Alger, de Nedroma (wilaya de Tlemcen)... sur d'autres plans, c'est difficile de se prononcer car nos Etats se sont construits à partir de l'Europe, durant et après les colonisations… Je ne saurais le dire… de toutes façons aujourd'hui, le modèle occidental prime chez nous dans tous les domaines. Après, ce qu'il a de bon ou de mauvais, ce qui nous convient ou pas. Je crois que c'est une grande question que je me pose. Dans mon autre livre Politiques de développement et critiques culturalistes qui n'est pas sorti, je pose la question sur ce qu'il faut prendre ou pas des autres civilisations dans un but de s'enrichir et non pas de perdre son identité. Vos projets ? Je continue toujours à écrire. Prochainement vont sortir aux éditions Houma, Tlemcen, capital musulmane, le siècle d'or du Maghreb central, Hommes illustres du Maghreb central avec leurs biographies à l'exemple de Saïd El Okbani, qui fut mathématicien et grand kadi, Mohammed Ibn Ibrahim El Abili, qui fut mathématicien, maître d'ibn khaldoun. Je travaille aussi sur le royaume zyadite, Au temps des royaumes zyadites. Par ailleurs, je continue aussi sur ma lancée d'économiste avec L'émergence des femmes dans la sphère économique algérienne que je vais sortir prochainement toujours chez la même maison d'édition. Avec un autre éditeur, je travaille sur la réalisation et l'évaluation des statues primées, l'entrepreneur, etc. Entretien réalisé par