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Il n'est pas mort le poète…
Publié dans El Watan le 22 - 06 - 2006

Dès son jeune âge, il avait des prédispositions pour épater ses vis-à-vis. Déjà à l'école primaire, il amusait la galerie grâce à des talents précoces en se jouant des mots. Plus tard, quand il s'affirmera dans le métier, beaucoup s'étonneront qu'un type aussi énorme, aussi volumineux puisse être si fin. C'est la mer démontée, son premier sketch qui l'a révélé au grand public. C'était en 1956. Il raconte : «Un soir à Biarritz, il faisait un temps épouvantable. Avant le spectacle, je vais dans un restaurant. Le garçon : ‘'Que désirez-vous ?” Je réponds : ‘'Voir la mer”. Il rétorque : ‘'Vous ne pouvez pas, elle est démontée.” Je lui dis : ‘'Vous la remontez quand ?” C'est une question de temps… Tout est parti de là…» Mais il arrive que des sketches d'un tout autre genre viennent bousculer cet homme jovial qui s'était rappelé à nos souvenirs, il y a quelques semaines lorsqu'il entra à l'hôpital, victime d'un œdème pulmonaire.
Un mauvais sketch
Rongé par la maladie, il a été encore plus blessé par un horrible sketch, joué cette fois-ci, par une femme se présentant comme son ancienne compagne voulant sans doute tirer quelques dividendes du somptueux gâteau d'héritage. Une sordide bataille judiciaire qui, après la mort de l'artiste, n'a pas encore livré tous ses secrets.
Cette parenthèse acérée, diront ses proches, il la vécut douloureusement l'éloignant de son statut d'amuseur et le plongeant dans un univers intrigant et maussade, loin, bien loin des ovations méritées du public qui l'enchantaient.
«Cela me dope, c'est toujours nouveau. Dès que le rideau se lève, il se passe quelque chose, on rentre dans l'imaginaire, le non-sens…»
Cet imaginaire, il le porte comme un sacerdoce depuis son enfance troublée.
Sa famille d'origine belge s'installe à Tourcoing quand Raymond a deux ans. «Mon père nous emmenait souvent au cirque. C'est comme ça que j'ai vu le clown Pipo, le plus grand des clowns blancs. Des années plus tard, j'ai fait un numéro avec lui. Il m'a appris en 48 heures ce que faisait son partenaire.»
Le petit Devos fait du sport mais c'est le trapèze qui le fascine, il en devient champion. A 24 ans, il reprend les cours de théâtre et apprend le mime avant d'entrer dans la compagnie de Jacques Fabbri qui sillonne la France. Il fait de la comédie. «Un vrai comédien, note-t-il, ne s'amuse pas, il jubile. Il jubile avec l'angoisse perpétuelle de ne pas être dans le ton. Moi, je ne suis pas un vrai comédien, je suis comédien de ma comédie.» Devos a appris à jouer d'une multitude d'instruments. «Les instruments de musique ont toujours fait mon bonheur. J'étais collégien et le tramway qui me conduisait s'arrêtait devant une boutique où se trouvaient de magnifiques instruments. L'un de mes frères me tirait par la manche, sinon je serais arrivé tous les jours en retard. J'avais le regard fixé sur les violons. Quant à la guitare, elle ressemble à une femme, il faut la faire vibrer.» Comme un de ses fans lui suggérait de se satisfaire comme d'autres, d'écrire et de raconter sur scène le fruit de ses inventions. «Tout ce que je fais sur scène, mes interventions manuelles ou musicales font partie de mes rêves.»
Avec lui, reconnaissent ses admirateurs, c'est le délire garanti, un délire bienfaiteur. «On a toujours tort d'essayer d'avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu'ils n'ont pas tort. Si ma femme doit être veuve un jour, j'aimerais bien que ce soit de mon vivant.» Inimitable dans l'exercice de faire crapahuter les mots, il jongle avec le vocabulaire avec une maestria digne des grands.
délire garanti
D'ailleurs, lui et la scène, c'est un couple heureux, y a pas à dire. Pourtant toute son enfance a été une quête du bonheur, écartelé qu'il était par les vicissitudes de la vie. Collégien, il est brutalement retiré de son établissement scolaire après la faillite de son père qui s'arrangera pour installer sa famille dans la banlieue parisienne, avant de s'éclipser définitivement. Raymond découvre la banlieue nord de Paris. Au seuil de l'adolescence, il vit déjà seul dans un hôtel miteux de Paris en faisant des petits métiers avant de courir les cabarets. Il commence à écrire ses propres textes et de les porter à la scène. C'est le succès, mais méfiant, Raymond préfère sa solitude au show business qui lui tendait pourtant les bras. Cet intellectuel, qui n'a pas fait les grandes écoles, n'avait pas son pareil pour faire danser les mots.
«Avant, j'étais dans un hôtel, borgne d'ailleurs, ça coûtait les yeux de la tête. Dans cet hôtel, le propriétaire me donnait chaque fois le 37. Et il n'y avait que 36 chambres. Je passais mes nuits à chercher mon 37. Jusqu'au jour où je me suis aperçu que le 37, c'était le couloir.» Ayant le don de l'improvisation, Devos ne s'est jamais encombré de convenances pour dire ses vérités. D'ailleurs, il le reconnaît lui-même : «Je ne me suis jamais mis à une table de travail en disant : je vais écrire un sketch. L'inspiration vient toute seule, surtout de la vie quotidienne. Un jour, un directeur d'hôtel me dit : ‘'C'est vous Raymond Devos ?” Je lui dis : ‘'Non, je suis son père.” Ça m'a amusé follement. Il ne m'a pas contredit et a dit beaucoup de bien de mon fils. Le soir, pendant le spectacle, j'ai dit au public : ‘'Vous savez, si vous voulez qu'on dise du bien de vous, faites-vous passer pour votre père.”»
Avec son humour et sa loufoquerie, il traquait l'absurde et faisait dire aux mots ce qu'il voulait, créant parfois des malentendus, des non-sens, des double sens ou des contresens. Le public en riait et en redemandait comme par exemple cette histoire des douaniers suisses. «Qu'est-ce que vous venez faire en Suisse, M. Devos ?». «Mon numéro». «Dans quelle banque ?» C'est fantastique, non… Humble et pudique, Raymond sait jusqu'où il peut aller. «Je n'ai pas de leçons à donner et s'il faut distraire les gens, je crois qu'il ne faut pas se moquer d'eux nommément. C'est pas bien parce que c'est facile. En tout cas moi je ne veux pas porter atteinte aux gens. Ce n'est pas mon style. Simplement, il faut se moquer de nous et faire rire avec nos travers sans que ce soit offensant.»
Auteur, metteur en scène, acteur, musicien, il jouait les bateleurs et les acrobates, en dépit d'un physique très enveloppé dont il se moquait lui-même : «Vous avez remarqué qu'on dit un bon gros et jamais un bon maigre ?»
Pour maintenir sa condition physique de compétition sur scène, Devos se livrait régulièrement à quelques exercices physiques de haut niveau, notamment le trampoline ! Le maître du jeu de mots s'exécutait régulièrement à quelques petits sauts périlleux qui en surprenaient plus d'un. Il dut cependant arrêter cet exercice éprouvant lorsque son sternum s'est fracturé.
Un saltimbanque
Créateur, il ne badinait pas avec l'humour. Il n'était pas un spécialiste des histoires belges, bien que celles-ci auraient pu largement l'inspirer. Il ne cherchait pas son inspiration dans les recueils de blagues mais plutôt dans Gaston Bachelard, dont il était un féru. Quand il montait sur scène avec son costume bleu, il donnait plus l'impression d'un saltimbanque, d'un magicien qu'un comique. C'était un illusionniste capable d'être corpulent, sans jamais être lourd, un obèse expert en élégance. C'était un homme immense, ultrasensible, poète irrévérencieux, manipulateur des quotidiennes absurdités du monde. Penseur de l'absurde, Devos a, à son actif, une kyrielle de sketches tout aussi fantaisistes les uns que les autres. «Je crois à l'immortalité et pourtant je crains bien de mourir avant de la connaître.»
Jongleur de mots, il faisait rire, mais il ne rigolait pas avec le rire : «Une fois rien, c'est rien. Deux fois rien, c'est pas beaucoup, mais pour trois fois rien, on peut acheter quelque chose et pour pas cher.» Trapéziste, Devos a fait ce métier souvent la gorge nouée d'angoisse. «Comme chacun ne le sait pas, l'équilibre, c'est un déséquilibre sans arrêt rattrapé. Quand on fait du fil, on y va avec la peur au ventre. On a le pied sur le fil, presque paralysé, on a envie d'appeler au secours. En bas, il y a le type qui te dit,”Allez vas-y,
continue !” On le tuerait…»
Le trac, le connaît aussi, malgré ses nombreuses années sur les planches. «J'étais au Canada avec un chanteur français que j'admirais. Il faisait la première partie, moi la seconde. Il passe et casse la baraque. J'étais dans la loge, j'entendais cette densité-là, je savais que je ne l'aurais pas. Il était en train de tout prendre. J'étais là, tout seul. L'entracte arrive, dans sa loge toute la presse, les fleurs. On rappelle les gens dans la salle, ça va être à moi. La porte s'ouvre et le chanteur me lance : ‘'Essaie de faire mieux !” Un coup de poignard. Je prépare ma guitare. La porte s'ouvre encore. Et une voix ‘'Devos ça va être à vous !” C'est terrible. Il faut que tu donnes. J'entre. Une ovation. Les gens avaient dû comprendre. Tu entres en scène anéanti et d'un seul coup, par l'accueil, tu décolles. Une joie intense irréelle presque.» Orfèvre des mots, Devos les choisit car, dit-il, c'est un travail de précision que j'aime faire qui m'intéresse beaucoup et qui est mystérieux. «Dès les deux trois premières phrases, les gens doivent entrer tout de suite dans votre euphorie, sinon ils décrochent.»
Récemment répondant à quelqu'un qui lui disait si le rêve n'était pas l'inspirateur de ses créations, Devos eut ces mots : «Je n'arrête pas de m'échapper, je n'arrête pas de faire ma valise et de m'en aller moralement…» Il est parti définitivement, léger comme un papillon. Les mots sont en deuil…
Parcours
C'est le 9 novembre 1922 que Raymond naquit dans la ville de Mouscron en Belgique, avant de s'installer rapidement avec son père et sa mère, Louis (travailleur frontalier) et Agnès, à 2 km de cette ville, mais dans un tout autre pays : la France. C'est là que le jeune Devos entamera des études qui seront bien trop vite écourtées. Une catastrophe aux yeux de Raymond Devos qui, à 13 ans, n'a pu assouvir toute sa soif de connaissance. Ce sera donc par lui-même qu'il commencera à s'acharner sur la culture, voulant à tout prix maîtriser la langue française et la musique pour laquelle il a une affection particulière. Il faut dire que son univers familial le prédisposait déjà fortement à jongler avec la mélodie. Son père jouait de l'orgue et du piano, alors que sa mère faisait virevolter le violon et la mandoline. Quant à lui, il apprendra tour à tour des instruments tels que la clarinette, le piano, la harpe, la guitare et le bandonéon…


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