Les chercheurs du laboratoire de Bioressources marines de l'université Badji Mokhtar d'Annaba viennent de rendre compte d'une invasion massive des eaux côtières d'Annaba et d'El Kala par les deux espèces de crabes, fortement invasives, en l'occurrence le Callinectes sapidus et le Portunus segnis. Les pêcheurs commencent à s'en plaindre de ce qu'ils qualifient de malédiction pour les dommages que ces redoutables prédateurs infligent à leur activité, en dévorant les poissons pêchés et en cisaillant les filets, en plus des graves blessures qu'ils causent aux mains des pêcheurs lorsqu'ils tentent de les retirer de leurs filets. Il a la beauté du diable, une carapace et des pinces d'un bleu azur intense, chez les mâles, et rouge chez les femelles, et une effrayante voracité. Omnivore, il dévore tout : les autres espèces de crabes et surtout les mollusques bivalves. Pris dans les filets, il s'attaque aux poissons. Seule la pieuvre peut en venir à bout. C'est le cauchemar des pêcheurs car avec ses fortes pinces, il déchire facilement les filets pour se libérer. Lorsqu'il est adulte, il peut atteindre 20 centimètres de large et peser jusqu'à un kilo. En fait, deux espèces de crabe bleu sont présentes en Méditerranée depuis au moins 2010. La première, dont le nom scientifique est Callinectes sapidus est originaire de l'Atlantique ouest via le détroit de Gibraltar, et la seconde, Portunus segnis, arrive de l'océan Indien via la mer Rouge et le canal de Suez. Les pêcheurs tunisiens du sud, notamment ceux de Djerba, l'ont surnommé ce redoutable prédateur marin «Daech», en référence à l'acronyme arabe du groupe Etat islamique. Mais le crabe bleu est à son tour en train de devenir une proie depuis que la Tunisie a lancé un plan pour exploiter et valoriser le redoutable crustacé. Des pêcheurs ont été formés pour attraper ce crabe et une usine installée en 2017 à Zarzis, près de Djerba pour produire du crabe congelé à la chair délicieuse qui est exporté vers l'Asie et le Golfe. «Ces deux espèces ont rapidement constitué des populations importantes composées d'individus de différentes tailles et de femelles prêtes à pondre, ce qui montre le succès de leur installation sur les côtes algériennes où elles semblent trouver des conditions adéquates pour leur prolifération», nous ont appris les chercheurs. C'est par son réseau de surveillance des espèces exotiques avec des étudiants, des professionnels de la pêche et d'amateurs, dans une démarche de science citoyenne qui met le public en lien direct avec les chercheurs du laboratoire de ressources marines que ces chercheurs ont pu obtenir les informations et les données avec lesquelles ils ont établi formellement la présence du crabe bleu. Ce réseau a été mis en place depuis plusieurs années déjà devant la pression croissante des invasions biologiques dans les écosystèmes aquatiques du pays.