Malgré la pandémie et son corollaire la crise financière – qui ont frappé de plein fouet les ménages aux revenues modestes –, cette année encore, Oran entend célébrer comme il se doit le Nouvel An amazigh 2971. Pour preuve, il n'y avait qu'à faire un tour, ces jours-ci, au marché des Aurès (ex-la Bastille), ou à la rue Brahim Djelloul, dans le quartier populaire de Saint-Pierre, pour apprécier de visu comment les commerçants ont achalandé leurs étales de toutes sortes de confiseries, très prisées durant la fête de Yennayer. A la rue Brahim Djelloul (ex-Arago), là où se trouve la mosquée Zine El Abbidine, l'artère est généralement animée tout le long de l'année et plusieurs étals de fruits et légumes, poissons, etc., essaimés ici et là font de cette rue en pente une sorte de marché en plein-air. De la fin décembre jusqu'au 12 janvier, un surcroît d'animation s'y opère du fait que les commerçants à la sauvette proposent aux chalands d'autres ingrédients à même de fêter le Nouvel An et Yennayer. Même topo au marché des Aurès (ex-la Bastille), où les commerçants se sont ingéniés, cette année, à confectionner des sachets copieusement garnis de toutes sortes d'amuse-gueules alors que d'autres proposent aux chalands du chocolat se voulant artisanal, cédé à 250 DA l'unité, en forme de sabot, coq, voiture, et ce, à la grande joie des enfants. Cela dit, si de façade, l'opulence semble de mise, pour peu qu'on s'approche des commerçants, c'est une toute autre histoire qu'on entend. «Ce n'est pas la joie cette année, raconte un quadragénaire travaillant au marché des Aurès depuis son plus jeune âge. Les années d'avant, les 9, 10 et 11 janvier, on travaillait énormément et on écoulait notre stock à qui mieux mieux. Cette année, on éprouve toutes les peines du monde à fourguer notre marchandise. On voit bien que les gens ne parviennent plus à joindre les deux bouts. Beaucoup parmi nos clients, des petites gens qui encaissaient des salaires modestes, parvenaient à subsister en s'adonnant à un deuxième job. Cette année, ils s'estiment heureux d'avoir pu conserver un seul travail, fut-il très mal rémunéré.» Pour ce qui est des prix, on s'aperçoit qu'ils sont éclectiques et changent d'une année à l'autre. Ainsi, les noix, qui étaient hors de portée le Yennayer de l'année dernière du fait de leur rareté (2000 DA le kilo), cette année, elles sont cédées à seulement 1000 DA le kilo. Par contre, les noisettes, cette année, se vendent à 2000, voire 3000 DA le kilo tandis qu'auparavant, leur prix était bien plus accessible. Enfin, cette année encore, beaucoup ont tenu à célébrer, coûte que coûte, ce qu'ils appellent le «Yennayer du pauvre». En effet, l'avant-veille du Nouvel An amazigh, le 10 janvier, beaucoup de familles, le soir venu, aiment à préparer le «cherchem», un plat typiquement traditionnel, à base de fèves, blé et pois chiche. «Quand j'étais plus jeune, nous explique une mère de famille, on habitait à Relizane, et à l'approche de Yennayer, mon père allait jusqu'à Tiaret pour faire ses emplettes et nous apporter de quoi confectionner un bon plat de cherchem. C'était aussi une manière de fructifier l'année agricole qui arrivait. Si à cette époque-là, du fait de la pauvreté, les gens n'avaient pour tout Yennayer que le plat de cherchem, aujourd'hui, même celles et ceux qui ont la possibilité de faire la célébration du Nouvel An amazigh dans les règles de l'art ne renient pas, loin s'en faut, ce plat traditionnel.» Advertisements