Boycotté par une bonne partie du collectif de défense en raison «des vices de procédure et de l'absence des conditions matérielles qui assurent l'équité et la transparence», le procès s'est poursuivi dimanche en fin de matinée avec plusieurs plaidoiries d'avocats qui ont majoritairement dénoncé la diffusion en direct, par des chaînes de télévision privées, des images des prévenus, la qualifiant d'«atteinte à la présomption d'innocence». Certains ont cité la loi sur l'information, mais aussi le code pénal qui pénalise la diffusion de telles images lors des procès, en interpellant les autorités sur «ces dérives médiatiques». Plaidant au nom de son frère Ahmed, après le boycott de l'audience par ses avocats, Me Laifa Ouyahia décortique le dossier du montage automobile confié, dit-il, au Conseil national d'investissement (CNI), dont font partie 11 ministres de la République, dont ceux des Finances, du Commerce et de la Défense nationale. Il rejette toutes les accusations portées contre son mandant en rappelant sa carrière professionnelle «passée au service du pays». Me Ouyahia conteste l'existence même du compte BDL (agence Staoueli), avec un avoir de 300 millions de dinars (30 milliards de centimes). «Aucun relevé bancaire n'existe dans le dossier, comment peut-on aujourd'hui parler de ce compte ? Ahmed Ouyahia n'est pas aussi débile pour cacher l'argent de la corruption sur un compte d'une banque publique, alors qu'il peut le placer dans des banques étrangères», dit-il en avant d'ajouter : «Son épouse a le droit de travailler comme tous les Algériens, et son fils, docteur en informatique, a tout aussi le droit de créer sa propre entreprise…» Et de conclure : «Si Ouyahia a été mis en prison, c'est juste pour l'empêcher de se présenter à l'élection présidentielle. Il n'a rien fait d'illégal. Son affaire est politique. C'est le procès du système.» Lui succédant à la barre, Nadjib Bitam et Younes Lakhdari, les deux avocats de Mohamed Baïri, patron du groupe Ival, dénoncent le fait que leur mandant soit passé du statut de témoin à celui de prévenu, tout en récusant toutes les inculpations portées contre lui, arguant du fait que le dossier ne repose sur aucune expertise et que le rapport de l'IGF n'a relevé aucun dysfonctionnement. Les avocats de Baïri affirment que ce dernier a bénéficié d'un terrain, déclaré comme étant agricole, qui «n'est en réalité qu'une assiette défrichée, traversée par un cours d'eau. Il l'a obtenue sur la base d'une décision du ministère de l'Industrie. Lorsque le comité de wilaya a statué pour la restitution des terres agricoles, le terrain de Baïri n'était pas concerné parce qu'il n'est pas à vocation agricole». Les deux avocats plaident l'innocence et affirment que leur mandant n'a aucun lien avec le «blanchiment d'argent». L'un d'eux, Me Bitam, se déclare «favorable pour que le tribunal statue sur la restitution de l'argent perdu, mais pas pour mettre les hommes d'affaires en prison». La défense de Hassan Arbaoui, patron du groupe KIA Motors Algérie, axe sa plaidoirie sur les procédures de délivrance des autorisations pour le montage des véhicules et rejette catégoriquement «l'existence de favoritisme ou de collusion» entre son mandant et les ex-responsables. Pour elle, les décisions du CNI, ayant trait au montage des camions, «a été prise par l'ensemble des membres de cette instance», que préside le Premier ministre. Elle s'attaque au rapport de l'IGF qui, selon elle, «ne repose sur aucune preuve légale. Les hommes d'affaires ont agi en respectant toutes les procédures prévues par la réglementation». Dans leurs plaidoyers, les avocats ont affirmé «que la loi interdit aux candidats de recevoir des dons mais pas aux donneurs» et précisent que «le recours à des chèques enlève à l'acte de financement son caractère occulte». D'autres avocats des hommes d'affaires clament l'innocence de leurs mandants et la levée du gel sur leurs biens en plaidant leur «probité» et leur «engagement à construire le pays». Il faut dire que la majorité des prévenus n'ont pas été représentés et le procès se termine sans qu'ils aient eu le droit de se défendre.