L'autorité électorale française a mis hier en garde contre la rediffusion des milliers de documents de la campagne du centriste Emmanuel Macron, piratés et mis en ligne sur internet, à la veille du second tour de la présidentielle qui l'oppose à la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen. Cet ultime rebondissement, survenu dans les dernières heures d'une campagne officielle de l'entre-deux tours sous haute tension, a aussitôt été qualifié de «déstabilisation» par l'ancien ministre de l'Economie. Ces fichiers piratés sont des courriels ou des «documents comptables», tous «légaux», mais auxquels sont joints «nombre de faux documents, afin de semer le doute et la désinformation», selon le mouvement En Marche ! d'Emmanuel Macron, pour qui l'opération «relève manifestement de la déstabilisation démocratique, comme cela s'est déjà vu aux Etats-Unis pendant la dernière campagne présidentielle». Après enquête sur le piratage qui avait visé l'équipe d'Hillary Clinton, la candidate démocrate à la présidentielle américaine de 2016, les agences de renseignement américaines avaient accusé la Russie d'avoir interféré dans la présidentielle des Etats-Unis afin de favoriser le candidat républicain, Donald Trump, élu le 8 novembre. La commission nationale de contrôle de la campagne présidentielle, qui s'est réunie hier matin, a recommandé aux médias de «faire preuve d'esprit de responsabilité et de ne pas relayer ces contenus, afin de ne pas altérer la sincérité du scrutin». «La diffusion ou la rediffusion de telles données, obtenues frauduleusement, et auxquelles ont pu, selon toute vraisemblance, être mêlées de fausses informations, est susceptible de recevoir une qualification pénale», a-t-elle souligné dans un communiqué. Dès leur diffusion, via Twitter, ces documents piratés ont été relayés par l'extrême droite. «Les îMacronleaks apprendront-ils des choses que le journalisme d'investigation a délibérément tues ? Effrayant, ce naufrage démocratique», a lancé le bras droit de Marine Le Pen, Florian Philippot. Il y a «des dizaines de milliers d'emails, de photos et de pièces jointes, datant du 24 avril au plus tard» (le lendemain du premier tour de la présidentielle), selon WikiLeaks. Le site fondé par Julian Assange, qui a relayé sur son compte Twitter le lien hypertexte menant à ces documents, a assuré ne pas être à l'origine de cette opération de piratage. En mars, En Marche ! avait été la cible de tentatives de hameçonnage («phishing»), attribuées à un groupe russe, selon l'entreprise japonaise de cybersécurité Trend Micro. Ce piratage pourrait-il avoir une incidence sur le vote des électeurs français aujourd'hui ? Dans les derniers sondages publiés vendredi, avant la clôture de la campagne officielle, Emmanuel Macron était encore largement en tête, avec 61,5 à 63% des voix, contre 37 à 38,5% pour Marine Le Pen. A deux jours du vote, la participation potentielle reste cependant relativement faible : seules 68% des personnes interrogées se disent certaines d'aller voter.