Cet hommage populaire s'est déroulé en face d'une bougie géante construite en mémoire des victimes d'Octobre 1988. L'œuvre est financée par l'argent public après une délibération des membres de l'APC de Béjaïa. Le chanteur engagé, Matoub Lounès, a eu droit à un hommage populaire à Béjaïa. Les animateurs de Bruit des mots et du Café littéraire ont réussi avec la 3e Nuit du livre le pari de commémorer dans la simplicité le 18e anniversaire de l'assassinat du chantre de l'amazighité. Et d'avoir comme fil conducteur de cette soirée d'hommage : le livre. En plus de l'évocation du poète assassiné, on a fait circuler des livres. Plus encore, cet hommage populaire s'est déroulé en face d'une bougie géante construite en mémoire des victimes d'Octobre 1988. L'œuvre est financée par l'argent public après une délibération des membres de l'APC de Béjaïa. L'esplanade a été donc transformée, le temps d'une soirée, en une place dédiée à la poésie et pour perpétuer une mémoire et réécouter une voix éteinte par des balles assassines, un certain 25 juin 1998. À la cité CNS, les jeunes de la Cité, comme on les appelle, n'ont jamais cessé de commémorer le triste anniversaire. Ils passent en boucle les grands tubes de l'artiste, assassiné et notamment Aghuru, l'hymne national que le chantre de l'amazighité avait revisité. Il tombera dans un guet-apens avant la sortie de l'opus. Mais les gens, qui sont sortis en cette soirée, ne pouvaient pas s'arrêter à l'esplanade de la Maison de la culture. Car devant l'affiche géante représentant Matoub — une œuvre de Noureddine Saïdi, l'artiste peintre et co-animateur de Bruit des mots, un espace de débats critiques — on a allumé des bougies. Et on a surtout déclamé des poèmes, dans toutes les langues. Et les poètes n'ont pas eu à exhiber leurs papiers d'identité pour reprendre un grand poète disparu, Léo Ferré en l'occurrence, mais à déclamer seulement leurs poèmes, qui en kabyle, qui en français, qui en arabe ; chaque passage étant entrecoupé de couplets de chansons de Matoub. Les organisateurs en ont profité pour distribuer un petit mot dans lequel on a évoqué le "poète de l'éternité" et que l'on pense "immortel" tellement que l'on croit volontiers que cette catégorie de gens ne peut objectivement "mourir" mais qui pourrait, finira-t-on par concéder, se retrouver dans "la solitude". Matoub n'était-il pas dans la solitude absolue quand il était otage de ses ravisseurs en cette année de boycott scolaire. Pourtant, c'est grâce à une mobilisation historique de la population qu'il avait pu retrouver les siens. Mais cette épreuve avait laissé des séquelles sur l'artiste. Aussi, dans sa chronique du 12 octobre 1994, feu Saïd Mekbel écrira : "Matoub vient de traverser une dure épreuve. La plus dure peut-être pour un homme de son tempérament, de sa condition. Elle sera lourde à supporter et à porter cette lourde charge d'avoir été libéré par ses propres ravisseurs qui, surtout, sont ceux-là mêmes qu'il combat. Les esprits tortueux qui pensent qu'il n'y a de véritables héros que morts, vont dans les jours qui viennent ajouter leur propre lest." Moins de deux mois plus tard, le 3 décembre, c'est le billettiste de talent, Mesmar J'ha, qui sera abattu par un jeune. M. Ouyougoute