Tout le monde voit. Tout le monde observe. Tout le monde écoute. Mais l'appréciation de la chose n'est pas la même chez tous. Vous pouvez, par exemple, passer sur une phrase banale mais lourde de sens. Et c'est ainsi qu'un vieux a recueilli quelques propos qu'il n'aurait pas dits et même pas imaginés dans sa jeunesse ni pensés d'ailleurs. Jugez-en vous-mêmes. A Aïn Tédelès dans la wilaya de Mostaganem il a entendu un jeunot dire à peu près ceci : « C'est de votre faute si rien ne marche. Vous avez donné vos voix à des incapables. La prochaine fois, votez pour moi. Si je serai élu maire, je vous aiderai à acquérir des barques. Je vous faciliterai la harga. » A un de ses fils, un vieux demanda les nouvelles de son autre rejeton qui venait d'atterrir en Europe. « Il va bien, lui répondit le môme. Il dit même qu'il voit en couleurs. » C'est dire que chez nous, nos jeunes voient en noir et blanc. Un daltonisme aggravé ? Non, un tunnel sombre avec au bout un brin de lumière qui fait office d'espoir. Un jeune écrit à quelqu'un qu'il hait comme la peste : « Ma réussite m'importe peu. L'important c'est ton échec. » Il détestait tellement son prochain qu'il souhaitait le voir couler. Sa joie résidait en un fiasco, une perte, une banqueroute, une faillite ou une débâcle de l'autre. Un célèbre proverbe de chez nous dit: « celui qui t'a échangé contre des fèves, échanges-le contre leurs peaux ». Cela veut dire que celui qui n'a pas tenu ses promesses ou a favorisé un autre que toi, largues-le. Ces derniers temps, le proverbe a mué chez les jeunes en : celui qui t'a échangé contre des fèves, offre-le. Et cela veut dire que celui-ci vaut moins que les peaux de fèves.