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… Un jour, tu seras kamikaze, mon fils !
Publié dans El Watan le 24 - 10 - 2007

Les deux hommes ont cependant plus que l'âme d'assassin en partage, car dans la course au pouvoir, ils ont une stratégie politique commune basée sur la terreur, l'assassinat politique, et ce qui est appelé aujourd'hui l'attentat suicide. Avec le froid du théoricien de la terreur, cheikh Hassen Iben Sabah traçait pour ses adeptes les objectifs : «Il ne suffit pas d'exécuter et de terroriser, disait-il. Il faut aussi savoir mourir. Car si en tuant nous décourageons nos ennemis d'entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse, nous forçons l'admiration de la foule. Et de cette foule, des hommes sortiront pour se joindre à nous.» Surprenant retour d'écho 916 ans après, le 11 avril 2007 à Alger. Un de ces sinistres adeptes, le chef du GSPC, Mossaâb Abdelouadoud, revendiquait le double attentat suicide avec une voix qui lui vient du passé : «Nous disons aux renégats et à leurs maîtres croisés : ayez la nouvelle de la venue des jeunes de l'Islam qui aiment la mort et le martyre comme vous aimez la vie de débauche et de délinquance ; par Allah, nous ne déposerons nos épées ni nous ne savourerons la vie, jusqu'à ce que nous libérions chaque pouce de la terre de l'Islam de tout croisé et de tout renégat et collaborateur (avec l'ennemi), et jusqu'à ce que nos pieds foulent notre Andalousie perdue et notre Jérusalem bafouée (communiqué du GSPC le 11 avril 2007, ndlr)».
Et l'attentat suicide fut… Ce jour-là, 30 morts et plus de 200 blessés. Chez le voisin de l'Est, la Tunisie, l'opération suicide estampillée du sceau d'Al Qaïda s'était manifestée bien avant. Djerba, un certain 11 avril 2002. Le premier attentat suicide au Maghreb prend pour cible une synagogue, ensuite la ville marocaine, Casablanca, des kamikazes se font exploser dans de grands hôtels et restaurants. Les opérations suicide n'ont cessé depuis de se démultiplier. Certains spécialistes y voient la conséquence directe de l'alliance du GSPC avec Al Qaïda (annoncée le 11 septembre 2006 par Aymen Zawahiri, le numéro 2 d'Al Qaïda), d'autres en minimisent l'impact. Scott Atran, anthropologue et psychologue à l'université du Michigan, est de ceux-là. Le chercheur et spécialiste en phénomène kamikaze écarte d'emblée tout lien structurel entre le GSPC et Al Qaïda. «Al Qaïda n'est qu'un logo», dit-il.
Chiite ou sunnite ?
Depuis la neutralisation de ses principaux leaders, Al Qaïda a cessé d'être une «entité opérationnelle». Pour ce qui est du recours quasi-systématique à l'attentat suicide, l'universitaire américain l'attribue à la nature de l'islamisme militant, une «idéologie sans espoir». Tout comme l'ont été, selon lui, toutes les idéologies utopistes durant les 100 dernières années, à l'exemple du colonialisme, du communisme, du socialisme, du nationalisme socialiste, du fascisme, de la libérale démocratie, etc. La «faiblesse» des mouvements, comme l'est le GSPC, le force à adopter l'attentat suicide qui lui garantit une existence médiatique certaine. «Le terrorisme s'oxygène aux médias», affirme le spécialiste. Le GSPC, avec cinq attentats suicide «réussis» en moins de six mois, dont trois rien qu'au mois de septembre, (pas loin de la moyenne mensuelle enregistrée par les branches d'Al Qaïda en Irak, en Afghanistan et au Pakistan), est-il réellement un groupe terroriste «désespéré» ? Cela témoigne en tous cas de la situation de faiblesse du GSPC, explique le journaliste et spécialiste de la mouvance islamiste, H'mida Layachi.
Selon lui, le choix de la méthode des «âmalyates istichehadya» (opérations martyres) est dicté par la réalité du groupe terroriste, «affaibli militairement et par les divisions internes nées de la charte pour la réconciliation nationale». Ces divisions auraient atteint leur paroxysme avec l'adoption de la méthode de l'attentat suicide opérée à la faveur du djihad sous la bannière d'Al Qaïda. Cela étant, précise H'mida Layachi, on ne peut comprendre le phénomène «kamikaze» en Algérie si on ne reprend pas la composante islamiste depuis la fin des années 1980. Dans celle-ci, il faudrait distinguer, d'après Layachi, trois générations. La première, dit-il, c'est celle des chefs «idéalistes», des «chouyoukh». Les «romantiques» de la «Daoula islamia» ont vite été balayés par la «génération des émirs» de 1993 à 1997, pilotée successivement par des déserteurs de l'armée, des Afghans et des émirs qui étaient des ex-voyous. On ne peut isoler non plus le phénomène kamikaze du développement de l'islamisme et du terrorisme international.
H'mida Layachi rappelle que l'opération suicide, aâmalia istichehadya, avant qu'elle ne devienne la griffe et le label d'Al Qaïda, est passée des courants religieux à d'autres. L'histoire, souligne-t-il, témoigne combien l'idée de l'opération martyre a fait du chemin, passant du chiisme aux Frères musulmans avant d'être inoculée à la salafia djihadia. Le premier attentat kamikaze moderne a été perpétré au Liban en décembre 1981 par le Hezbollah. La cible désignée par les commanditaires présumés de l'attentat, les mollahs d'Iran, était l'ambassade d'Irak à Beyrouth.
De 1982 à 1985, le Liban connaîtra plus d'une quarantaine d'attentats suicide. H'mida Layachi indique que c'est l'aile dissidente des Frères musulmans égyptiens qui était la première à recycler le procédé kamikaze avant de l'inoculer à la salafia (sunnite). Pour rendre «licites» les opérations kamikazes, les terroristes «salafistes» du GSPC, faute de produire leur propre littérature en la matière, recourent aux «textes fondateurs» produits par des oulémas djihadistes d'Orient. H'mida cite parmi eux le cheikh Al Ghamidi. Au Maghreb, et depuis l'attentat suicide de Djerba, qui constitue la première manifestation du phénomène kamikaze dans les pays d'Afrique du Nord, les spécialistes, comme l'opinion publique des trois pays, ne cessent de s'interroger sur les motivations et les ressorts conduisant souvent de très jeunes recrues de la mouvance djihadiste à se porter candidats au martyre.
Le phénomène interpelle plus d'une conscience et à plus forte raison lorsque celui-ci devient une «stratégie guerrière», comme c'est pratiquement le cas en Algérie depuis avril 2007. Au lendemain des attentats kamikazes de Casablanca le 16 mai 2003, l'écrivain marocain, Tahar Benjelloun, s'interroge dans sa chronique (publiée dans le journal Le Monde) : «Comment procèdent les recruteurs de la mort ? De quel pouvoir magique disposent-ils pour convaincre des adolescents de se donner la mort en tuant des innocents ? Comment parvient-on à se désister de soi-même, à se retirer de son corps et à l'offrir dans un brasier de sang à une mort certaine emportant dans un élan le maximum de personnes se trouvant dans le lieu et le moment désignés par des commanditaires masqués ? Comment passe-t-on de l'instinct de vie à la passion de la mort ? Pourquoi les jeunes Brésiliens des favelas qui vivent dans une misère noire ne deviennent-ils pas des kamikazes ? Parce qu'ils ne sont pas de culture musulmane, ce qui ne les empêche pas de commettre des délits avec une grande violence.» Autant de questions qui actuellement taraudent nombreux Algériens surtout quand ils repensent à la figure juvénile du kamikaze de Dellys, le 21 septembre dernier.
Phénomène de société, phénomène à la mode
Pour le sociologue Nacer Djabi, spécialiste de la violence urbaine, le recours à la méthode du kamikaze est devenu un phénomène à la mode. Avec le concours capital des chaînes satellitaires arabes, d'Internet et sur fond de conflits majeurs comme la guerre en Irak ou la guerre livrée contre les Palestiniens, l'acte kamikaze subjugue les foules juvéniles et attire vers lui de nombreux candidats au martyre.
Dans le cas de l'Algérie, précise l'universitaire, l'apparition des kamikazes est à interpréter d'abord comme une preuve de faiblesse des groupes terroristes. «Recruter des adolescents est la preuve que les maquis sont en mal de reproduction, de mobilisation.» Son collègue et chercheur au CREAD, Zoubir Arrous, estime, quant à lui, les risques que le GSPC aille dans le sens de l'intensification de ce type d'attentats assez élevé, même si celui-ci se trouve être en «phase terminale». La crainte viendrait du fait que le pays renferme, selon lui, un «gisement inépuisable» en candidats aux opérations suicide.
En juin dernier, 13 «candidats» kamikazes, âgés de 13 à 18 ans, ont été condamnés par le tribunal de Boumerdès à 3 ans de prison avec sursis. Les services de police au Maroc ont démantelé, un mois auparavant, un réseau djihadiste composé de 20 jeunes candidats kamikazes. H'mida Layachi affirme avoir tout récemment récolté le témoignage d'un jeune «déserteur» des maquis du GSPC qui lui a avoué avoir rencontré une centaine de jeunes recrues toutes candidates à l'opération suicide. La nouvelle donne indubitablement froid dans le dos. L'attirance et l'engouement que suscitent les opérations suicide s'expliquent, selon H'mida, par le rôle déterminant que jouent les sites de propagande djihadiste et certains médias arabes qui entretiennent le flou sur les actes relevant de la «résistance» à l'envahisseur et au terrorisme. La propagande djihadiste a démontré, constate-t-il, toute son efficacité au point de transformer l'auteur d'un attentat suicide en «héros» des temps modernes. En Algérie, dit-il, même si le discours officiel ne l'admet pas encore, Al Istichadi est mis sur un piédestal, adulé et mystifié par les foules.
Zoubir Arrous trouve, quant à lui, au phénomène des motivations socioéconomiques : «La pauvreté, le chômage, l'absence de perspectives, l'éclatement de la cellule familiale sont autant de ferments pour une situation explosive.» Une «fragilité» remarquablement exploitée par les islamistes ultra et par les recruteurs des groupes terroristes qui transforment le jeune en bombe humaine. Le sociologue fait remarquer que les auteurs de ces attentats sont les «premières victimes» du discours haineux et nihiliste distillés par ces derniers. «Ils n'ont pas choisi, car ils ont été compromis par ceux qui développent une interprétation erronée de la religion, qui versent dans le takfir (…)» «Ce sont des jeunes complètement désabusés, ajoute-t-il, désappointés et blasés et qui se donnent la mort pour un rien». Le taux élevé de suicide chez les jeunes est, selon lui, très révélateur. «Les Algériens se suicident de plus en plus et par différents procédés : ils se pendent, se flinguent, se jettent du haut d'un pont, d'un immeuble, par el harga (émigration clandestine) sur des barques de fortune.» Le «mal-être» algérien se découvre sous ses effroyables expressions. Phénomène en vogue, celui des harraga, a atteint ces dernières années des proportions plus qu'inquiétantes. Les forces navales algériennes ont révélé fin septembre, qu'entre 2005 et 2007, plus de 2340 candidats à l'émigration clandestine ont été interceptés en pleine mer ou sur les côtes algériennes. 1302 ont été secourus au large et sauvés d'une mort certaine, tandis que les autres ont été interceptés sur les côtes au moment où ils s'apprêtaient à embarquer. En 2007 et jusqu'à septembre dernier, 918 harraga ont été sauvés, et 1382 jeunes harraga ont été interceptés. Autre manifestation du désespoir, le suicide. En Algérie, on recense un suicide toutes les 12 heures, selon une étude de la Gendarmerie nationale.
La même étude qui reprend des statistiques officielles entre 1999 et 2005 indique que le taux de suicides a connu un «bond effrayant», passant de 0,94 en 1999 à 2,25 pour 100 000 habitants en 2003, soit 3709 cas de suicide, dont 2785 hommes et 1423 tentatives de suicide dont 848 femmes. Les sociologues s'accordent à relier ces phénomènes de société. Mlle Boukaoula, la responsable de la cellule d'écoute psychologique de la Gendarmerie nationale, initiatrice de rencontres de sensibilisation des jeunes contre la propagande dijhadiste menée durant le Ramadhan dans un lycée de Bab El Oued, met en avant la «démission» des parents face à la montée du discours faisant l'apologie du terrorisme et de l'attentat suicide.
Harraga-kamikaze ou la suicide attitude
Le nombre de jeunes rejetés chaque année par l'école algérienne est tout aussi ahurissant. Environ un demi-million de déscolarisés chaque année, selon Osmane Redouane, le porte-parole du syndicat autonome, CLA. Désignés à tort ou à raison comme des «fabriques» potentielles de terroristes, l'école et la mosquée algériennes ont fort à faire avec cette image négative qui leur est collée bon gré, malgré gré. Si «négative» que Aboubakeur Benbouzid et Bouaballah Ghlamallah, respectivement ministres de l'Education nationale et des Affaires religieuses, s'étaient sentis après les derniers attentats kamikazes, contraints à briser le silence. Lors de sa dernière sortie algéroise, M. Benbouzid met en avant comme argument de défense l'attentat kamikaze de Dellys. Devant la presse, le ministre de l'Education a «promis» d'expurger aussi bien l'école de ces «talibans» que les livres et manuels scolaires de toutes les références à l'Islam militant et rétrograde. Le ministre des Affaires religieuses s'est, quant à lui, fondu en mille explications pour défendre les lieux du culte (et les imams) assimilés à des laboratoires où se fabriquent les commandos suicide. Le cas de l'imam, «disparu» de la mosquée de l'Apreval (Kouba), à qui est prêté un rôle décisif dans le recrutement et l'endoctrinement de jeunes kamikazes, comme Nabil Belkacemi, reste édifiant.
Mais pour Bouabdellah Ghlamallah, il ne s'agit que d'«une hirondelle qui ne fait pas le printemps». Tout en reconnaissant l'existence d'un discours «extrémiste» au sein de certaines mosquées, le ministre réfute l'accusation selon laquelle les lieux de prières aient été impliqués dans le recrutement des auteurs d'attentat suicide. D'après lui, le recrutement des kamikazes ne se fait pas à l'intérieur des mosquées, mais par l'entremise du «milieu de la drogue». Dans le même entretien, le ministre des Affaires religieuses affirme que l'Etat a pris des «mesures» pour reprendre aux salafistes notamment le contrôle des mosquées et surtout les mosselas (salle des prières non autorisée). Et en Algérie, il y a quelque 14 500 mosquées à surveiller de près.


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