Participant au 9e Festival du théâtre arabe, la troupe marocaine Anfass a présenté, samedi soir au Théâtre régional d'Oran, sa pièce «Kharif» (Automne) mise en scène d'Asmaa Houri. La pièce a été écrite par Fatma Houri,la sœur défunte de la metteur en scène. C'est le récit d'une jeune femme atteinte d'un cancer. Dans la pièce, on découvre une jeune femme en proie à une vive agitation, comme après l'annonce d'une mauvaise nouvelle. La jeune femme ôte une perruque, elle a le crâne rasé. Ce n'est pas une «skin head», mais une femme atteinte du cancer et qui a perdu ses cheveux, tel un arbre qui perd ses feuilles en automne, d'où l'intitulé de la pièce, mais qui peut également signifier la fin d'une vie ou l'approche de la mort, ou encore la fin d'un cycle et le début d'un autre. Et là, on est tenté de faire une deuxième lecture. Le cancer devient la symbolique d'autres maux malins qui rongent une société : drogue, prostitution, corruption, intégrisme et mal-vie. Le cancer est encore tabou, notamment dans certaines sociétés arabes. Il est entouré de superstition. Lorsque ce mal est nommé, on y ajoute «que Dieu nous en préserve». Mais rares sont ceux qui osent le nommer, comme pour conjurer, faire fuir tout le mal qu'il symbolise. On l'appelle «cette maladie». Son annonce provoque l'effondrement de la jeune femme. Puis, il y a la perte des deux seins, des cheveux, des sourcils et des cils : une perte de la féminité et la difficulté pour la femme de faire face à elle-même, rejetant son propre corps qui ne signifie plus rien, ni pour elle, ni pour son partenaire qui s'en éloigne. La comédienne répète sans cesse : «Pourquoi moi, pourquoi moi, pourquoi moi ?» Dans «Kharif», on découvre deux comédiennes de talent. Le jeu des comédiens fait dans l'économie des mouvements et rejette l'inutile. Il n'y a presque pas de décor, mais des bouts de tissus, des vêtements de couleurs disséminés sur le plancher, devenus inutiles pour une femme malade qui n'attend plus rien d'une vie qui s'effiloche. Des couleurs suggérant l'automne, la fin d'un cycle. Mais l'arbre, miracle de la nature généreuse, voit ses feuilles repousser au printemps. C'est le renouveau et l'espoir. La pièce, à travers le cancer, célèbre aussi la vie. La troupe Anfass, qui a de fortes chances d'être primée à Oran, a remporté en 2013, lors du 15e Festival national du théâtre de Meknès, cinq prix sur sept, dont le Grand prix. Le 9e Festival du théâtre arabe se tient à Oran et Mostaganem du 10 au 19 janvier courant.