6eme partie J'aimerais terminer cette série sur l'Islam et l'Etat par la présentation d'un cas. Il s'agit des instructions de l'Imam Ali Ibn Abi Taleb, quatrième calife, données à Al-Achtar, à l'occasion de son investiture comme gouverneur de l'Egypte quand des troubles éclatèrent sous le mandat de Mohamed Ibn Abi Bakr, son prédécesseur. Je ne donne que des extraits de la lettre d'instructions. Cela nous permettra de voir le profil des dirigeants dans le cadre des principes de l'Islam. Cela se passe au 7e siècle du premier millénaire ; nous sommes au troisième millénaire ! Début des citations : " Fréquente assidûment les gens de science, discute souvent avec les sages pour pouvoir affermir les bons principes qui assurent la bonne marche du pays et consolider les bonnes pratiques qui ont été celles de tes prédécesseurs. Sache que tes administrés se retrouvent en catégories intimement liées les unes aux autres, de telle sorte qu'aucune d'entre elles ne saurait être saine si les autres ne le sont pas. Parmi celles-ci il y a les soldats de Dieu, les agents des affaires, les magistrats, les scribes, les contribuables tant musulmans que d'autres religions, les commerçants et les artisans. Il y a également la classe des déshérités et des pauvres. Dieu a fixé le droit comme le devoir de chacun, soit dans son Livre, soit dans la Sunna (tradition) du Prophète, que Dieu soit satisfait de lui. Il s'agit d'un dépôt qu'il nous a confié, et que nous préservons. Les armées sont, par la grâce de Dieu, le rempart du peuple, la gloire des dirigeants, la force de la religion, le garant de la sécurité ; les affaires de la nation ne peuvent prospérer sans leur présence. Les armées ne peuvent être sur pied que s'il leur est remis la part de zakat que Dieu leur a accordée, afin qu'elles soient puissantes dans le combat contre l'ennemi, qu'elles puissent compter dessus pour se perfectionner et l'utiliser pour leur entretien. Mais ni les armées ni le peuple ne pourraient être d'utilité sans le soutien d'une troisième catégorie, celle des magistrats, des scribes et des agents des affaires publiques et privées, vu les contrats que ces derniers établissent et la confiance que l'on place en eux en ce qui concerne les affaires de l'Etat comme des particuliers. Mais tous ne peuvent prospérer que grâce aux commerçants et aux artisans, par les services qu'ils rendent dans les marchés et en d'autres lieux pour accomplir des tâches dans des domaines où les autres se sentiraient incapables. Les nécessiteux et les déshérités, quant à eux, ont le droit de recevoir aide et secours. Dieu n'a omis le droit de personne. Chacun a, dans la mesure de ses besoins, des droits sur l'administrateur ; ce dernier ne trouvera d'excuses, pour ce dont Dieu l'a chargé, qu'en s'occupant d'eux, en s'appuyant sur l'aide de Dieu et en habituant avec patience son âme à l'amour de la justice dans l'accomplissement de ses fonctions, fussent-elles grandes ou petites… Les choses les plus agréables et les plus précieuses pour un administrateur sont l'épanouissement de la justice dans le pays et les manifestations d'amitiés entre les administrés. Choisis comme juges, parmi tes administrés, ceux pour qui tu as le plus d'estime, ceux qui ne s'impatientent pas, que les plaignants ne rendent pas acariâtres, qui ne persistent pas dans l'erreur, qui n'agissent pas par cupidité, qui étudient ce qui leur est soumis dans toute sa profondeur et non superficiellement, qui ne tranchent pas rapidement sans réfléchir, s'ils n'ont que des présomptions… Observe bien le comportement de tes fonctionnaires et choisis-les après les avoir mis à l'épreuve, ne les nomme pas par favoritisme ou par égoïsme, ces deux défauts font partie des ferments de l'iniquité et de la trahison. Occupe-toi de la terre dans l'intérêt de ceux qui la travaillent car l'abondance des produits de la terre et la prospérité des producteurs conditionnent le bien-être d'autrui… Sois plus préoccupé du bon état de la terre que des entrées qu'elles peuvent rapporter, car ces dernières ne peuvent te parvenir que si les premières sont bien entretenues. Celui qui demande l'impôt sur les terres, sans s'occuper de leur entretien, ruine le pays et rend la vie difficile au peuple, et son autorité sortira de cette situation affaiblie…Informe-toi de l'état des orphelins et des gens âgés qui n'ont pas de moyens pour supporter leurs situations… " (fin de citations). Je n'ai présenté ici que très peu de cette longue lettre qui reste un modèle pour ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui "feuille de route". J'espère avoir proposé dans ces six contributions consécutives les éléments qui permettraient l'approfondissement de l'analyse sur la réponse à l'objectif principal de la Révolution d'indépendance nationale tel que consigné dans la Déclaration du 1er novembre 1954 : "l'instauration de l'Etat algérien démocratique et social dans le cadre des principes de l'Islam". À la tentation du pessimisme opposons la nécessité de l'optimisme ! (À suivre) A. B.