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Regards croisés sur le «hirak»
Des universitaires décryptent le mouvement du 22 fevrier
Publié dans El Watan le 30 - 06 - 2019

Le hirak algérien au regard des sciences humaines et sociales». Tel est le thème générique de deux journées d'étude consacrées au mouvement populaire du 22 février qui se sont tenues les mercredi 26 et jeudi 27 juin sous les auspices de l'Université Alger 2 Abou El Kacem Saâdallah qui regroupe les facultés de sciences humaines et sociales ainsi que celles des Langues.
L'affiche concoctée pour cet événement fait apparaître un heureux néologisme : «Hirakologie». On le doit à Lazhari Rihani, professeur de linguistique arabe à la faculté de Langue et Littérature arabes de Ben Aknoun, et l'une des chevilles ouvrières de l'équipe organisatrice, aux côtés de Khaoula Taleb Ibrahimi.
La première journée de ces rencontres a été abritée par la Faculté de Langue et Littérature arabes et des Langues orientales à Ben Aknoun. Sous le titre : «Le hirak et ses langues», elle était réservée exclusivement aux étudiants. C'était l'occasion de découvrir des travaux audacieux sur diverses thématiques liées aux hirak (analyse des slogans, des chants des manifestants, des graffiti, du rôle de Facebook…). Nous y reviendrons.
La deuxième séance de ces journées spécial «hirak» avait pour écrin le campus de Bouzaréah. Une brochette de spécialistes de renom se sont alors succédé à la tribune de la «salle bleue» pour apporter chacun sa lecture du hirak à partir de son champ de recherche spécifique. Il y avait Fatma Oussedik, Dalila Haddadi, Mohamed El Korso, Madani Safar Zitoun et Tayeb Kennouche. La modération a été assurée par Khaoula Taleb Ibrahimi qui, faut-il le signaler, est née elle-même un certain… 22 février. Quelle magnifique coïncidence !
Penser le hirak
Dans son mot de présentation, Khaoula Taleb Ibrahimi explique : «Interpellés en tant qu'universitaires et spécialistes de sciences humaines et sociales par ce moment exceptionnel dans l'histoire de notre pays, nous voudrions, au-delà de l'engagement citoyen de chacune et chacun d'entre nous dans ce mouvement, proposer un regard croisé à l'aune de ces sciences sur ce qui est désormais connu sous l'appellation de ‘‘hirak''.»
Et de préciser : «Ce sont donc des sociologues, psychologues, historiens et linguistes de l'université Alger 2 qui vont, chacun, présenter une réflexion et une lecture de ce mouvement qui agite la société algérienne.
Il s'agit pour nous d'initier et de réinstaller, au sein de nos campus, le débat citoyen libre et engagé afin que l'espace universitaire retrouve sa vocation première, celle d'être à l'écoute des pulsations de la société, d'en démêler les contradictions et la complexité dans le but de proposer des analyses scientifiques et raisonnées des mouvements sociaux qui rythment la vie de nos concitoyens.»
L'éminente linguiste a ensuite formulé un certain nombre de questionnements à même de baliser la réflexion autour de cet objet tout neuf : «On s'est posé d'abord la question : qu'est-ce que le hirak ? Comment en faire un objet de science, un objet de réflexion ? Comment nous interpelle-t-il ? Comment l'analyser ? On sait par ailleurs que c'est un phénomène essentiellement urbain.
Qui en sont les acteurs ? Comment se déroule-t-il ? Comment situer cet événement dans la longue durée, dans la profondeur historique par rapport à notre pays ? (…) Quels en ont été les ressorts psychologiques, je dirais même psychanalytiques ?» Khaoula Taleb Ibrahimi s'interroge dans la foulée sur «le rôle frappant de la jeunesse» ainsi que «la question des femmes dans le hirak ?»
Et de poursuivre : «Comment a été transformé ou pas notre rapport au politique, à travers le hirak, en tant que citoyens et en tant que chercheurs ?» «Enfin, nous osons espérer qu'à travers le hirak, nous puissions de nouveau croire en un certain nombre de grandes utopies, comme des horizons à atteindre, comme des espoirs et des fenêtres ouvertes pour la construction de la citoyenneté algérienne en termes de justice pour tous, en termes d'égalité, et d'égalité entre les hommes et les femmes, et en termes de démocratie.»
Qui sont les marcheurs ?
En entamant sa communication, Fatma Oussedik a précisé d'emblée que l'objet de son exposé est «d'essayer de dire qui nous sommes, comment avons-nous marché et quel contenu nous avons voulu mettre dans ces marches ?» Première observation : la sociologue note que «les marches se sont déroulées dans les villes», incluant les «villes moyennes».
«C'est donc d'abord une population urbaine, qui constitue la majorité de la population algérienne, qui est sortie dans les rues». Citant des chiffres de l'ONS datés du 1er janvier 2018, elle relève que la population urbaine en Algérie est estimée à «plus de 70%». Cela dit, «il existe de moins en moins de distinction dans les modes de vie et de pensée entre ruraux et urbains».
La sociologue observe que «toutes les générations figuraient parmi les manifestants», avant d'ajouter : «Mais la majorité était jeune, ce qui correspond à la pyramide des âges de la population algérienne».
«Eduquée, cette jeunesse, au féminin comme au masculin, constitue le plus gros des chômeurs. Ils prennent la mer, obtiennent des visas dans le cadre d'une émigration choisie, mais ceux qui étaient dans la rue ne veulent plus partir», souligne-t-elle. «Ceux qui sont sortis veulent vivre ici et maintenant».
La chercheuse indique, par ailleurs : «Si les jeunes chômeurs étaient en nombre, on a pu aussi voir, parmi ces foules, toutes les catégories sociales». Le hirak a été l'occasion, selon elle, de «retrouver une estime de soi pour des individus qui longtemps ont été perçus comme ni, ni, ni… c'est-à-dire ni citoyens, ni travailleurs, ni époux…»
Fatma Oussedik a apporté cette autre précision importante : «Il faut souligner la forte présence des classes moyennes habituellement silencieuses». Ce qui signifie, de son point de vue, que «cette catégorie s'est reconstituée depuis la fin des années 1990, où elle avait été laminée» et que «ce pouvoir constitue, pour elle, un ‘‘ennemi de classe''».
L'oratrice a insisté sur le fait que les classes moyennes se sont «battues pour créer des école privées» et se sont beaucoup investies dans la formation. S'agissant de l'implication massive des femmes, elle fait remarquer que «seuls ceux qui n'ont pas suivi l'évolution – comme l'histoire – de l'Algérie, peuvent être étonnés».
«Que l'histoire ne leur ait pas rendu justice est un autre débat, tout aussi fondamental pour l'avenir de l'Algérie. Elles ont donc été présentes, avec ou sans voile, jeunes et vieilles». Elle évoque au passage les cas de harcèlement sexuel et autres agressions dont ont été victimes des femmes et des militantes féministes ces dernières semaines, ce qui a conduit à la constitution, explique-t-elle, du «carré féministe» lors des manifs du vendredi, pour «protéger les plus jeunes» et «pour rendre visible notre participation».
«Une démocratie qui n'a pas pris l'avion»
Dans son analyse, Fatma Oussedik a mis l'accent, en outre, sur le caractère résolument pacifique des manifs, ainsi que l'humour et la créativité qui ont prévalu depuis le début du mouvement populaire. «Cette jeunesse a montré qu'elle était cultivée (…), qu'elle était informée, voire formée, par des réseaux sociaux mais aussi par le mouvement associatif, Facebook», ajoute la sociologue.
Elle n'a pas omis de citer au passage le rôle des stades d'où ont jailli tous ces chants truculents qui ont enflammé les marches. «Les stades sont devenus des centres de formation extraordinaires, avant même le début du hirak», constate-t-elle. Concernant l'influence des religieux, la conférencière estime qu'on a affaire désormais à un islamisme soft.
«Ce courant a donné naissance à une ‘‘bourgeoisie pieuse''» qui a «des intérêts matériels sur les marchés informels d'El Eulma, de Jolie-Vue». «Ils craignent des ruptures trop brutales. Certes, il demeure des courants plus plébéiens, mais les directions des partis islamistes sont tenues par ces islamistes new look». Elle pense que les jeunes de manière générale se sont détournés de tous les radicalismes, y compris vis-à-vis du MAK.
Fatma Oussedik fait le lien avec des mouvements de libération beaucoup plus anciens qui jettent leurs racines dans l'antiquité pour dire : «Nous sommes nés avant le Mouvement national, ce n'est pas la France qui nous a fait exister. C'est ce que sont venues dire ces marches, aussi, avec leurs emblèmes». Et de lancer : «Je ne suis pas communautariste.
Mais je serai toujours reconnaissante au mouvement culturel berbère de nous avoir ramenés dans la longue durée, avec un drapeau, avec des figures, des personnages. Nous avons découvert que nous avons eu des pharaons, des empereurs. Nous sommes un vieux peuple, nous sommes une vieille histoire, et c'est ce vieux peuple, c'est cette vieille histoire qui viennent revendiquer la démocratie.»
Fatma Oussedik conclut son passionnant exposé en disant : «Ces luttes que nous avons menées dans la diversité sont peut-être au milieu du gué, sont peut-être en danger, mais les choses ne pourront plus être comme avant (…) Nous nous sommes reconnus et nous avons réaffirmé que nous sommes des Algériens attachés à l'égalitarisme qui nous vient de l'antiquité. Nous sommes attachés à une démocratie qui n'a pas pris l'avion.» Nous reviendrons sur les autres interventions dans nos prochaines éditions.


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