Les agents installés derrière les guichets sont affairés à répondre aux sollicitations des administrés : délivrer des actes de naissance et apposer des signatures sur les documents légalisés. Ici, apparemment personne n'a répondu à l'appel de la grève initiée par le Conseil national du secteur des communes (CNSC) affilié au Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (Snapap). Dans la grande bâtisse abritant l'état civil de la commune de Sidi M'hamed, aucun signe de débrayage. Tous les guichets étaient fonctionnels. Un agent de l'APC préfère s'exprimer sous le couvert de l'anonymat : «Vous savez, explique-t-il, rien qu'en citant mon prénom, je risque de voir mon contrat de travail écourté, et sincèrement, ce sera un luxe que je ne peux pas me permettre : je travaille dans le cadre du filet social.» «Je n'ai pas le droit de participer à une grève, car si je le fais, l'administration n'hésitera pas à suspendre mon contrat sans aucun préavis», soutient notre interlocuteur. Une jeune femme qui attend depuis plus de deux ans sa confirmation dans le poste qu'elle occupe abonde dans le même sens. «Certes, notre niveau de vie est précaire et la plus grande partie de ces travailleurs que vous voyez ici sont convaincus de la légitimité des revendications brandies par le Snapap, mais voyez-vous, nous ne sommes pas protégés. Je risque de faire disparaître toutes les chances de me voir confirmer dans le poste que j'attends depuis des années», lâche-t-elle. Les fonctionnaires de cette APC gardent toujours en mémoire la suspension de plusieurs de leurs collègues après avoir participé à une action de protestation, fin avril dernier. «Je ne pense pas que la réglementation me protégera», estime un travailleur du secteur du bâtiment, employé par l'APC. «Même si les revendications sont légitimes, leurs initiateurs ne sont pas reconnus, et qui se souciera donc de mon devenir si je suis limogé ?» s'interroge l'ouvrier. Les fonctionnaires boudent-ils les appels à la grève par peur des représailles de leur hiérarchie ? La réponse semble affirmative dans les bureaux visités hier. Le statut précaire dans lequel sont confinés des milliers d'agents reste un obstacle devant leur droit à l'activité syndicale. Le Snapap a d'ailleurs qualifié la capitale «de cas exceptionnel». Selon les membres du CNSC, «les agents travaillant dans le cadre du filet social et les contractuels ont été obligés d'assurer le service», accuse le même syndicat qui a accusé les tentatives «d'instrumentalisation» menées par la tutelle en diffusant un communiqué dans lequel il est indiqué que toutes les préoccupations étaient prises en charge !