L'épreuve difficile que traverse le pays en raison de la crise sanitaire doit inciter chacun de nous à opérer une profonde introspection sur notre contribution, petite ou grande, nos défaillances, nos errements, nos trahisons pour la construction du destin national pour laquelle les générations montantes auront à nous interpeller avec le regard impitoyable du jugement de l'histoire. Les gouvernants, les institutions qui ont prêté serment d'être au service du peuple, mais aussi les citoyens, individuellement et collectivement, ne peuvent pas se soustraire à leur devoir national, surtout dans les moments cruciaux de la vie de la nation, comme ceux que nous vivons et qui interpellent les consciences. A tort ou à raison, l'Algérien est généralement décrit sous des traits peu élogieux avec son incivisme normalisé, son manque d'ardeur au travail, son tempérament rebelle, confondant chose publique et bien privé. Le coronavirus a réconcilié les Algériens avec eux-mêmes et, dans leur rapport avec le regard extérieur, autour des vraies valeurs d'authenticité, de fraternité, de solidarité, de sacrifice suprême – à l'instar des personnels soignants décédés dans l'exercice de leurs fonctions – qui ont façonné l'histoire riche en épopées de ce pays, qui n'en finit pas de prendre sa revanche sur ses détracteurs. On disait l'Algérien capable de rien, oisif, parasitaire ; on le découvre, face à la pandémie, profondément généreux, besogneux, ne comptant ni son temps ni son argent – même lorsqu'il vit d'expédients –, inventif, compatissant à la douleur qui affecte tout citoyen de cette terre d'amour où l'on s'interpelle moins par le nom que par un affectueux «ya kho» (frère). Avec le hirak, tous les carcans et les clichés réducteurs de la langue, de la foi, du régionalisme qui ont fait tant de tort au pays ont volé en éclats. L'esprit de cette Algérie nouvelle, fraternelle, une et indivisible, unie face à l'adversité, est fortement prégnant dans le formidable élan de solidarité qui traverse la société pour faire face à la pandémie. La chaîne d'entraide sociale qui s'est spontanément mise en branle a révélé un peuple solidaire dans l'action, le cœur battant à l'unisson, se considérant tout autant Blidéen, Algérois, de Tizi Ouzou, d'Oran, de Tamanrasset, de toutes les régions du pays affectées ou non par la pandémie. Les caravanes d'aide affluant des quatre coins du pays, même des confins du Sud, qui ne baignent pourtant pas dans l'opulence, vers la wilaya de Blida, la plus durement touchée par la pandémie, renseignent sur la vitalité du peuple et le lien solide du sentiment national qui se renforce toujours plus face aux épreuves auxquelles est confrontée l'Algérie. Derrière le secteur de la santé et le personnel soignant, des citoyens, armés d'équipements de désinfection sillonnent leurs rues et cités, des opérateurs économiques, des universitaires, des artisans reconvertis dans l'urgence dans la fabrication de masques, de jeunes start-up qui ont surpris par leur savoir-faire technologique apportent leur obole dans cette fabuleuse entreprise humaine de santé publique qui restera gravée dans la mémoire collective. La crise sanitaire a révélé un bouillonnant incubateur de l'Algérie nouvelle dont les premiers sillons ont été tracés par le hirak.