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«La crise syrienne échappe désormais aux Syriens»
Publié dans El Watan le 21 - 08 - 2012

– Que pouvez-vous dire sur la situation en Syrie, en ce moment ?

Le conflit en Syrie dure depuis 18 mois et nous n'y voyons pas une issue rapide. Les manifestations pacifiques contre le régime de Bachar Al Assad ont disparu du fait de la répression et de la militarisation de l'opposition. Nous sommes dans une guerre civile sanglante avec des tendances à la guerre civile communautaire dans des régions mixtes, comme à Homs, et plus généralement dans la périphérie du territoire alaouite. Le régime de Bachar Al Assad est encore solide malgré les défections dont il faut relativiser l'ampleur : 40 généraux de brigade sont passés à la rébellion sur un total de… 1200. La défection du Premier ministre, Ryad Hajab, fut un coup dur pour le régime sur le plan symbolique, mais il n'avait guère de pouvoir ni aucune base sociale dans le pays, comme la plupart des ministres. Elle prouve cependant que l'appareil bureaucratique est fragile, qu'il est miné de l'intérieur et que beaucoup de ses membres ont perdu espoir dans la capacité du régime à surmonter la crise. Le régime dispose d'un appareil militaire encore largement supérieur à celui de l'opposition qui lui a permis de reprendre Damas, Homs et dans les prochaines semaines Alep. Cependant, il ne peut se maintenir dans les campagnes et les petites villes autour d'Alep, de Hama, Deraa ou de Deir Ezzor, car la population lui est hostile. Il évite donc de disperser ses troupes, préférant les concentrer sur les grandes villes et les principaux axes de communication, en attendant des jours meilleurs. Sa stratégie de contre-insurrection marque le pas, notamment parce qu'il ne contrôle pas les frontières, ce qui permet à la rébellion de se ravitailler et d'utiliser les pays voisins comme base de repli.

– Qu'en est-il sur le plan international ?

Sur le plan international, le front anti-Bachar Al Assad ne s'est pas disloqué et continue d'appuyer la rébellion. L'Arabie Saoudite et le Qatar notamment mettent à la disposition de la rébellion des milliards de dollars. Le régime est protégé par le double veto russe et chinois ainsi que l'appui iranien. L'internationalisation de la crise syrienne complique sa résolution, car elle échappe désormais aux Syriens.

– Dans ce pays où vivent plusieurs confessions depuis 1500 ans, peut-il y avoir une guerre des communautés ?

On parle souvent d'une mosaïque communautaire à l'égard de la Syrie. Il est vrai que nous avons une dizaine de communautés chrétiennes (assyro-chaldéens, syriaques orthodoxes et catholiques, arméniens orthodoxes, catholiques et protestants, maronites, greques orthodoxes, greques catholiques, latins, protestantes), mais au total, ils ne représentent que 5% de la population syrienne. Diverses branches du chiisme sont présentes : les Alaouites (10%), les Druzes (3%), les Ismaéliens (1%) et les chiites duodécimains (0,5%).
Là encore, nous n'avons que 15% de la population. Les musulmans sunnites représentent 80% de la population syrienne. Certes, nous avons aussi des Kurdes (15%) et des Turkmènes (1%) parmi eux. Les Arabes sunnites représentent donc près des 2/3 de la population syrienne, ce qui doit nous faire relativiser cette idée de mosaïque communautaire, d'autant que les populations ne sont pas très mélangées sur le plan géographique.
A l'échelle des grandes villes, nous avons une mixité communautaire, mais tempérée à l'échelle des quartiers par une plus grande homogénéité communautaire.

– Se dirige-t-on vers une partition du pays ?

La structure du pouvoir, qui s'appuie en priorité sur la communauté alaouite, et l'organisation sociale très endogame, favorise la dérive vers un conflit communautaire. Il faut souligner que l'Armée syrienne libre (ASL) est composée quasi exclusivement d'Arabes sunnites (quelques Kurdes ont rejoint ses rangs, c'est pour cette raison que j'utilise le terme «quasi» et non parce qu'il y aurait des Alaouites ou des chrétiens). Depuis septembre 2011, les quartiers alaouites de Homs étaient sous le feu des rebelles de l'ASL qui opéraient depuis les quartiers sunnites limitrophes. Les assassinats communautaires se sont multipliés rapidement à Homs, mais aussi à Damas et Alep : chrétiens et Alaouites étant considérés comme partisans du régime par leur simple identité confessionnelle. Des sunnites ont été aussi assassinés par les rebelles, au motif qu'ils étaient fonctionnaires. Début août, 15 employés (6 Alaouites, 5 chrétiens et 4 sunnites) de la centrale électrique de Homs ont été abattus dans la résidence des employés par un commando de l'ASL.
Une guerre communautaire est donc possible. Des signes inquiétants dans la périphérie du territoire alaouite indiquent que sunnites et Alaouites se préparent à l'affrontement : les massacres de villageois sunnites à Houle et Mazraa Qoubeyr. Des dizaines de milliers d'Alaouites ont quitté Homs et Damas pour se réfugier dans leur village d'origine sur la côte, le réduit alaouite en cas de perte du pouvoir à Damas commence à devenir une option réaliste. Dans le nord-est du pays, les Kurdes ont pris possession de leur territoire avec l'aval du régime qui ne pouvait pas ouvrir un nouveau front. Mais pour constituer un territoire homogène et viable, les Kurdes devront forcément affronter des populations arabes et pratiquer une certaine épuration ethnique.
Le régime n'a pas intérêt à ce que la crise se transforme en guerre communautaire, car il ne peut s'appuyer dans ce cas que sur 20% de la population (les minorités non sunnites). En revanche, l'opposition armée et les pays qui les soutiennent utilisent l'islam sunnite pour se mobiliser contre le régime, car c'est le moyen le plus efficace pour en venir à bout. Les minorités et les laïques apparaîtront dans cette stratégie comme «les dégâts collatéraux».

– Les minorités syriennes, notamment les Syriaques ou Assyriens, les Druzes, ainsi que d'autres, seront-elles en danger si le régime d'Al Assad s'écroulait ?

A ce stade du conflit et en raison de la militarisation croissante de la crise qui s'accompagne d'exactions de part et d'autre, il est clair que les minorités confessionnelles sont en danger, avant même que le régime ne s'écroule. Les Alaouites seront les premières victimes du sentiment antichiite et de leur proximité avec le régime.
Mais ils disposent de leur réduit communautaire pour se mettre en sécurité, c'est également le cas des Druzes, moins liés au régime, mais tout aussi victimes de l'antichiisme croissant de la rébellion, eux aussi disposent d'un territoire défensif au sud-est de la Syrie (le jebel druze), limitrophe de la Jordanie.
En revanche, la situation des chrétiens est plus délicate, car ils sont dispersés sur l'ensemble du territoire syrien avec de fortes concentrations dans les grandes villes sunnites de l'intérieur. La hiérarchie chrétienne a pris fait et cause pour le régime, ce qui donne des arguments à l'opposition pour justifier les assassinats et les expulsions de chrétiens dans les zones qu'elle contrôle.
– Les mouvements islamistes sont-ils populaires en Syrie ?

Beaucoup d'analystes minorent le poids des mouvements islamistes en Syrie, arguant que les combattants salafistes ne sont pas très nombreux et que la société syrienne est plurielle. En fait, l'islam sunnite en Syrie est marqué par deux courants : le soufisme et le hanbalisme.
Le soufisme inspire la tolérance et explique pourquoi les autorités sunnites en Syrie sont conciliantes avec le régime. En revanche, la Syrie a donné naissance également à un islam radical inspiré par la présence de l'école hanbalite dont est issu le wahhabisme saoudien. Les Alaouites se souviennent des fatwas de l'imam Ibn Taymya, qui déclarait licite le fait de tuer les Alaouites : «Les sectateurs du sens caché.»
La société syrienne s'est fortement réislamisée depuis les années 1980 dans un sens radical. Les difficultés économiques, l'absence de perspectives pour la majorité des jeunes et l'influence saoudienne expliquent ce retour en force du religieux dans un Etat laïque qui n'a pas tenu ses promesses en matière de développement. Les Frères musulmans ont été éradiqués en tant qu'organisation dans les années 1980 et ce sont donc les courants salafistes qui ont progressé.

– Le Qatar et l'Arabie Saoudite jouent-ils véritablement un rôle, d'après vous, dans ce conflit ?

L'Arabie Saoudite joue un grand rôle à travers les ONG islamiques qui opèrent au Liban et en Jordanie. Certaines apportent une aide aux réfugiés, d'autres ne sont que des paravents pour soutenir les combattants islamiques.
Depuis mai 2008, lorsque le Hezbollah a pris Beyrouth-Ouest d'assaut au détriment des milices du Parti du futur de Saad Hariri, l'Arabie Saoudite a compris qu'elle devait s'appuyer sur une force plus solide pour faire barrage au Hezbollah et à l'Iran au Liban. Elle s'est mise à soutenir les groupes salafistes au Nord-Liban.
C'est précisément à partir de Tripoli, au Liban que sont rentrés les premiers combattants salafistes en Syrie et des armes destinées aux rebelles de Homs. Selon Le Figaro, l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie ont ouvert une base à proximité d'Adana pour entraîner les rebelles syriens et leur apporter une aide logistique. Les pays du Golfe ont également un fonds de plusieurs milliards de dollars destiné à susciter les défections au sein du régime syrien.
Cette aide ne concerne que les personnalités de premier plan : ambassadeurs, ministres, etc., dont il faut aussi mettre les familles en sécurité.

– Qu'en est-il des djihadistes qui activent en Syrie ? S'agit-il de mercenaires, de trafiquants, d'islamistes convaincus ou de terroristes d'Al Qaîda ?

Les djihadistes en Syrie viennent de divers horizons, vous pouvez trouver des anciens de Tchétchenie ou d'Irak, islamistes convaincus au départ mais devenus mercenaires aujourd'hui, des trafiquants qui se dissimulent derrière le bandeau noir des salafistes pour obtenir des subsides de la part des Saoudiens, et enfin des membres d'Al Qaîda qui répondent à l'appel d'Ayman Al Zawairi, venant abattre ce régime «impie» pour ensuite, tel Saladin, reprendre Jérusalem. Ils sont présents depuis le début de la crise et sont derrière les attentats meurtriers à Damas et Alep. Certes, ils sont minoritaires au sein des rebelles, mais ces «Rambo de l'islam» effectuent un fort prosélytisme parmi les jeunes combattants en mal d'idéal.

– Ce conflit va-t-il durer encore longtemps à votre avis ? Une intervention étrangère est-elle à écarter ?

Le régime peut tenir des mois, voire des années. Son territoire se rétrécit, car l'armée est concentrée dans les grandes villes et la défense des voix de communication.
Il lui reste 200 000 hommes dans l'armée régulière, des dizaines de milliers de supplétifs (chabiha) et d'agents des services de renseignement. Il n'est pas sûr du comportement des sunnites dans l'armée, c'est-à-dire plus de la moitié des effectifs, ce qui l'empêche de quadriller le territoire et de reprendre les frontières.
Mais l'ASL n'a pas été capable de prendre Damas ni de tenir Alep, qu'elle va devoir évacuer. Le conflit peut donc durer, car aucun des deux camps ne parvient à écraser l'autre et aucune négociation sérieuse ne se profile, la rébellion étant persuadée qu'elle va l'emporter par les armes.

– Une résolution politique du conflit est-elle encore possible ?

Sur le plan international, les deux camps ne sont pas parvenus à se mettre d'accord à Genève le 30 juin dernier. La Russie tient à conserver la Syrie et par conséquent soutient Bachar Al Assad, la clé de voûte du régime. Vladimir Poutine sait que si Bachar Al Assad quitte le pouvoir, son régime s'effondrera et le nouveau régime, dominé par les sunnites, se tournera vers l'Occident et les pays du Golfe.
La défaite du régime de Bachar Al Assad est peut-être inéluctable à terme, mais la Russie est bien décidée à ne pas faciliter la tâche à l'OTAN, tout comme l'Iran vis-à-vis des pétromonarchies du Golfe. Du fait de la campagne électorale aux Etats-Unis, Barak Obama est en position de faiblesse pour négocier sur la crise syrienne, il n'a pas intérêt non plus à une intensification du conflit qui l'obligerait à intervenir.
On s'achemine donc vers une poursuite des combats sous la forme actuelle au moins jusqu'au début de 2013, ensuite il est probable que le front anti-Bachar Al Assad va augmenter son soutien à la rébellion pour tenter de donner l'estocade courant 2013. Nous n'aurons pas d'intervention étrangère directe en revanche.
Une résolution politique du conflit est toujours possible, mais elle se ferait actuellement à l'avantage du régime de Bachar Al Assad, de la Russie et de l'Iran, il n'en est donc pas question.


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