Algérie/Jordanie: inauguration d'une usine de production de médicaments injectables de "Hikma Pharma Algérie"    Para-athlétisme/GP de Tunis: 11 médailles pour l'Algérie, dont 4 en or et un record mondial signé Berrahal    BAC 2025: Le ministère de l'Education nationale exprime sa gratitude aux différents secteurs pour leur prise en charge des candidats hors des centres d'examen    Hydrocarbures: annonce des résultats préliminaires de l'appel à concurrence Algeria Bid Round 2024    Large participation au salon des arts plastiques pour enfant    L'ANS souligne le rôle des médias dans la sensibilisation à l'importance du don de sang    Iran: Téhéran déterminé à poursuivre sans relâche sa riposte face aux agressions sionistes    Accidents de la route : 50 morts et 1836 blessés en une semaine    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie au Koweït    Ouverture à Alger de l'exposition collective "Héritiers de la lumière"    Relizane : le Moudjahid Abed Salmi inhumé à Mazouna    Palestine occupée : plus de 16000 étudiants tombés en martyrs depuis le 7 octobre 2023    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 55.493 martyrs    Commerce extérieur : le ministère appelle les sociétés d'importation à fournir une liste de documents avant le 31 juillet    La télévision d'Etat annonce une nouvelle salve de missiles contre l'entité sioniste    La DG de la Communication dément la tenue de toute entrevue médiatique entre le Président de la République et des organes de presse étrangers    L'USMA stoppe l'hémorragie, l'USMK enchaîne    Gattuso devient l'improbable homme providentiel    Quels impacts le classement du GAFI (Groupe d'action financière) sur la liste grise et noire dans la lutte contre la corruption ?    « Lorsque l'intérêt d'Israël est en jeu, l'Amérique oublie tous ses principes »    Le site nucléaire iranien de Natanz subit des dommages superficiels    La première journée des épreuves marquée par une bonne organisation dans les wilayas de l'Est du pays    La technologie Oled décryptée pour les journalistes algériens    Vers une régulation moderne des importations et exportations    Entre modernité et modalités d'accession et de relégation    Une date célébrée à travers plusieurs wilayas de l'est du pays    APN: les textes adoptés renforcent l'assise législative et institutionnelle de secteurs stratégiques    Futsal: dernier module de la formation fédérale du 28 juin au 2 juillet à Tipasa    Foot/CAN féminine 2024 (décalée à 2025) : début du stage des Algériennes à Oran    C'est parti !    Ghaghaa, la fontaine oubliée... ou l'art d'assoiffer la mémoire    Les lauréats de l'édition 2025 couronnés    Des chercheurs ont créé un outil pour repérer les ouvrages toxiques    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    L'Algérie est en mesure de relever toute sorte de défis !    Une série d'accords signés entre l'Algérie et le Rwanda    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Loin des villes, la double peine
Cancer du sein
Publié dans El Watan le 26 - 03 - 2010

Chaque année en Algérie, 5000 à 7000 femmes découvrent qu'elles sont atteintes d'un cancer du sein. Au-delà de la détresse et du traitement, lourd, la plupart des patientes de l'intérieur du pays doivent trouver un endroit où dormir et de quoi manger. Une quête qui tourne au calvaire.
« Je suis là depuis deux semaines et je vais rester encore une autre dizaine de jours, car les séances de radiothérapie se font à quelques jours d'intervalle. » Vêtue d'un jogging bleu cachant mal sa maigreur, Khada, 32 ans, est atteinte d'un cancer du sein. Hospitalisée à l'hôpital d'Oran, elle vient de la wilaya de Tiaret. Pas question pour elle de faire des allers et retours. Divorcée et deux filles à charge, elle n'a presque personne pour lui assurer le transport. Elle a même passé la fête de l'Aïd El Adha à l'hôpital. « Je me sentirais comme un fardeau pour mes frères si je leur demandais de venir me chercher pour une telle occasion qui nécessite des dépenses énormes. » Plus que les séances de chimiothérapie ou de radiothérapie, devenues presque banales pour les patientes que nous avons rencontrées à l'hôpital, l'hébergement et la restauration leur posent un vrai problème, parfois insoluble. Où passer la nuit en attendant la séance du lendemain ? L'intérieur du service de maternité, qui héberge les malades, ressemble à un centre de refuge au lendemain d'un tremblement de terre. Les patientes sont assises par terre. Pas moyen de leur trouver un lit. Elles se débrouillent, tant bien que mal, pour laver et arranger leur linge et faire la vaisselle. Aujourd'hui en Algérie, 30% des cas de cancer féminin sont des cancers du sein. 7000 femmes sont atteintes tous les ans par cette pathologie. Pour autant, elles ne parlent pas de leur maladie mais plutôt de leur mal vie. Comme un cri de détresse.
Rechute
Pour ramener Khada chez elle à Tiaret au douar de Aïn D'hab, il faudrait débourser plus de 2000 DA ! Quand elle venait seulement pour un contrôle, ses frères dépensaient pour elle 4000 DA, ce qui l'embarrassait. « Ils ne sont pas obligés de supporter tous ces frais supplémentaires. C'est moi qui suis malade, eux ont déjà leurs enfants à prendre en charge. La femme, une fois mariée, n'a plus les mêmes droits auprès de ses frères », confie-t-elle, la voix étranglée par les larmes. Très faible, elle nous raconte son combat quotidien contre la maladie. Elle est pourtant une des plus chanceuses du service maternité où elle dispose d'un lit et un matelas confortable. « Dieu merci, je suis bien ici, ça me coûte moins cher. Je me lève très tôt pour que ma carte de rendez-vous en radiothérapie soit parmi les premières. Je me programme alors de façon à revenir dans le service avant 13h, l'heure de déjeuner. Sinon je reste sans manger. » Au bord des larmes, Malika, 40 ans, maman de deux garçons, ne trouve plus sa place dans cet hôpital. Après une rechute, Malika n'arrive pas à décrocher un rendez-vous chez le médecin. Elle ne sait même pas si elle doit subir une autre intervention ou non. Personne n'est la pour lui expliquer ce qu'elle risque réellement. Elle a le sentiment de ne pas être acceptée dans le service de sénologie ou d'oncologie. La cause ? Lors de sa première intervention, elle a opté pour le privé. « Je n'ai plus d'argent. Mon mari est actuellement au chômage, et je ne sais pas où trouver les huit millions de centimes dont j'ai besoin pour une opération chez le privé », dit-elle, en fermant nerveusement les yeux, pour refouler ses larmes. Toute la journée, elle reste dans l'escalier du service dans l'espoir de convaincre l'un des infirmiers de la laisser entrer chez le médecin. Au fil des heures, lasse, elle quitte les lieux en pleurant. « Je n'ai plus le courage de me battre. Ma maladie d'une part et tous ces gens qui font la sourde oreille, d'autre part. Maintenant, je rentre chez moi en attendant des jours meilleurs », témoigne t-elle.
Inhumaine
Plus courageuse que Malika, Fatima, 29 ans, vient du village de Zaâmia, à Mostaganem. Chagrinée et abattue par sa maladie, elle reste clouée dans cet hôpital depuis… 2004. Elle mène un combat depuis des années juste pour continuer son traitement à l'hôpital d'Oran. Son histoire est dramatique puisqu'elle a dû choisir entre son traitement et son foyer. Sa belle-mère ne voulait plus d'elle parce qu'elle a le cancer du sein. Fatima ne répondait pas aux « normes » et finit, après plusieurs tentatives, par être renvoyée de la maison familiale. « Ma belle-mère n'acceptait pas ma maladie. Pour mon traitement, j'étais appelée à venir à plusieurs reprises à Oran. Les trajets nous coûtaient énormément cher. Ce que n'était pas du goût de cette vieille. De plus, le fait d'être absente de ma maison et de passer des nuits à l'hôpital ne l'arrangeait pas. Je devais rester chez elle pour le ménage… et autres corvées. Lorsque je suis rentrée chez moi après l'opération, elle ne me donnait pas à manger. Je faisais presque tout, seule. Même pendant ma grossesse, elle est restée de marbre. Toujours dure et inhumaine », dit-elle. En pleine instance de divorce, Malika a également perdu son nouveau-né faute de moyens pour sa prise en charge. Difficile pour elle de refouler ses larmes. « Je suis là depuis un mois. Actuellement, je suis en train de prendre des gélules accompagnées d'injections trois fois par jour. Je me suis beaucoup battue pour trouver cette place. J'ai divorcé, j'ai perdu ma fille et vendu tous mes bijoux pour assurer les frais du transport et du scanner. Je me demande s'il n'y aurait pas un moyen de nous transporter vers l'hôpital à titre gracieux. Les frais du transport et des examens médicaux nous coûtent les yeux de la tête. Ça devient intenable. » Pour une mammographie et une échographie mammaire, il faudrait payer 4100 DA, un examen demandé à chaque consultation. Pour le suivi de la malade, il faudrait également réaliser l'échographie abdominale, un téléthorax pour un total de 2400 DA. La scintigraphie osseuse, exigée une année après l'opération, est disponible également chez le privé à 5200 DA. Des frais que ces femmes ne peuvent pas assurer, témoignent-elles.
Porte fermée
Trouvent-elle un soutien auprès des associations d'aide aux cancéreux ? « Les représentantes viennent souvent nous voir et nous demandent de quoi nous avons besoin. Parfois, elles interviennent pour nous aider à titre symbolique pour effectuer nos examens radiologiques. Mais elles ne peuvent pas répondre à toutes nos préoccupations », répondent les femmes. Mais bizarrement, lorsque nous arrivons sur place, il n'y a plus personne pour répondre à nos questions. Il faut visiblement se lever tôt pour pouvoir rencontrer quelqu'un de l'association. Pendant notre séjour, nous n'avons pas réussi à interpeller l'un des responsables de cette association à l'hôpital d'Oran. Pas facile d'abord de trouver son siège dérobé. Puis une fois devant… personne n'est là, et la porte d'entrée est en permanence fermée. Même cri de détresse de Fatma Zohra venue de Béchar pour la radiothérapie. Elle se sent humiliée et lésée de tous ses droits. « Nous voulons des médicaments dans nos wilayas. Pourquoi privilégier une région plus qu'une autre ? Je souhaite suivre mon traitement dans ma wilaya. Il serait idéal qu'on attribue à toutes ces femmes une aide d'au moins 5000 DA », se plaint-elle. Un avis partagé par toutes les patientes que nous avons rencontrées. « Il y a des femmes qui n'osent pas demander à leur mari les frais de transport ou d'examen », raconte Houria, qui vient de rechuter. « Mon mari est payé à 17 000 DA. Vous vous rendez compte ? Comment voulez-vous qu'il paie l'IRM et le scanner que nous devons faire chez le privé ? Parfois pour ne pas trop le gêner, je demande à mes frères et à mes parents de m'aider », continue-t-elle de raconter les larmes aux yeux.
Bidonville
Le cas de Ghzala, 40 ans, célibataire et originaire de Mascara, souffrant d'une métastase, laisse sans voix. Comme elle n'a pas les moyens de payer régulièrement le transport entre Mascara et Oran, sa mère trouve alors une alternative. Elles installent un bidonville près d'Oran. Une solution pour se rapprocher de l'hôpital et pouvoir ainsi bénéficier de son traitement. Quand elles trouvent la force. Car certaines finissent par abandonner leur traitement en allant tester un autre, moins fatiguant : du miel mélangé à une plante, une préparation qu'elles achètent chez des charlatans et qui coûtent souvent plus de 1000 DA. Lorsque nous lui rendons visite, Ghzala était déjà installée chez son frère dans le même quartier. « Cela fait sept ans que je suis malade. Mon frère s'est senti alors obligé de construire ici à Oran pour me faire plaisir. La vie de bidonville n'est pas facile pour une personne malade nécessitant une hygiène », nous explique-t-elle. Il faut dire que même chez son frère, la vie n'est pas nettement meilleure. Elle partage la chambre avec ses neveux et nièces. « Vous voyez, nous n'avons pas assez de chambres pour lui en réserver une. Mes enfants viennent juste d'avoir la grippe saisonnière et nous ne pouvons pas protéger Ghzala », témoigne sa belle-sœur. Mère de quatre enfants, Fatma Zohra reprend la parole pour expliquer « l'inutilité des différentes campagnes de sensibilisation ». « L'Etat frappe à côté, estime-t-elle. Nous aurions aimé avoir un service d'oncologie dans notre wilaya au moins pour les contrôles périodiques. Donc, ce n'est pas de notre faute, si aujourd'hui nous encombrons les hôpitaux et les services de maternité. »


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.