Après les monarchies du Golfe, l'Arabie Saoudite, le Koweït et le Bahreïn allant jusqu'à rappeler leurs ambassadeurs respectifs à Damas, les voisins de la Syrie ont décidé eux aussi d'interpeller les dirigeants de ce pays afin de mettre fin à la répression des manifestations qui durent depuis mars dernier. La pression sur la Syrie se fait par cercles concentriques, avec une forte activité diplomatique de la Turquie notamment, alors que le Conseil de sécurité a pu tout juste adopter une simple déclaration en attendant de savoir sur quoi débouchera la réunion prévue aujourd'hui. Il s'agit de la rencontre entre le roi d'Arabie Saoudite et le président turc qui ont abordé le dossier syrien, le premier rappelle-t-on ayant demandé aux dirigeants syriens «d'arrêter la machine de mort et l'effusion de sang avant qu'il ne soit trop tard», tandis que le puissant voisin a appelé son homologue syrien à ne pas attendre qu'il soit trop tard pour mener des réformes démocratiques. L'appel en question a été transmis par le chef de la diplomatie turque. Justement, de cette rencontre d'une durée exceptionnelle de six heures, entre Ahmet Davutoglu et le président Bachar El Assad, rien n'a été dit, sinon très peu. Mais, il semble que cette fois, la Turquie a décidé de finir avec ses appels, ce qui donne de la consistance à cette notion de temps – «trop tard» – rendue moins vague dans le discours turc, selon des médias de ce pays qui parlent quant à eux d'ultimatum. A croire ces sources, Bachar El Assad n'est pas prié de partir, mais de cesser sa répression et de lancer des réformes institutionnelles, et même très rapidement. «Jusqu'à maintenant, nous avons essayé de convaincre les nations occidentales de donner à El Assad plus de temps pour mener des réformes. Nous sommes aussi amicaux que nous le pouvons», aurait écrit le président turc Abdullah Gul au chef de l'Etat syrien, selon le quotidien turc Hurriyet. Il aurait ajouté : «Mais si le régime syrien n'écoute pas nos conseils, en tant qu'ami et voisin, et continue à tirer sur son peuple, nous ne pourrons plus être amis.» Treize ans après avoir frôlé une guerre, la Turquie et la Syrie sont effectivement devenues des partenaires stratégiques. L'essor des échanges commerciaux a augmenté de 43% en 2010 ; l'obligation de visas entre les deux pays a été levée. Le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan, a même déclaré récemment qu'il fallait considérer que ce qui se passait en Syrie relevait de la «politique intérieure de la Syrie». Cela fait exactement cinq mois que la Turquie appelle son voisin à entreprendre des réformes mais sans succès. Le discours a donc changé. Il est empreint de réalisme. Les deux pays partagent 900 kilomètres de frontières communes et, des deux côtés de cette frontière, une minorité kurde revendique plus d'autonomie. Hier, encore, la Turquie a perdu huit soldats, tués par les autonomistes kurdes, mais cette fois près de la frontière avec l'Irak. Au plan économique, en se rapprochant de la Syrie – et du monde arabe – la Turquie avait cherché à diversifier ses marchés. Cette stratégie est fragilisée par l'ébullition que vivent ces pays depuis quatre mois et les Turcs vont en subir les répercussions économiques. Il est évident, au regard de tous ces éléments, que le réalisme turc fait de la sécurité et de la stabilité un élément fondamental. Si celui-ci venait à se disloquer ou à disparaître, le risque deviendrait encore plus grand. C'est la région entière qui serait alors menacée. Lundi, la Turquie réitérait son opposition à une intervention étrangère en Syrie.