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«Nous avons montré que nous savons nous rapprocher»
LUIZ INÁCIO LULA DA SILVA PRESIDENT DU BRESIL À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 09 - 02 - 2006

Se distinguant par des idées altermondialistes, le président Lula, avec le soutien du Venezuela et récemment du Chili, développe une politique offensive dans le cadre de la coopération Sud-Sud.
El Moudjahid: Quel est votre sentiment, Monsieur le président, face aux bouleversements qui s'opèrent en Amérique Latine avec l'arrivée de gouvernements de gauche? L'exemple brésilien aurait-il fait contagion?
Nous vivons une nouvelle période dans le Continent. Il a connu une grande croissance et une maturité de la gauche, qui est arrivée au pouvoir par la voie des urnes, renforçant la démocratie. Il n'y pas d'espace pour les coups d'Etat et les solutions autoritaires. L'expérience des gouvernements de gauche, dans le sillage de la frustration du désastre néolibéral des années 90, fait qu'ils sont convaincus qu'il n'y aura pas de croissance soutenue si les exigences économiques et sociales des secteurs traditionnellement marginalisés ne sont pas satisfaites.Il n'y aura pas de croissance consistante sans distribution de la rente. Il leur est également apparu comme évident qu'il incombait à l'Etat un rôle stratégique dans l'induction de politiques publiques tournées vers les réformes. La démocratie politique sur le continent étant consolidée, l'Amérique Latine a besoin, à présent, de transformations économiques et sociales fondamentales. Il est important de souligner que chaque pays a son propre processus. La gauche est arrivée au gouvernement par ses propres mérites. Il est clair que les expériences réussies de la gauche dans un pays réduisent les craintes et encouragent davantage les électeurs latino-américains à voter sans préjugés.
L'Expression: Monsieur le président, c'est votre première visite en Algérie depuis votre investiture. Comment évaluez-vous les relations entre l'Algérie et le Brésil, notamment en matière économique?
Nos relations ont connu une extraordinaire évolution. Nous sommes conscients de nos importances réciproques. Nous entretenons un excellent dialogue politico-diplomatique, nous sommes partenaires dans des initiatives importantes comme l'Action contre la faim et la pauvreté, nous nous consultons régulièrement sur des thèmes politiques d'intérêt commun. Notre relation économiquecompte beaucoup pour nos pays. Mais notre commerce, bien qu'il soit expressif - 3,2 milliards de dollars en 2005 - est déséquilibré et nos entrepreneurs et équipes techniques du gouvernement se font mal connaître. Les affaires sont ponctuelles. Il leur faut être plus solides, avec une vision à moyen et long terme. Il nous faut mieux nous connaître et pouvoir nous projeter comme étant des options viables sur le marché international, sans parler du genre de coopération que nous pouvons développer à partir d'expériences propres, tant dans le secteur agricole que dans le social, dans l'aide à la petite et micro-entreprise, l'informatisation de l'administration publique, etc. Nos deux géants pétroliers, Petrobras et Sonatrach, peuvent développer un énorme partenariat pour agir ensemble, ici ou au Brésil, ou encore sur des marchés tiers.
Algérie Presse Service: Quelles sont, Monsieur le président, les opportunités de partenariat qui peuvent être saisies, par les deux pays pour consolider la coopération bilatérale et hisser les relations au niveau souhaité?
Il existe d'immenses opportunités. Comme je l'ai déjà signalé, l'Algérie est notre 16e partenaire général, le premier partenaire arabe, le second africain et le septième parmi les pays en développement et, dans ce groupe, nous sommes le premier partenaire avec un commerce bilatéral de 3,2 milliards de dollars. Le marché algérien croît et s'ouvre, il a besoin de matières premières, de biens, services et technologies que le Brésil est en mesure de fournir d'une manière compétitive. L'Algérie est un grand pays pétrolier et gazier et il a beaucoup à offrir dans ce domaine, mais aussi dans d'autres, par exemple, concernant le climat semi-aride et la question de la désertification. Il existe des intérêts communs dans la promotion du développement social et économique, de la bonne administration et de la bonne gouvernance. Nous avons de grands points communs sur des thèmes internationaux. Il est important que nos deux pays se connaissent mieux, connaissent mieux le marché de l'autre, les offres de biens, services et technologies de l'autre, qu'ils identifient de nombreux secteurs dans lesquels ils peuvent concrètement coopérer. Ce que j'attends de cette visite, c'est que nous puissions les définir d'un commun accord, de manière réaliste et pragmatique, et que nous ayons un programme de travail à exécuter. Il ne s'agit pas seulement de voir les opportunités à court terme, il s'agit aussi de créer et consolider celles à moyen et long terme.
El Watan: Quels sont les domaines prioritaires que vous envisagez de développer à l'avenir dans la coopération entre le Brésil et l'Algérie? Et quels sont les projets auxquels vous vous attachez le plus?
Je crois que le Brésil est en mesure de coopérer avec l'Algérie dans plusieurs domaines dans lesquels nous développons des technologies appropriées. Par exemple: dans le domaine agricole, à travers Embrapa - l'entreprise d'Etat brésilienne de recherche agro-pécuaire, dans la promotion de la petite et micro-entreprise, à travers Sebrae, dans le domaine de la santé, l'informatisation du gouvernement, les programmes sociaux, la surveillance du territoire, la protection de l'environnement, la recherche pétrolière en eaux profondes (off-shore). L'Algérie a aussi développé une grande expérience en matière de gaz, par exemple. Enfin, il existe un certain nombre de secteurs dans lesquels la coopération peut servir à mieux nous connaître et pour approfondir nos relations, sans nuire à la donnée qui, aujourd'hui, est fondamentale, la compétitivité des biens, services et technologies dont ont besoin nos pays pour leur développement.
La Tribune: Comment évaluez-vous les relations algéro-brésiliennes et quelles sont les perspectives concrètes de la coopération bilatérale?
Les relations algéro-brésiliennes sont exemplaires au plan politique et au plan économico-social, mais il reste beaucoup à faire. En répondant à d'autres questions, j'ai expliqué ce que nous pouvons faire dans plusieurs domaines avec pour objectif d'améliorer notre connaissance réciproque pour mieuxassocier nos efforts de développement par la coopération, mais aussi de se considérer l'un l'autre comme étant une option sur le marché international. A titre d'illustration de ce potentiel, je cite l'énorme domaine de coopération et d'affaires entre Sonatrach et Petrobrás. Petrobrás a réalisé de très importantes avancées en matière de technologie de prospection de pétrole off-shore. Par son expérience dans le domaine du gaz, Sonatrach pourrait s'engager en partenaire international avec son vis-à-vis brésilien.
Agence Algérienne d'Information: Le Brésil, tout en étant producteur de pétrole est l'un des fervents défenseurs des énergies alternatives, comme le biocarburant, que vous avez développé, pensez-vous que cette forme d'énergie de substitution peut constituer une solution pour les pays africains qui ne possèdent pas de pétrole?
Les bio-combustibles offrent une excellente alternative, non seulement pour les pays non producteurs de pétrole, - comme c'est le cas de nombreux pays en Afrique. C'est également une option pour les pays producteurs, comme l'Algérie. Au Brésil, par exemple, qui à partir de 2006, est devenu auto-suffisant dans la production de pétrole, l'alcool combustible est régulièrement additionné à l'essence dans une proportion de 25%, ce qui représente une économie sur divers plans: a) il remplace le pétrole importé par une source renouvelable; b) il remplace le plomb, nuisible à la santé; et c) il réduit l'émission de polluants ambiants. C'est aussi une excellente solution sous tous les points de vue, qui augmente le travail au champ, étant donné que la culture de canne à sucre est normalement une activité qui demande de la main-d'oeuvre. Ces avantages sont évidemment multipliés s'agissant de moteurs qui tournent exclusivement au méthanol, ce qui est le cas d'une part croissante de la flotte brésilienne.
Algérie Presse Service: Plusieurs ministres et hommes d'affaires de votre pays se sont déplacés à Alger et le commerce entre l'Algérie et le Brésil a sensiblement augmenté. Pensez-vous, Monsieur le président, qu'avec la relance de la commission mixte, le volume des échanges entre les deux pays pourrait atteindre un flux appréciable et amener les opérateurs brésiliens à une participation effective en matière d'investissement?
Il y a un grand déséquilibre dans le commerce bilatéral : 3,2 milliards de dollars en 2005, avec un déficit de 2,5 milliards pour le Brésil. Les exportations algériennes ont augmenté de 40% entre 2004 et 2005, mais les exportations brésiliennes, de seulement 10%, peut-être à cause des restrictions algériennes en raison d'un foyer absolument isolé de fièvre aphteuse qu'il y a eu au Brésil. Il n'est pas facile d'éliminer ce déficit à court terme, étant donné la structure du commerce bilatéral. Pour cette raison, j'insiste sur le fait qu'il nous faut identifier les opportunités d'affaires immédiates et d'investissements dans les deux pays. Cependant, nous devons envisager une stratégie de moyen et long terme, pour que les deux pays se connaissent mieux et puissentconsidérer l'autre comme étant un bon choix de partenariat économique et commercial. Ainsi l'Algérie va savoir que nous produisons des avions régionaux des plus modernes, qui ont un succès de vente à travers le monde, que nous possédons une technologie de système radar de la dernière génération, que nous développons la recherche agropécuaire capable de transformer l'aspect d'une région comme le nord-est semi-aride du Brésil. Tout ceci peut et doit faire l'objet de débat dans la commission mixte. Il lui faut rapprocher les agences de l'un et l'autre des pays pour gérer cette connaissance, qui, à son tour permettra d'identifier les opportunités d'affaires, d'investissement et de coopération, y compris dans des pays tiers.
Agence Algérienne d'Information:Comment le Brésil évalue l'état de ses relations économiques et commerciales avec l'Algérie, comment voit-il leur évolution et quels sont d'après vous, Excellence, les domaines qu'il faudrait privilégier?
Les relations sont excellentes, avec une grande importance réciproque, mais avec un énorme potentiel de croissance, en particulier parce que le Brésil a un très grand déficit dans la balance bilatérale et qu'il est à même de fournir à l'Algérie, dans des conditions d'excellente compétitivité, des biens, des services et technologies qui sont très demandés sur le marché algérien, tant par le secteur privéet les consommateurs en général, que par le secteur public. J'insiste : il faut que nous puissions nous mieux connaître. Le Brésil a d'excellentes offres qui vont de l'automobile à des véhicules lourds, à des avions, des services d'ingénierie routière, des barrages et des ports, des ponts, chemins de fer, de systèmes radar, au développement agricole, aux médicaments, à l'informatisation de l'administration publique (et gouvernement), et ainsi de suite. Nous aimerions beaucoup renforcer la coopération dans ces secteurs et prouver aux Algériens qu'en optant pour le Brésil, ils ont fait le bon choix.
Algérie Presse Service: L'Algérie et le Brésil ont coprésidé, en mai 2005 à Brasília, le Sommet d'Amérique du Sud-pays arabes. Quelles sont, Monsieur le président, les perspectives attendues en matière de coopération Sud-Sud et au plan du rééquilibrage des relations internationales au niveau politique et économique?
Le Sommet de Brasilía fut la première grande initiative tendant à rapprocher des régions ayant de vieilles relations engendrées par l'immigration arabe, dont la contribution fut énorme dans le développement de nos pays sud-américains. Son effet fut très positif, tant au plan politique qu'au plan culturel et économico-commercial.
Elle fait partie de cette stratégie de mieux se connaître pour pouvoir identifier les intérêts communs, conjuguer les forces et nous voir comme étant des options naturelles dans un monde difficile, compétitif. La rencontre a également servi à attirer l'attention sur l'importance à préserver et promouvoir les identités culturelles.
Elle a par ailleurs constitué un tremplin pour des pays comme le Brésil et l'Algérie pour obtenir une voix plus active et efficace dans les grands débats internationaux. De plus, ils vont aider à générer des partenariats entre les pays du Sud qui, auparavant étaient seulement compétitifs entre eux pour la fourniture de matière première bon marché destinée aux économies industrielles.
L'Expression: Un Sommet pays arabes-Amérique du Sud s'est tenu récemment dans votre pays; quel en est l'objectif stratégique? Comment voyez-vous les pressions que subissent actuellement certains pays comme l'Iran, de la part des pays occidentaux?
Comme je viens de l'expliquer, le Sommet de Brasilía avait pour objectif stratégique de rapprocher, politiquement et économiquement, deux régions qui ont une longue tradition de relations humaines - grâce à l'immigrationarabe - mais une relation économique qui n'était pas à la hauteur. Nous avons pu montrer que nous savons nous rapprocher, nous entretenir sur de grands thèmes d'intérêt commun, et surtout encourager la connaissance réciproque qui permettrait un accroissement des affaires et de la coopération. Ce n'est pas une initiative dirigée contre qui que ce soit, seulement en notre faveur. Sans exclusive, sans arrogance, sans irréalisme, nous avons voulu, par son biais, mettre en contact deux mondes qui ont bien des choses en commun et qui peuvent s'enrichir mutuellement.
Concernant l'Iran, le traitement de la question revient à un canal approprié, au sein de l'Agence internationale de l'énergie atomique et des Nations unies : nous privilégions le traitement des questions internationales par la voie de la négociationet du multilatéralisme et nous souhaitons que soient tentées toutes les formes possibles de résolutions pacifiques des différends, sans confrontations ni augmentation des tensions. Je souhaite que l'on donne, non pas une, mais toutes les chances à la diplomatie.
El Moudjahid: Que deviendront les résolutions et autres recommandations adoptées lors du Sommet latino-arabe tenu à Brasilia l'an dernier? N'y a-t-il pas risque que ces recommandations restent sans suite si des mécanismes de suivi ne sont pas mis en place?
Le Sommet de Brasília fut une initiative pionnière destinée à rapprocher davantage, politiquement et économiquement, deux régions qui ont de vieilles relations sur le plan humain, et assez modestes, en général, sur le plan économique. Les importantes décisions auxquelles on est parvenu seront suivies de réunions comme celle qui vient d'avoir lieu, ici à Alger, entre les ministres de la Culture arabes et sud-américains. L'Algérie et le Brésil exercent la coprésidence du processus cette première année, et ont essayé de consolider un mécanisme de suivi des décisions. La Ligue arabe aussi a fait un bon travail et nous avons vu la participation d'entités académiques et du secteur privé. Le commerce du Brésil avec les pays arabes a augmenté de 40% en 2005, seulement pour donner un exemple, et le fait d'améliorer la connaissance réciproque fait naître des opportunités d'affaires.Mais sans doute, nous devons nous engager à respecter les décisions et à consolider le mécanisme birégional qui va renforcer, à côté des autres mécanismes, la voix de nos paysdans de nombreuses questions internationales et surtout notre capacité d'améliorer nos propres relations, qui offrent de multiples possibilités de croissance. Ma visite à Alger est, dans ce sens, également le résultat de ce Sommet.
El Watan: La relation Sud-Sud est-elle possible, et est- ce que le rapprochement entre l'Amérique Latine et le monde arabe peut aider à renforcer et à concrétiser ce genre de relation ?
La relation Sud-Sud est non seulement possible, mais nécessaire. Le Sud n'est pas un ensemble amorphe de pays sous-développés et dépendants, qui n'ont rien à offrir sinon des matières premières aux pays riches. Aujourd'hui, nous pouvons avoir une relation plus intense et chaque fois plus complémentaire, parce que plusieurs de nos pays - y compris le Brésil et l'Algérie- ont développé des capacités techniqueset de productivité de niveau international. Ensemble, nous pouvons être plus fortset non seulement augmenter notre commerce, mais aussi participer avec plus de force dans les forums économiques et politiques où se discutent les grandes questions d'intérêt pour l'humanité, comme l'OMC et l'ONU. Prenons l'exemple du G-20 qui fut finalement capable d'équilibrer le jeu à l'OMC et de discuter d'égal à égal avec les pays développés. Et pour ce faire, il est nécessaire que nos pays se connaissent davantage, qu'ils communiquent mieux,nous n'avons pas besoin d'aller à Paris ou à Miami pour nous rendre dans un autre pays en développement. Maintenant, une relation plus intense, plus créative et plus forte entre les pays du Sud ne veut pas dire négliger les relations avec les pays développés, qui sont aussi importantes pour nous tous. Nous allons faire comme les pays développés : saisir toutes les opportunités et faire de notre union notre force.
La Tribune: Monsieur le Président, vous êtes élu dans un contexte mondial marqué par l'hégémonie des intérêts des puissances économiques qui imposent une marche forcée aux pays émergents et en développement, vers une globalisation à risque pour les sociétés du Sud. Au-delà des efforts des altermondialistes pour humaniser ce processus infernal, existe-t-il une dynamique des Etats du Sud de la planète visant à mettre sur pied un front mondial pour un ordre économique et politique juste et en faveur des sociétés et non seulement en faveur des trusts et autres cartes?
Sans doute le travail du G-20, qui regroupe les pays en développement ayant des intérêts communs au sein de l'OMC, est une preuve que cela est souhaitable et possible. Grâce à ce type d'initiatives, de grand réalisme politique, nous serons en mesure de participer plus intensément dans le jeu international et surtout de le renverser en notre faveur. La réforme du Conseil de sécurité des Nations unies est une opportunité pour changer cette structure de puissance mondiale qui, autrement, resterait figée au bénéfice seulement des pays plus riches. Des initiatives conjointes avec les pays développés, comme l'action contre la faim et la pauvreté, à laquelle prennent part l'Algérie et le Brésil, sont aussi un instrument pour augmenter l'engagement des nations riches dans ces mutations. Pour leur part, les pays en voie de développement doivent chercher unemeilleure articulation dans les forums, pragmatique, souple, comme ce que nous faisons avec l'Inde et l'Afrique du Sud, au sein de l'Ibas. Et enfin, nous avons la question de l'intégration régionale.Par le biais du Mercosul, et en complémentarité, de la Communauté sud-américaine des nations, nous développons notre force. Vous-mêmes êtes sur le point de réaliser votre volonté d'intégration par le biais du Maghreb arabe. Les pays en développement doivent s'inspirer de l'exemple de l'Europe qui, grâce à son intégration, est devenue aujourd'hui une puissance. Si nous ne consolidons pas ces initiatives, nous serons condamnés à rester en marge de l'Histoire.
Partners économie: En Afrique et particulièrement au sein du Nepad, l'Algérie lutte pour un autre partenariat, pour le développement du continent le plus pauvre du monde. En Amérique Latine, le Brésil représente aujourd'hui à travers vous, une autre mondialisation, celle «des masses populaires appauvries». Quels sont concrètement les axes d'efforts principaux communs qui peuvent se dégager de cette communauté de vues algéro-brésiliennes?
Le Nepad représente une prise de conscience des pays africains sur la nécessité d'apporter des réponses appropriées aux défis de développement de l'Afrique. Son point de départ est basé sur les mêmes principes qui régissent le processus de rapprochement et d'intégration de l'Amérique du Sud - la transparence, la bonne gouvernance, la prestation de comptes devant l'opinion publique, l'intégration des réseaux de transport, des communications et de l'énergie dans le continent, autour d'axes d'intégration bien identifiés. Par le biais de l'Initiative pour l'intégration régionale sud-américaine (Iirsa), nous sommes engagés dans des projets qui génèrent une activité économique substantielle, la réduction des goulots d'infrastructures et les entraves bureaucratiques qui nuisent à la compétitivité de nos exportations.
Le Nepad est un excellent exemple d'une initiative avec une vision africaine des problèmes africains, mais en même temps, ouverte à la participation internationale. Je suis certain que l'expérience sud-américaine en matière de développement régional et de construction d'infrastructures pourra être de grande importance pour le Nepad. Et il est certain que le Brésil et ses entreprises ont intérêt à participer dans l'initiative du Nepad, de la même manière que les entreprises algériennes devront s'intéresser à ce que nous sommes en train de réaliser en Amérique du Sud.
El Watan: Pensez-vous que l'action menée à travers le groupe des 20 constitue une chance pour le Sud afin de créer un équilibre dans les échanges commerciaux avec le Nord et est-ce que l'arrivée de la gauche au pouvoir dans les pays de l'Amérique Latine aidera les pays en développement à contourner les pièges de la mondialisation?
Je ne doute pas que le G-20 ait changé le jeu au sein de l'OMC et qu'il a fait naître une nouvelle confiance au sein des pays en développement, dans leurs capacités d'influencer le jeu. Je ne veux pas dire que nous avons atteint cet équilibre tant désiré, ni que nous sommes proches de la fin d'une longue lutte contre les distorsions du commerce international qui sont tant préjudiciables pour les pays en développement. Mais il y a aujourd'hui une nouvelle perception de la géographie diplomatique du monde ; mon espoir est que cette nouvelle géographie diplomatique puisse aider à changer une bonne partie de la géographie économique du monde, et surtout aider chacun de nos pays à atteindre un meilleur niveau de développement. Concernant la victoire de la gauche en Amérique du Sud,je pense que c'est une réalité historique importante. Ces pays ont besoin d'élargir leurs options politiques pour affronter les problèmes, avant tout internes, qui persistent depuis des décennies et que les politiques traditionnelles n'ont pas réussi à résoudre. Ils doivent également avoir une nouvelle approche, plus combative, sur le plan externe. Mais la gauche qui est arrivée aujourd'hui au pouvoir en Amérique Latine n'est pas irresponsable et elle sait qu'elle doit faire montre de beaucoup de prudence dans le traitement, aussi bien des défis internes à leurs pays, que de ceux découlant de la globalisation.Nous devons être réalistes et lutter, non contre la globalisation comme Don Quichotte contre les moulins à vent, mais pour redéfinir la géographie commerciale et économique mondiale de manière à ce que nous bénéficions des possibilités qu'offre la globalisation. Et pour ce faire, il faut une meilleure articulation des pays en développement, comme nous l'avons fait avec le G-20, et comme nous sommes en train de le faire avec ma visite en Algérie qui a pour objectif de renforcer et de valoriser un partenariat qui est déjà très important pour nos deux pays.
L'Expression: Nous constatons ces dernières années un rapprochement, soit une sorte de coalition politico-économique entre les pays d'Amérique Latine et les pays arabes et musulmans contre l'hégémonisme américain. Quelle est la portée d'un tel rapprochement ?
Nous n'entreprenons rien contre personne, ni contre quelque chose, si ce n'est en notre faveur, celle de préserver et de respecter notre identité culturelle et politique, notre diversité et nos intérêts qui sont, dans une large mesure, communs. Les Etats-Unis sont un partenaire international de première importance pour tous nos pays. Une approche arabe-sud-américaine n'implique en rien un rejet ou une réduction de l'importance ou de l'exclusiondu partenariat avec les Etats-Unis ni avec d'autres pays développés. Nous devons, en revanche, nous associer pour promouvoir notre identité et défendre conjointement, avec une voix rendue plus forte par une bonne entente et une bonne coordination, les intérêts et les points de vue que nous avons en commun. C'est un des objectifs de ma visite à Alger.
Partners économie: L'espace lusophone triangulaire - Brésil, Portugal et Palop (pays lusophones) - présente pour des raisons historiques un espace privilégié pour l'Algérie qui a accompagné aussi bien l'indépendance des Palop que la lutte pour la démocratie au Portugal et au Brésil. Comment envisagez-vous de faire fructifier politiquement et économiquement ce gisement de solidarité historique?
Nous avons beaucoup oeuvré avec les Pays lusophones (Palops) et le Portugal pour consoliderla communauté des pays de langue portugaise (Cplp), qui, aujourd'hui, est une réalité politico-diplomatique et de coopération. Je sais que l'Algérie a un vaste programme de coopération avec cet ensemble, surtout dans la formation, ici, d'étudiants africains de langue portugaise. Nous devons discuter plus sur la forme d'association de l'Algérie à cette coopération que développe la Cplp. J'ai grand espoir dans le Groupe Cplp que nous venons de créer ici, en Algérie, compte tenu de l'importance de la diplomatie et de l'action de coopération algériennes en Afrique.Avec plusieurs pays du Palops, le Brésil et l'Algérie peuvent mener des actions conjointes dans le domaine économique, par exemple à travers la création de partenariats de leurs deux grands Etats pétroliers, ou dans le domaine de la coopération.


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