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«Aujourd'hui, j'ai envie de tourner la page de ce disque dur»
Kamal Redouani. Journaliste, documentariste, réalisateur et auteur
Publié dans El Watan le 14 - 05 - 2019

Spécialiste du monde arabe et du Moyen-Orient et des mouvements djihadistes, le reporter de guerre français, Kamal Redouani, a réalisé, en septembre 208, un film documentaire intitulé Dans le cerveau du monstre. Dans cet entretien, il revient sur les grands axes de cette production de 71 minutes, en n'omettant pas de souligner qu'il a édité un livre plus complet portant le même titre que son documentaire.
– Vous êtes spécialiste du monde arabe et du Moyen-Orient, pourquoi avez-vous choisi de vous tourner vers l'image pour revenir sur les mouvements djihadistes ?
Ce choix s'est imposé à moi. J'ai travaillé sur le Moyen-Orient et sur le monde arabe depuis quelques années déjà. Ce sont les djihadistes qui se sont installés au Moyen-Orient et qui ont fait que petit à petit, j'ai commencé à travailler sur ces mouvements. Ces derniers ont fait partie du paysage du Moyen-Orient et du monde arabe.
– Vous avez réalisé en septembre Dans le cerveau du monstre, un film documentaire qui donne un aperçu sur le fonctionnement de Daech…
Je considère que mon dernier documentaire Dans le cerveau du monstre n'est autre que la continuité de mes précédentes réalisations, telles que L'origine de la terreur, Daech aux portes de l'Europe ou encore Islam contre islam. Finalement, à la fin d'un documentaire, j'en démarre un autre. J'ai l'impression de faire une suite. C'est une chaîne. Ce sont toujours les mêmes territoires que j'explore.
C'est toujours la même histoire qui continue, et moi je continue de filmer cette histoire-là. C'est vraiment une continuité du travail. J'ai commencé après la chute de l'ancien président irakien, Saddam Hussein. A ce moment-là, il y a eu l'apparition d'Al Qaîda à Abou Ghraïb, en Irak, où j'ai tourné avec eux.
A l'époque, c'était un peu plus simple qu'aujourd'hui. Et puis avec le temps, ces gens-là se sont installés en Syrie. Ils ont voyagé un peu partout. Ils ont attiré aussi du monde du Maroc, d'Algérie, de Tunisie vers la Syrie et l'Irak. Donc, c'est vraiment une continuité de mon travail et les histoires continuent.
Comme tout grand reporter, je travaille dans des zones à risque. Je ne suis pas tenté par le risque, mais je suis obligé de faire avec le risque, de faire face au risque et de faire avec et d'utiliser mes contacts et mon expérience pour éviter de prendre des risques.
– Dans chacun de vos documentaires, vous tentez à chaque fois de montrer une nouvelle facette de Daech. Dans votre dernier documentaire Dans le cerveau du monstre, vous revenez sur l'organisation terroriste à Syrte, en Libye, à travers le disque dur de l'émir Abou Abdallah Al Masri de Syrte. Comment êtes-vous tombé sur ce disque dur ?
Le disque dur était un ordinateur. C'était l'ordinateur d'un émir. J'ai couvert la chute de Syrte en 2016 qui a duré sept mois. Les unités qui combattaient à ce moment-là sont des unités que je connais depuis 2011.
Le fait de les connaître et de les filmer pendant la guerre a créé des liens. Il y a une unité qui a finalement libéré un territoire où il y avait l'émir Abou Abdallah al-Masri de Syrte, qui avait fui en laissant derrière lui pas mal d'objets. Elle m'a offert ce disque dur par amitié, car je les connaissais depuis des années et que j'étais présent lors de la libération de cette zone.
J'ai donc fait une copie avant qu'ils ne vident l'ordinateur. Ils ont récupéré l'ordinateur pour l'objet en lui-même. Quand ils récupèrent dans une maison un téléphone ou encore un ordinateur, ils effacent ce qu'il y a dedans et ils gardent ces objets. Il ont besoin plutôt d'un ordinateur. Ils s'en foutent ce qu'il y a à l'intérieur.
– On vous a également remis le portable d'une djihadiste qui n'est autre que l'épouse du gardien de l'émir en question…
Il est tout à fait exact qu'on m'a remis également le portale d'une djihadiste qui n'est autre que la femme du gardien de l'émir Abou Abdallah al-Masri de Syrte.
Ce qui était intéressant à l'intérieur de ce téléphone, c'était de voir l'intimité, la vie d'une femme et d'une famille djihadiste vue de l'intérieur. C'est-à-dire que cette femme filmait entre autres sa famille, ses enfants et les anniversaires. L'anniversaire qui est interdit par Daech. Ce qui est intéressant, c'est de montrer, de derrière les murs, que Daech n'applique pas les lois qu'il impose à la population à l'extérieur.
Cette vision m'a permis, finalement, de montrer de temps à autre la vie de Daech de l'intérieur. A deux ou trois jours avant la guerre, cette femme était encore vivante et elle avait encore le courage de filmer. Ce qui était incroyable, c'est que moi je filmais de l'autre côté et elle, elle filmait de ce côté-là.
Le son était le même sur son téléphone portable que sur ma caméra. Je filmais l'appel de ces unités qui appelaient les femmes pour qu'elles puissent sortir, tandis qu'elle filmait de l'autre côté. On était vraiment face à face. C'était champ contre champ sans vraiment le vouloir. Ce téléphone avait le contre-champ de ma caméra.
– Vous avez travaillé sur quelques précieux documents exhumés du disque dur et du portable, mais vous avez aussi greffé dans votre documentaire des témoignages pluriels…
Je pense qu'il fallait donner vie à ces documents. Je ne pouvais pas faire un film sur la chute de Syrte sans donner la parole à des hommes qui l'ont menée et qui ont combattu. Je voulais qu'on les voit autrement que l'image qu'on se fait de la population libyenne.
C'était important pour moi. Leur parole était sincère et touchante à la fois. La parole était parfois enragée, car ils ont perdu des hommes, leurs camarades… Ils ont vu la mort. Cette parole-là humanise les choses parce que les documents sont froids. Le téléphone, c'est peut-être de l'intimité mais reste celle d'une djihadiste. On a un peu d'humanité dans ce film, sinon il serait glacial.
– Justement, comment avez-vous approché le jeune émir, exilé en Turquie ?
Cet émir, je l'ai approché par le biais d'un passeur que je connais depuis le début de la révolution en Syrie en 2011. Il faut savoir que je suis rentré une dizaine de fois en Syrie clandestinement. L'un des passeurs qui me faisait passer faisait passer aussi des blessés, des réfugiés et des djihadjistes de l'autre côté en Turquie.
Ce passeur m'a parlé de cet émir qui fait partie de sa tribu. C'est comme cela que j'ai réussi à rencontrer cet émir et à le convaincre à parler. Cela m'a pris d'ailleurs énormément de temps pour le rassurer et le convaincre. S'il n'y avait pas ce lien familial et tribal entre lui et le passeur, je pense que je n'aurais pas eu cette rencontre.
Il faut dire que ce n'est pas la première fois que je demande à ce passeur de me mettre en contact avec des combattants qui rentrent et qui sortent de Syrie, qu'ils soient djihadistes ou pas. J'ai toujours tenu parole. Quand je dis que je vais protéger mes sources et que je ne vais pas montrer l'image d'une personne, je le fais. Donc, la confiance était totale. C'est pour cela qu'il n'a pas hésité une seconde à m'aider à rencontrer cet homme.
– Est-ce la première fois dans votre carrière que vous rencontrez un terroriste islamiste ?
Honnêtement, j'ai déjà rencontré des responsables djihadistes, mais c'est la première fois dans ma carrière que je me suis enfoncé petit à petit dans ma chaise. D'ailleurs, à la fin de l'interview – dans une chambre d'hôtel – j'ai dit à mon chef opérateur, on ramasse dans cinq minutes pour être dans un taxi, direction l'aéroport.
Il fallait qu'on quitte les lieux, car les mots que cet émir a dits, et à un moment donné quand je lui avais posé la question : est-ce que vous m'auriez tué si vous m'aviez rencontré, il m'a répondu oui. Finalement, dans cette question posée, je ne voyais pas d'humanité dans son regard, pourtant beaucoup de gens, même les plus grands criminels que j'ai rencontrés avaient une petite étincelle de lumière. Lui n'avait aucune humanité.
– Vous n'avez pas exploité toute la matière que vous déteniez sur le disque dur. Avez-vous l'intention de donner une autre suite à ce documentaire ?
J'ai utilisé certains films. J'avais aussi des documents en PDF. Il y avait beaucoup d'atrocités et de vidéos complètement incroyables. J'ai exploité quelques documents qui servent mon point de vue en tant que réalisateur, le reste, aujourd'hui, je le mets de côté. Peut-être que dans cinq ans ou dix ans, cela fera partie de l'histoire, je ressortirai tout cela pour réfléchir à quelque chose d'autre. Aujourd'hui, j'ai envie de tourner la page de ce disque dur.
– Vous avez également pris le soin d'éditer aux éditions Flammarion un livre portant le même titre que le documentaire où vous vous lâchez en racontant l'enquête de ce documentaire…
Dans ce livre, je suis allé un peu plus dans mon intimité. Il y a plus de confidences par rapport à mon parcours, comment j'ai eu ce disque, à ma rencontre. Je raconte toute l'enquête de ce film.
– Etes-vous sur d'autres projets ?
C'est encore confidentiel, mais disons que je suis en train de plancher sur un film documentaire de 70 minutes, destiné à France 5. J'y aborderai la zone d'ombre suivante : à chaque fois qu'un djihadiste européen, marocain, tunisien ou encore algérien traverse la frontière syrienne ou irakienne, on ne sait plus ce qu'il fait de l'intérieur. J'ai envie de savoir, finalement, qu'est-ce qu'ils ont fait réellement quand ils ont rejoint l'Etat islamique ? Sont-ils des criminels de guerre ? Je suis en plein dans l'enquête.


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