L'instance de concertation et de suivi de l'opposition, qui réunit en son sein le Pôle des forces pour le changement et la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique, en plus d'autres personnalités, à l'instar de Ali Yahia Abdennour, Karim Tabbou, fondateur de l'Union des forces démocratiques, un parti non agréé, Abdelaziz Rahabi et des représentants de la société civile, ont fait un tout autre agenda, élargissement de l'ICSO, situation politique du pays, notamment la lettre du Président, mais les événements tragiques de Ghardaïa, ont chamboulé l'ordre du jour. Le président du parti Talaï El Houryet, Ali Benflis, propose que la rencontre se limite au sujet qui domine l'actualité de ces derniers jour, à savoir la tragédie de la vallée du M'zab. Ce qui fut accepté par l'assistance. C'est Salah Dabouz de la Ligue algérienne des droits de l'homme qui a été invité à parler de la situation à Ghardaïa depuis le 5 juillet dernier. L'intervenant a mis en évidence la gravité de la situation dans la région. Il y a eu, selon lui, utilisation de fusils de chasse et d'autres armes à feu aussi bien à El Guerrara, Berriane qu'à Ghardaïa. Plus grave encore, dit-il, il y a eu le refus des services de sécurité d'intervenir. M. Dabouz indique qu'il y a eu «de faux barrages sur toutes les routes menant à El Guerrara». Pour le responsable de la Ligue algérienne des droits de l'homme, «le pouvoir est responsable de cette situation». L'orateur demande une commission d'enquête indépendante pour savoir «qui a donné l'ordre pour que les services de sécurité n'interviennent pas». Pour Ali Benflis, ce qui se passe à Ghardaïa «n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein». «Tout le monde savait que la situation dans la région est dangereuse et qu'elle appelait une solution d'une extrême urgence», dit-il, avant de souligner «l'absence des institutions de l'Etat». «Je n'ai pas envie d'apparaître comme quelqu'un qui lie tout à la vacance du pouvoir, mais la réalité est là, soutient l'ancien chef de gouvernement, qui s'interroge : est-il concevable devant une crise d'une telle ampleur que le dépositaire de la fonction présidentielle ne prenne aucune initiative qui puisse rassurer le peuple ?» Ali Benflis pense que «la tragédie de Ghardaïa est née de la crise de légitimité du pouvoir». «Dans l'absolu, précise-t-il, nous avons une Présidence, un gouvernement, un Parlement avec ses deux Chambres, mais aucune de ces institutions ne fonctionne.» A propos de la réunion d'urgence et du communiqué qui l'a sanctionnée, Ali Benflis affirme que «les mesures prises et la manière dont cela a été fait sont, encore une fois, la preuve de carence et un aveu d'impuissance». L'intervention du militant des droits de l'homme, Ali Yahia Abdennour, a porté sur la volonté de Abdelaziz Bouteflika, qui contrôle le pouvoir, d'aller au terme de son mandat mais aussi sur la nécessité de placer l'Instance de concertation et de suivi de l'opposition dans une dynamique d'actions menées à la fois avec sagesse, dignité et détermination. Abderrezak Makri, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui venait de rencontrer le directeur de cabinet du président Bouteflika, Ahmed Ouyahia, met lui aussi en exergue la gravité de la situation dans la vallée du M'zab et surtout sa complexité admise même par le revenant secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND). «Il ne faut pas commettre l'erreur de nier que ce qui se passe à Ghardaïa n'est pas un conflit confessionnel entre ibadites et malékites», affirme l'intervenant, qui soutient que malgré tous les efforts pour les ramener au dialogue, «les deux communautés refusent de se rencontrer». «Il y a certainement des bonnes volonté des deux côtés», dit Abderrezak Makri, «mais il existe également des extrémistes qui font échouer toute tentative de rapprochement», regrette-t-il. Karim Tabbou de l'UFD pense lui qu'il y a des choses essentielles sur lesquelles l'opposition doit s'attarder, des choses aussi importantes, dit-il, que ce qui se passe à Ghardaïa. A ce titre, l'orateur parle de l'ingérence du président français, François Hollande, qui renseigne les Algériens sur l'état de santé du chef de l'Etat et la missive du chef d'état-major au responsable d'un parti politique. Tabbou souligne, en effet, que le danger pour l'Algérie c'est le pouvoir. La réunion de l'ICSO a été sanctionnée par un communiqué final, qui responsabilise le pouvoir dans ce qui s'est passé à Ghardaïa. L'opposition, qui appelle la population de la vallée du M'zab «à la vigilance et à la cohabitation», indique que «l'Etat qui n'a pas pu évaluer la gravité de la situation a dérogé à son devoir constitutionnel de protéger les biens et les personnes». L'ICSO considère qu'elle est «en deuil national même si l'Etat ne l'a pas décrété».