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Le précurseur de la modernité et de l'émancipation
Publié dans El Watan le 02 - 02 - 2016

La Kabylie lui doit presque tout en termes de musique et de chant, et ce n'est certes pas Kateb Yacine qui considérait «la guitare comme le fusil des Kabyles» qui en disconviendrait puisque cette célèbre boutade était adressée à un pur produit de l'école «Kheddam»… Parti à jamais au terme d'un combat homérique contre la maladie, Cherif Kheddam sera, à juste titre, célébré par des hommages et des louanges recherchés, amplement mérités et parfois intéressés, où chacun tentera, en filigrane, d'en tirer, en vain, quelques dividendes de l'émotion populaire provoquée par sa disparition ; comme c'est le cas des officiels qui n'hésitent pas à se soigner, en puisant dans l'argent public, dans les plus grands hôpitaux de l'Occident mais qui font semblant d'ignorer que le maestro a dû quitter son pays pour pouvoir se soigner modestement à Paris. Il en est de même pour certains politiques qui l'ont royalement ignoré durant ces dernières années et qui n'ont pas hésité (ils ne s'encombreront certainement pas de scrupules pour le faire encore) d'évoquer déjà des «amitiés» hypothétiques et/ou révolues avec le titan de la musique savante que fut Cherif Kheddam dont l'aurore de sa vie ne présageait aucunement un midi et un crépuscule aussi paradoxaux !
En fils d'un père marabout, il fut, comme le voulait la tradition, envoyé dans une zaouïa où il passa l'essentiel de son enfance et de sa jeunesse à suivre son cours coranique. Promis ainsi à devenir imam, le jeune Cherif rompt aussitôt le lien avec la religion (certains, par conformisme au politiquement correct, parlent de rupture avec les traditions) et, à une époque où ce n'était guère évident, se tourne vers la musique et la poésie.
Cette rébellion le portera à désirer l'excellence tant et si bien que refusant la médiocrité, la mégalomanie et le narcissisme qui définissent le mieux les pousseurs de chansonnettes, surtout ceux d'aujourd'hui, il s'inscrit, parallèlement au travail dans une fonderie, puis dans une entreprise de peinture, au cours de solfège où il apprenait les bases de la musique universelle.
Cette révolution mentale dans l'approche de la musique et du chant qui étaient jusque-là confinés dans les limites du folklore et de l'approximation, fera de Cherif Kheddam le père spirituel de la modernisation de la musique kabyle et de la mutation textuelle qui portera la chanson kabyle à s'ouvrir à une thématique bariolée, assumant petit à petit son affranchissement du carcan traditionnel pour s'attaquer à tout ce qui était, jusque-là, frappé du sceau de l'impudeur et de la non-conformité aux rudes mœurs introduites dans la société kabyle par des siècles de présence de la pensée islamique rigoureuse dans un climat de précarité extrême et d'analphabétisme. La chanson kabyle se hissera grâce à lui au statut de l'universalité et, d'une manière subtile et parfois frontale, fera sienne la contestation liée à la revendication identitaire et, par voie de conséquence, à toutes les causes justes ; ce qui produira, quelques années plus tard, un formidable foisonnement d'auteurs de la chanson engagée qui, chacun à sa manière, aura contribué à donner à la poésie et à la chanson kabyles leur époque de gloire et leurs lettres de noblesse !
Sa première chanson pour cet «imam qu'il a refusé de devenir» n'était-elle pas A yellis n tmurt iw (Fille de mon pays) ; un signe précurseur d'un esprit en avance sur son époque, une époque qui fit de la femme l'incarnation même du péché du fait d'une société entretenue, durant des siècles, dans un quasi illettrisme qui avait produit, à terme, une société qui avait totalement sombré dans un système rigoureux où la religion s'imbriquait intimement dans les traditions, bien que ces dernières, sur certains aspects de la vie, avaient toujours encadré la pensée religieuse. Cette spécificité kabyle aura évité à la société de subir le contraire qui l'aurait totalement défigurée culturellement et sociétalement. A yellis n tmurt iw, chanté en 1955, était donc un prélude à une carrière magistrale vouée, entre autres, à l'adoration de la femme et à sa liberté.
En effet et pour le moins que l'on puisse dire, à une période et à une époque traversée par les troubles et en proie au doute, à la peur et aux fantasmes d'une indépendance qu'on sentait, à la fois, imminente et incertaine, le maestro «révolutionnaire» produisit, en 1961, Lehjav n therrit (Le voile de la femme libre) ; un véritable pamphlet contre l'ordre religieux qui aurait pu provoquer un scandale, mais qui passa quasi inaperçu du fait, sûrement, de ce considérable écart entre l'artiste visionnaire et une société à la fois analphabète et baignant dans des traditions millénaires plus ou moins séculières.
Dans ce texte, il interpellait déjà les consciences sur l'inutilité du voile et de tous ses dérivés ; la femme, chantait-il, étant un être à part entière et que le XXe siècle se méritait par l'instauration de l'égalité et de ses corollaires que sont l'école, la formation, l'information qui sont les seuls garants d'une respectabilité authentique de la femme ! Cette thématique liée à la femme et à son adoration fut portée à son apogée dans Lemri (Miroir) ; un somptueux hymne à l'amour et à la beauté féminine.
Cherif Kheddam était un Homme-Artiste compact tant sa dimension humaine est intrinsèquement liée à son art sur lequel le temps et ses vicissitudes n'avaient nulle emprise tant et si bien que sa longévité qui a conjugué, en permanence et avec finesse, l'excellence et l'intemporalité, constitue une référence unique du genre et la Voie artistique par excellence. Comment, dès lors, pourrait-on dire ce qu'on éprouve vraiment suite à l'extinction d'un astre, au départ d'un poète, à la fin d'une majestueuse symphonie et au maestro et peintre impressionniste du verbe et de sa Kabylie qu'était Cherif Kheddam et qu'il restera à jamais ? Tout et tous les mots semblent dérisoires, tous les superlatifs ne suffiraient point pour dire la stature de l'homme… Un titan, encore un, s'en va à la veille du 56e anniversaire de la naissance d'un autre monstre sacré, Matoub, disparu il y a déjà 14 ans, mais, en définitive, un titan ne disparaît que pour entrer de plain-pied dans l'immortalité. Au revoir Maestro et Merci !

(*) Ecrivain, poète, journaliste


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