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Véronique Tadjo (Ecrivaine ivoirienne) : L'être humain au final
Publié dans El Watan le 09 - 10 - 2008

Entretien réalisé à Gaborone, au Botswana
– Vous êtes de plus en plus présente dans le champ littéraire et médiatique, comment expliquez-vous ce succès ?
– Je ne sais pas s'il y a un engouement soudain, mais cela fait longtemps que j'écris. Mon premier ouvrage, Latérite, a été écrit en 1983. Je suis une grande voyageuse à l'intérieur de mon pays et j'ai été inspirée par ma découverte du nord de la Côte d'Ivoire et donc de la richesse culturelle de mon pays. C'est précisément cette découverte de l'intérieur du pays qui m'a rendue écrivaine et qui a été à l'origine de mon inspiration dans d'autres domaines, car je fais aussi de la peinture graphique. L'écriture vient de ces voyages, de tout cela. En tant qu'Abidjanaise, la capitale a été mon premier monde. Par la suite, j'ai découvert la forêt et la religion chrétienne, mais aussi la religion animiste. Puis, il y a eu la savane et ma découverte de la religion musulmane, la connaissance des Senoufos qui sont les premiers habitants de la région avec une culture très complexe, une grande spiritualité traditionnelle et un paysage économique très différent de celui que je connaissais. Il existe aussi dans mon pays une grande inégalité entre le Nord et le Sud avec ce que l'on peut appeler un dépouillement. Un fort contraste qui m'a bouleversée, mais aussi séduite.
– Ces contrastes ont donc suscité votre éveil culturel. A-t-il été aussi un éveil politique ?
– Absolument. Quelque part, je ne m'y attendais pas. Je pensais connaître mon pays. L'expérience que je vivais alors me suffisait. De plus, mes voyages en France, en Espagne et dans d'autres pays africains ont beaucoup
nourri mon regard et ma conscience.
– Qu'est-ce qui vous a poussée à mettre en mots ce vécu pour les enfants et les adultes ?
– En réalité, toute cette énergie mise dans l'écriture ne s'explique pas. D'où vient-elle ? Je ne le sais pas, j'aurais bien pu être photographe ou musicienne ! Mais je crois aussi que, comme beaucoup d'écrivains, ce sont les lectures qui m'ont amenée à l'écriture. Oui, c'est cela, j'ai été touchée par ce que j'ai lu à un moment important de ma vie, ce que l'on appelle les années d'apprentissage. En français, j'ai été marquée par Léopold Sédar Senghor, Jacques Prévert et aussi Frantz Fanon. Quand je regarde en arrière, c'est la poésie qui m'a formée et qui m'a émue le plus.
– A partir de ces inspirations juvéniles, quelle est aujourd'hui la problématique de vos écrits ?
– En fait, cela change avec les années et selon les ouvrages, parce que je me pose des questions qui aboutissent à des réflexions qui m'amènent à d'autres questions. On pourrait dire que mes thématiques relèvent des interconnections entre le privé et le public, l'individu et la société, le moi et le nous. Il y a aussi l'idée, l'essence du pouvoir. Au final, ce qui m'intéresse, c'est l'être humain.
– Vous avez participé au «Manifeste des 44» et vous l'avez signé…
– Ce sont 44 écrivains qui se sont mis ensemble pour récuser la notion de francophonie et mettre en avant celle de «littérature-monde», c'est-à-dire la littérature universelle. Cela étant dit, l'idée n'est pas que le monde devienne homogène. L'universalité, ce n'est pas cela. En fait, pour moi, l'écrivain ne doit pas perdre sa spécificité. L'universalité doit être construite sur la différence qui deviendra alors une richesse acceptée, partagée. Mais je n'en suis pas totalement convaincue, car je pense que l'on ne peut sauter vers l'universel sans passer par un approfondissement de l'identité.
– L'identité peut-elle passer par l'écriture francophone que vous pratiquez ?
– Bonne question ! C'est une identité possible quand on est francophone, mais pour moi, cela correspond à un certain communautarisme. On fait cette langue sienne, totalement. Cela étant dit, ce n'est pas judicieux de se fondre dans la littérature française. En fait, il ne faut surtout pas perdre sa spécificité africaine.
– Que représente pour vous l'idée de «francophonie » terminologie délicate pour diverses raisons, politiques, historiques, sociologiques ? Que peut-elle apporter à l'Afrique ?
– Comme vous le savez, en tant qu'africaniste, nous avons énormément de langues sur le continent et, à tord ou à raison, on n'a pas réussi à trouver une issue qui nous permet de communiquer à travers les frontières. C'est pour cela que le français joue ce rôle-là. C'est important pour moi d'aller au Bénin, en Algérie, au Maroc ou au Congo et de pouvoir y communiquer. Donc, je fonctionne dans ces pays de toute façon grâce au français. C'est un grand avantage, nous pouvons communiquer, échanger grâce au français.
– Certains écrivains africains ont proposé une lingua franca, autre que le français ou l'anglais du reste. Le Ghanéen Ayi Kwei Armah a proposé le kiswahili comme langue continentale. Quel est votre sentiment ?
– Oui, cela serait formidable …
– Mais je vous sens hésitante…
– Oui, car ce serait comme soulever une montagne ! Et de toutes les façons, il faudrait une volonté politique continentale !
– Les littératures africaines peuvent-elles jouer un rôle dans le changement des mentalités ?
– Oui, mais pour cela, il faudrait là revoir entièrement les politiques du livre en Afrique. Les ouvrages sont trop chers et mal distribués. S'ils ne circulent pas, les idées ne circuleront pas non plus. Pour avoir un impact sur les mentalités, ils doivent être lus, bien entendu. Un livre fermé est un livre qui n'existe pas. Il est indéniable que la littérature permet d'élargir le champ de vison des lecteurs. Elle ouvre des perspectives et nous aide à communiquer entre nous.
– Quels sont vos projets littéraires ?
– Je suis en plein dans l'écriture d'un roman, une sorte de saga familiale. A travers une famille, j'essaie de comprendre un pays africain, une histoire. Je vais d'ailleurs en fait faire une trilogie.
– Nous sommes au Botswana*, à côté du Zimbawe, ce pays est au cœur de l'actualité. Que pensez-vous des leaders, références des indépendances, mais qui s'accrochent de plus en plus au pouvoir. Est-ce une fatalité africaine ?
– Je ne crois pas que cela soit une fatalité de notre continent. Je me suis déjà posée la question. Vous connaissez le dicton : le pouvoir corrompt. Cela est très vrai ! Le gros problème, c'est le non-respect des Constitutions. Nos leaders «bricolent» les Constitutions, changent les règles constamment et surtout veulent imposer leur pouvoir. C'est dramatique. C'est aussi la faiblesse de la société civile. C'est le gros travail que nous avons à faire bien souvent. Ce serait le seul garde-fou. Je pense aussi que nous sommes trop marqués par notre histoire et que nous acceptons l'inacceptable du fait d'avoir été colonisés. C'est aussi aliénant quelque part.
– Comment percevez-vous l'avenir de la femme en Afrique ?
– Cela dépend de l'endroit où l'on se trouve. En Afrique du Nord, avec la montée de l'intégrisme, il y a un danger pour les progrès réalisés pour l'émancipation de la femme dans les années 70, comme en Algérie qui était un exemple dans le domaine. La femme algérienne était conquérante. Par contre, en Afrique subsaharienne, nous avons une femme présidente forte. En Afrique du Sud, le vice-président du pays est une femme. L'espoir est présent. Maintenant, ce n'est pas la quantité mais la qualité qui m'intéresse. Quel genre de pouvoir les femmes veulent-elles exercer ? Qu'apportent-elles de nouveau ? Ce sont des questions que l'on doit se poser. Pour moi, il est important que ce changement soit qualitatif et que les femmes n'imitent pas les hommes et ne se contentent pas d'être des agents du statut quo ! Surtout pas !
– Vous vivez en Afrique du Sud. Le concept «arc-en-ciel», proposé par Nelson Mandela, devient-il réalité ou reste-t-il un rêve ?
– Ah ! C'est un roman à écrire. C'est un pays fascinant qui devrait être une locomotive pour tout le continent, mais, en même temps, c'est un pays qui croule sous le poids de son histoire violente, celle de l'apartheid. Vous pensez bien que ce n'est pas en une génération que les Sud-Africains vont effacer les traumatismes de cette période. Les défis sont énormes et à la taille du pays. Rien n'est encore gagné, mais nous souhaitons vraiment que l'Afrique du Sud réussisse, car le continent a besoin d'une Afrique du Sud forte de toutes ses composantes. Pour avoir pu observer le pays, je crois qu'il connaît sa crise la plus profonde depuis son accession à la démocratie.
– Vous me parliez auparavant de l'Algérie des années 70 comme d'un véritable symbole pour tous les Africains. Selon vous, l'est-elle toujours ?
– Pour moi, c'est important, car j'ai traversé l'Algérie, j'ai fait la traversée du désert du Sahara et cela m'a vraiment marquée. En Algérie, je pense qu'il y a encore de grands défis. Des questions énormes se jouent dans ce pays africain et notamment l'équilibre qu'il faut trouver entre les forces opposées. Cette réussite ou non aura des conséquences certaines pour l'ensemble de l'Afrique. L'Afrique du Sud et l'Algérie sont en effet deux grandes forces en Afrique et il faut que ces deux pays réussissent leur démocratie.
Repères
Véronique Tadjo est née en 1955 à Paris, mais elle a grandi à Abidjan. Son enfance a été marquée par de nombreux voyages entrepris en compagnie de ses parents et de son frère. Son père, d'origine ivoirienne, a été un haut fonctionnaire; sa mère était peintre-sculptrice. Elle a beaucoup voyagé en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis et également en Amérique latine. Docteur en études afro-américaines, elle a enseigné pendant plusieurs années à l'université nationale de Côte d'Ivoire. Actuellement, elle est écrivaine et anime dans plusieurs pays des ateliers d'écriture et d'illustration de livres pour enfants. Après quelques années passées au Kenya, puis en Angleterre, elle vit actuellement en Afrique du Sud. Elle est l'auteure du remarqué L'ombre d'Imama, voyage au bout du Rawnda (2005).


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