Le roi d'Espagne, Juan Carlos, a décidé d'abdiquer au profit de son fils, le prince Felipe. A 76 ans, dont 38 à la tête du royaume d'Espagne, Juan Carlos a surpris ses sujets en annonçant sa décision souveraine de transmettre sa couronne qu'il porte depuis 1975. Le désormais ex-roi d'Espagne n'est ni rongé par la maladie, ni alité, ni même poussé à la sortie par une quelconque fronde populaire. C'est un renoncement volontaire dicté par son souci d'injecter du sang neuf à la tête de son pays en confiant les rênes à son fils, prince des Asturies, âgé de 46 ans, et surtout bardé de diplômes. C'est une belle leçon de morale politique et du sens aigu des responsabilités. Juan Carlos, qui a bâti son trône sur les décombres de la dictature de Francisco Franco, a senti que le moment est venu de laisser sa place nette avec ce sentiment du devoir accompli. Pour la postérité, il restera une figure légendaire de la transition démocratique et du progrès économique. Il incarnera pour ses sujets le monarque qui a mis sa couronne au service de la démocratie et du progrès social et économique de son pays. Et ce ne sont pas ces petites histoires de réserve de chasse à l'éléphant au Botswana ou encore les sous et les dessous de sa fille cadette Critstina qui vont ternir cette image du roi populaire et simple qu'a été Don Juan. Les Espagnols garderont une seule image : celle du jeune roi en uniforme militaire ordonnant, dans un message télévisé le 23 février 1981, aux officiers putschistes de la Garde civile qui occupaient alors le Parlement de rentrer dans leurs casernes. Ce jour-là, tous les Espagnols avaient compris que ce roi-là n'était pas un malade du pouvoir. Qu'il était le sauveur qui allait enterrer la dictature franquiste et faire entrer son pays dans la démocratie. La grandeur d'un homme se mesure à l'aune de ses réalisations. En l'occurrence, Juan Carlos, qui fait partie des chefs d'Etat du passé, a pris la sage décision –en étant en possession de tous ses moyens – de se retirer pour ne pas être à contresens de l'histoire. Il a fait l'exact contraire de Abdelaziz Bouteflika, son aîné d'une année qui, gravement affaibli par la maladie et sur un fauteuil roulant, garde son «trône» contre vents et marées. Difficile de résister à la tentation de la comparaison en ce début d'un 4e mandat de trop. Il y a, d'un côté, l'acte majestueux de Juan Carlos et, de l'autre, un acte manqué de «Fakhamatouhou» (Son Excellence), Abdelaziz Bouteflika. Son voisin d'Espagne lui a donné une belle leçon d'exemplarité. C'est tout le paradoxe d'une monarchie espagnole résolument républicaine et une République algérienne abusivement monarchiste.