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Les enfants d'immigrés ont eu une cassure avec leurs origines
Publié dans El Watan le 08 - 04 - 2016


– D'où venez-vous ?
Je suis savoyard. J'ai fait sport-études de montagne. Mon père, algérien, ouvrier, a bossé à la mine en arrivant d'Algérie. Il ne savait ni lire ni écrire, du coup jusqu'à sa retraite, il a fait les 3×8 tout en bossant dans des usines d'aluminium. Ma mère, française, institutrice, travaillait avec des enfants en difficulté. Les deux étaient politiquement très engagés. Mon père travaillait au sein de l'Amicale des Algériens en Europe et ma mère, au sein du parti communiste et de la CGT.
– Avez-vous été confronté au terme «intégration» dans votre jeunesse ?
Dans mon film, un moment, le père de Samir lui dit : «Je ne me suis pas battu pour des conneries d'intégration mais pour que tu aies le choix». Mes parents souhaitaient ce cas de figure pour leurs enfants et ont toujours eu confiance en l'école de la République. De ce fait, ils ont tout fait pour que nous réussissions à l'école. Autant que je m'en souvienne, mes frères et moi avons toujours été les premiers de la classe. Moi, du CP à la terminale. Après, je suis allé en prépa. J'ai fait l'ESEC.
Et c'est après ce cursus que je me suis posé la question de ce que je voulais vraiment faire dans la vie. Après mon école de commerce, j'ai fait un MBA au Canada sur le management dans les entreprises des arts et des médias. J'aurais pu bosser pour l'Union européenne ou gérer un théâtre. C'est durant cette période que j'ai rencontré une dramaturge avec qui on a longuement conversé. Et lorsque je suis rentré en France, je me suis inscrit à un cours de théâtre.
J'avais 24 ans. Je commençais le second millénaire avec cet objectif. J'ai beaucoup bossé, je suis devenu comédien et j'ai exercé ce métier pendant douze ans. Puis en 2006, après que l'on m'ait suggéré d'écrire des scénarios, je gagne le premier prix au Festival des scénaristes. Je rencontre un gars qui allait devenir mon producteur. Je réalise un premier court, puis un second, puis le troisième, Brûleurs et ensuite, le long.
– Dans votre enfance, vous étiez sensible au cinéma ?
Je ne me suis jamais posé la question de ce que je voulais faire dans le cinéma. Je n'ai jamais imaginé un plan de carrière. Quand j'étais gosse, jamais je ne regardais à foison des films, des Rohmer, Truffaut en criant que le cinéma est plus important que la vie. Chez moi, il n'y avait pas trop de «gestes artistiques». Je me souviens de CD de Barbara, Ferrat, Brel, de chanteurs engagés.
Il y avait aussi des bouquins politiques, des bio sur Mandela, etc. Je me souviens à l'école, d'un exposé sur la figure du héros. Tous avaient choisi Michel Platini. Moi ? Nelson Mandela. A 11 ans, je connaissais Desmond Tutu, le rôle des Noirs en Amérique, je me souviens aussi des fêtes du parti communiste. Il n'y avait pas trop de cinéma à la maison.
Mon père regardait souvent des comédies musicales égyptiennes ou quelques films de l'Inspecteur Tahar, mais sinon à part ça, je ne me souviens pas d'un rapport direct avec des figures artistiques qui m'auraient influencé. Par contre, je me souviens des émissions de Michel Polac, des discussions de ma mère, de mon père qui organisait des grèves, des Algériens venant chez moi, car mon père travaillait dans cette Amicale. J'ai vécu dans un milieu d'engagement.
– Quelle est votre approche dans la conception de faire un film ?
Avant toute chose, raconter des histoires. Avec Good Luck, Algéria, on m'a reproché de valoriser l'histoire au détriment de la mise en scène, des mouvements de caméra… mais quand Ken Loach, par exemple, fait un film, et il le fait bien, c'est surtout au niveau de l'histoire, de ses personnages. Je ne vois pas chez lui, et ça n'est pas un reproche, des mouvements sophistiqués de caméra. Moi, je veux créer un contact direct entre le héros de mon film et les spectateurs.
Je viens du théâtre, et je veux absolument retrouver la sensation du théâtre, d'être proche des spectateurs. Dans mes films, il n'y a pas de «méchants», non pas que je pense vivre dans un pays de Bisounours, mais parce que je recherche la complexité des rapports humains ailleurs que dans la confrontation entre le bien et le mal.
– Et votre rapport à l'Algérie ?
La première fois que j'y ai mis les pieds, j'avais 6 mois. Vous imaginez bien que je n'en ai aucun souvenir. Jusqu'à mes 12 ans, on y allait un an sur deux. L'Algérie pour moi, c'était les vacances. C'était la campagne de M'Sila. Je jouais dans la rivière, je chassais les pigeons, je m'amusais avec mes cousins.
A partir de 1988 et jusqu'en 2003, je n'y suis pas retourné pour les raisons que vous devinez. Mon père a continué d'y aller tous les ans. Ma mère un peu moins. Mais je me souviens bien de 1988. On suivait avec mes parents. Je comprenais tout ce qui se passait. L'Algérie était très présente malgré qu'on n'y aille plus. Il y a une chose que l'on ne dit pas assez. Autant les Algériens ont vécu quelque chose d'innommable, autant les enfants d'immigrés ont eu une cassure avec leurs origines. Les deux sont problématiques à des degrés divers.
Aujourd'hui, on peut nous reprocher de ne pas parler l'arabe, de ne pas être assez Algérien, mais malheureusement, cette rupture a causé pas mal de torts. Quand je suis retourné en 2003, c'était délibéré. Et ce qui était fou et que j'ai essayé de retranscrire dans mon film. C'est que j'avais eu l'impression d'avoir quitté ma famille de là-bas depuis seulement deux heures, alors que je ne les avais pas vu depuis quinze ans. Ils ne comprenaient pas que je reste quelques jours. Ils ne comprenaient que je ne sois pas venu avec ma femme, avec les enfants. Par contre, ils comprenaient notre absence depuis 1988.
D'ailleurs, jamais nous n'avons parlé de ça. C'était logique, cohérent et acquis. Il y a toujours eu un lien de sang assez fort. Après ça n'empêche pas qu'il y ait des conflits autour des terrains. Je le montre dans mon film, car ça existe malheureusement. D'un côté, il y a ceux qui y vivent, de l'autre, ceux qui repartent en France. A qui appartient la terre ? A celui qui la travaille ou à celui qui en est propriétaire ? Ça peut créer des malentendus.
– Vous vouliez travailler là-bas ?
Oui, et d'ailleurs j'y suis retourné pratiquement tous les ans. J'ai l'impression d'avoir un rapport à ce pays pacifié dans le sens où j'apporte quelque chose en filmant des histoires qui ont un pont entre les deux rives, en allant présenter mes films dans des festivals, en croisant et discutant avec d'autres réalisateurs, en (re)découvrant la culture et surtout les villes. Je découvrais une autre Algérie et ça me passionne. J'essaie de retrouver l'authenticité algérienne dans mes films.
Je dois faire des efforts. Malheureusement, pour Good Luck, Algeria, j'ai dû tourner des séquences au Maroc, car à l'époque, il y avait eu l'assassinat d'Hervé Gourdel en septembre 2014. Il n'y a eu qu'une seule journée de tournage à Alger. Mais habituellement, les conditions de tournage sont intéressantes. Je me souviens qu'avec mon dernier court, Brûleurs, j'avais passé des instants inoubliables.
– Avant de passer au long métrage, vous avez réalisé quatre courts métrages. Qu'avez-vous appris ?
J'ai appris sur le tas. C'est là que je me suis rendu compte des aspects techniques, c'est là que j'ai constaté que j'étais le chef d'orchestre, c'est là aussi que j'ai su ce que je voulais faire. L'énergie du film dépend de l'énergie du réalisateur. Mon boulot est de faire attention à la précision des dialogues, de bosser avec les comédiens, non pas à travailler sur tel mouvement, tel message, telle mise en scène, je ne suis pas dans le côté «cérébral» de la chose et puis je n'ai pas les connaissances.
Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que je dois montrer au spectateur afin qu'il ait son point de vue. Par exemple dans Good Luck Algéria, j'ai beaucoup réfléchi à la position du héros face au spectateur, beaucoup travaillé sur mon personnage, sur le son avec son souffle. Je ne me pose pas trop de questions de forme, mais plutôt de rapport en permanence entre le spectateur et ce qui se trouve à l'écran.
– Ne craignez-vous pas qu'on catalogue votre film en tant qu'énième œuvre sur les communautés, etc. ?
Je n'ai pas vu beaucoup de films sur les binationaux, de manière profonde. Mon film parle des invisibles, de ces gens que l'on ne voit pas dans nos médias, alors qu'ils sont majoritaires dans notre société. Je ne voulais pas faire un film qui aurait pu être réalisé dans les années 1970 ou 80, des films qui rassurent les spectateurs. J'ai envie de parler de choses liées à notre époque. Des choses qui nous parlent. Mes personnages ne sont pas dans la revendication.
Ils vivent. Ils ont leurs habitudes. Ils sont parfois en désaccord avec certains aspects. Mais ils vivent. Que l'on voit un Franco-Algérien prénommé Samir, qui réalise des skis en inscrivant «100 % qualité française», c'est parce que cette accroche dans le milieu du ski est une garantie de qualité. Le spectateur comprend tout cela. Il comprend des choses que j'installe furtivement. Je ne veux pas que ces détails deviennent lourdauds dans mes films. Ces choses-là sont ancrées dans notre quotidien. Dans notre réalité. Je ne veux pas en faire des choses extraordinaires. Juste montrer l'ordinaire. Je crois fermement en l'intelligence du spectateur.


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