Inscrit au programme de la compétition et surfant au-dessus de pas mal de navets dans cette section, le film libanais Un jour parfait, de Khalil Joreige et Joana Hadji Thomas, est une œuvre sensible, intelligente, qui reflète bien ce qui se passe dans le pays à l'heure actuelle. Les deux cinéastes évitent les discours stériles et vont à l'essentiel. Au Liban, d'un côté, il y a Malek et sa mère qui attendent depuis 15 ans des nouvelles du père qui a disparu pendant la guerre civile. Ils vivent dans le deuil, ils espèrent encore. Mais au Liban, 17 000 personnes sont portées disparues, sans doute beaucoup plus, et elles n'ont jamais plus donné signe de vie. D'un autre côté, le film dépeint le mode de vie de la jeunesse libanaise, à Beyrouth, dans les beaux quartiers. Des jeunes qui vivent au jour le jour parcequ'ils croient que leur avenir est incertain et qu'ils ne croient plus du tout aux discours des cliques qui se partagent le pouvoir. Alors que cette partie du film est intense, quasiment hystérique (scènes dans les bars et les boîtes de nuit), l'autre versant est sur l'attente interminable, sur l'mpossibilité de vivre une vie normale tant qu'on est dans l'espoir mais sans nouvelles de l'être disparu. La famille de Malek et de sa mère est en fait divisée en deux camps. Ceux qui ont gardé cet espoir tenace et guettent comme la mère le moindre bruit de voiture ou le coup de téléphone miracle. Et ceux qui n'attendent plus rien, sachant que les innombrables chantiers de construction de Beyrouth n'ont jamais retrouvé le moindre corps en creusant le sol et le sous-sol. C'est le mystère complet. Une épreuve terrible, une souffrance absolue que les manœuvres politiciennes actuelles ne cherchent même pas à secourir. Khalil Joreige, l'un des auteurs du film, a dit qu'il s'agit d'une histoire personnelle : un membre de sa famille a été enlevé lors de la guerre civile et n'a jamais été retrouvé. Cette œuvre originale et forte sur Beyrouth dans la tourmente, dans la mémoire cruelle des années de guerre civile, il est permis d'espérer que le jury du Festival de Locarno lui accordera l'attention qu'elle mérite. Un jour parfait, qui se déroule en l'espace de 24 heures dans la vie de Malek, a des airs de famille avec les documentaires faits aujourd'hui au Liban, mais c'est incontestablement une fiction. Le phénomène est très courant dans les festivals : il y a forcément des films venus de la sphère asiatique, de Bollywood et d'ailleurs. C'est le cas d'une œuvre à l'aspect burlesque, tournée à Bangkok en technicolor par le Thaïlandais Wsit Sasanatieng : Citizen Dog (citoyen chien). Wisit a déjà fait un western fameux vu au Festival de Bengkok : Tears of the Black Tiger (les larmes du tigre noir). Pod, le jeune héros de Citizen Dog, travaille dans une usine, une conserverie de poissons. Horreur tragique : un jour, c'est son doigt qu'il coupe et met dans la boîte aux lieu et place du poisson. Pod, le distrait, recherche alors dans tous les supermarchés de Bangkok la boîte qui renferme son doigt. Cela accapare l'essentiel de son attention jusqu'à ce qu'il retrouve son doigt et découvre l'amour dans son nouveau job de garçon d'ascenseur dans une autre entreprise. Wisit tire le plus possible son film vers la comédie loufoque, fait preuve de beaucoup d'invention dans le rythme de la mise en scène et ajoute aussi des séquences de comédie musicale. Bref, ce disciple des Max Brothers a beaucoup d'humour, et il s'en sert à tout bout de champ pour séduire un public très populaire.