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Du mercure à l'air libre à Azzaba
Un drame écologique se joue dans l'indifférence
Publié dans El Watan le 12 - 09 - 2011

Le 4 juin 2005, le complexe mercuriel d'Ismaïl, le plus grand d'Afrique, ferme définitivement ses portes. Six années après, le lourd héritage, légué par plus de 33 années d'exploitation, est encore là avec ses risques, ses inquiétudes et beaucoup de non-dits.
Plus d'un million de tonnes de déchets contaminés (scories) s'entassent encore à l'air libre, au gré des intempéries et à la portée des enfants. Deux lacs de décantation non gardés, dont la teneur en mercure dépasse de plus de 40 fois la norme, regorgent, à ce jour, d'eau et servent souvent d'aire de jeux et de source d'irrigation. Et ce n'est pas tout.
Pour retrouver le complexe, il faut vraiment le chercher. L'ogre du cinabre, qui dresse comme un affront sa longue cheminée, dissimule cependant ses dangers au sud de Azzaba, à moins de 60 km à l'est de la ville de Skikda. La route en impasse, qui y mène, prend naissance de la RN44. Au bout et après plus de 3 km, le portail cadenassé du complexe boucle le trajet. A l'intérieur, l'atmosphère est comme… lugubre et le vert pâle des eucalyptus cache mal le ton corrodé des installations.
Une meute de chiens terrassés par la canicule rase mollement le sol et seul le bourdonnement des guêpes donne un semblant de vie. Le reste baigne dans un insoutenable silence. Ici, il ne reste que le directeur, un groupe d'agents de sécurité et le plus important stock de déchets spéciaux de tout le pays.
Quand on joue «dans» le mercure
Si le directeur accepte de parler «officiellement» (voir encadré), le personnel de sécurité, préfère garder le silence. A l'extérieur, par contre, les riverains parlent. Ils en parlent trop même. «Le mercure ? ... Il est juste là-bas…Venez, on va vous montrer.» Là-bas, c'est une décharge à ciel ouvert à moins de 400 m seulement à l'ouest de l'usine. Plus de 700 000 m⊃3; de scories de production (un million de tonnes), dont la teneur en mercure (Hg) avoisine les 0,050 g/kg, sont entassés ici, sans aucune surveillance, tout comme des dizaines de tonnes de tout-venant dont la teneur en Hg dépasse les 8 g/kg, selon un document du ministère de l'Environnement. C'est aussi un endroit hautement pollué enregistrant des concentrations mercurielles allant de 0,3µg/g à 54,4µg/g au sol et de 0,33à 1.32µg/g dans les sédiments, selon des travaux d'universitaires algériens.
Vus de loin, les monticules formés par les déchets se confondent presque dans le paysage. Ce n'est qu'en s'engouffrant, à travers une piste, qu'on découvre que la terre dans ces lieux change de couleur à chaque pas. Noire à l'amorce de la piste, elle vire aussitôt au rouge pour devenir étrangement blanche et comme enneigée au pied des monticules de scories. «Personne ne connaît la nature de ces particules. Tout ce qu'on sait, c'est que cette blancheur apparaît après l'assèchement des lieux», témoigne un riverain. Au niveau local, personne n'a voulu s'exprimer. Tabou ! Mais selon un rapport officiel du ministère de l'Environnement «plus de 60% de la composante de ces déchets se trouvent sous forme de particules fines», ce qui accentue leur propagation.
Le rapport va encore plus loin en révélant que «le site ne possède pas d'étanchéité à sa base et le matériau stocké non recouvert est soumis aux intempéries». Le rapport en question est tiré du «Plan d'action national pour la réduction de la pollution marine en Algérie due à des activités industrielles menées à terre». Il date de 2005. Depuis, les jeunes de la région n'ont jamais cessé de jouer dans cette décharge et de respirer les mêmes poussières. «N'étaient les contraintes du mois sacré du Ramadhan, vous auriez assisté à une rencontre de football», reprend notre accompagnateur. Effectivement, au milieu de cette décharge, un espace couvert de cette même substance blanchâtre est soigneusement délimité pour servir de terrain de football. Des deux côtés de ce terrain de fortune, deux lacs, qui accueillaient les eaux techniques de l'usine de mercure, sont toujours là, à la portée de tous.
«Oui, les enfants se hasardent des fois à se baigner dans ces lacs. On fait tout pour les en empêcher, mais il reste préférable que ces lieux soient fermés», ajoute notre interlocuteur. Selon plusieurs anciens employés de l'usine, le danger de ces deux lacs est beaucoup plus important que les scories. «Le complexe mercuriel n'a jamais disposé d'un programme de dépollution. En plus du mercure métallique, les lacs accueillaient également du sulfure mercurique (HgS) très peu soluble dans l'eau. Comme ces lacs faisaient partie du circuit fermé des eaux techniques, d'importantes quantités de mercure sont encore déposées sur la vase des lacs», explique nos interlocuteurs. Ces déclarations ne font d'ailleurs que confirmer celles faites par Chérif Rahmani, ministre de l'Environnement, en personne, qui, le 8 mai 2006 et lors d'une visite au complexe, avait insisté pour déclarer devant un parterre de journalistes que «la teneur en mercure des eaux des bassins de décantation était 40 fois supérieure à la norme». Et dire qu'aujourd'hui, ces eaux sont toujours utilisées pour irriguer quelques lopins de terre.
Il suffit de faire le tour du bassin n°1, le plus grand, pour débusquer des branchements de drain qui vont irriguer des terres situées à moins de 500 m seulement au nord des lieux. A-t-on conscience des dangers encourus ? «Danger ? Mais on peut vous montrer encore des habitations qui ont été construites avec ces déchets (les scories)», ironise presque un de nos accompagnateurs comme pour signifier, à sa façon, que le mercure est une fatalité qu'ils ont fini par accepter, puis à apprivoiser.
Du mercure contre le mauvais œil !
On laisse alors ces lieux à quelques vaches venues pacager pour suivre nos accompagnateurs à Guénicha, à la recherche d'autres révélations mercurielles. Guénicha est le dernier gisement minier exploité par l'Entreprise nationale des produits miniers non ferreux et des substances utiles (Enof). Sujet à de graves éboulements, il a été fermé en 2004.
Guénicha n'est qu'à 2 km au nord-est du complexe mercuriel. Au bout de la piste poussiéreuse qui y mène, on retrouve B. Mohamed. Retraité de l'Enof, il a passé plus de 20 ans à côtoyer le mercure à l'usine et aujourd'hui, il cultive un champ à proximité de la mine.
Enfin ce qui reste de la mine, car l'immense cratère, creusé à plus de 20 m de profondeur par des années d'extraction, a fini par constituer aujourd'hui un immense lac qui attise souvent la convoitise des riverains. «Vous voyez ces poutrelles en fer peintes en blanc ?
C'est moi qui les ai placées. J'ai écrit dessus des mots simples et à la portée de tous, pour que les gens comprennent la signification et les dangers du mercure», explique Mohamed. Il tient à affirmer qu'il irrigue son verger à partir d'une source non contaminée et jure qu'il n'utilise jamais l'eau du gisement. «Elle est trop polluée», estime-t-il en reconnaissant que des agriculteurs de la région s'en servent abondamment. De toute façon, même si elles ne sont pas pompées, ces eaux finiront par se déverser lors de la saison pluviale, grâce à de longs sillons, volontairement creusés. Toute la plaine de Azzaba se verra ainsi arrosée… de résidus de mercure ! On apprendra plus tard que l'Enof délègue un gardien pour surveiller les lieux.
Plusieurs riverains affirment, cependant, que le gardien assure la surveillance de 8h à 16h seulement. «En plus, pour trois jours de travail, il bénéficie d'une récupération de deux jours de repos et laisse les eaux de la mine sans aucune surveillance. Les gens ici ont fini par connaître son emploi du temps et peuvent ainsi disposer de ce liquide à leur guise», atteste un vieux de la région. Mais quand on lui rappelle que le mercure reste un produit nocif pour la santé, il esquisse un sourire et rétorque : « Dangereux ? Donnez-le moi alors. Ici, tout le monde recherche le mercure et beaucoup de maisons en disposent. C'est le meilleur moyen contre le mauvais sort. Quelques traces de mercure accrochées comme talisman suffisent pour chasser le mauvais œil !» Du mercure contre le mauvais œil, ou plutôt contre mauvaise fortune ? On vous le disait, le mercure, ici, n'est pas évoqué en termes de norme ni d'analyses. C'est une longue chronique populaire qui a fini par s'intégrer dans les us et les coutumes des gens. Dans leur âmes et surtout, dans leur chair !


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