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Plaidoirie pour la réforme
Syndicat de l'UGTA
Publié dans El Watan le 26 - 02 - 2006

« Dans le règne des fins, tout a un prix ou une dignité. Ce qui a un prix peut être aussi bien remplacé par quelque chose d'autre, à titre d'équivalent ; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, et par suite, n'admet pas d'équivalent, c'est ce qui a une dignité »
Emmanuel Kant
La relation historique entre la classe ouvrière algérienne et le syndicat UGTA a curieusement relevé d'une sorte de chassé croisé. Lorsque le syndicat semble fort, la classe ouvrière est relativement faible et inversement, lorsque celle-ci semble constituer un puissant levier de changement et se métamorphoser en véritable mouvement social, le syndicat est mou et réfute toute forme de mobilisation. A l'indépendance, la classe ouvrière était faible, le syndicat en revanche était fort. C'est grâce à des syndicalistes que les services publics sont restés opérationnels. Le mouvement syndical était fort, car le pouvoir politique actuel ne s'était pas encore transformé en bloc hégémonique et n'avait donc pas de prise directe sur le syndicat. Cela explique pourquoi le syndicat avait conservé entre 1963 et 1965 son autonomie d'action et a pu éviter toute subordination au pouvoir politique. Jamais un cadre institutionnel n'a eu autant que l'UGTA à faire face au pouvoir dans la tenue de ses congrès, dans le choix de ses dirigeants et dans la confection de ses textes doctrinaux. Chaque régime évince la direction syndicale installée par ses prédécesseurs. L'UGTA est devenue le produit de l'Etat parti. La conduite des cadres syndicaux est définie et dictée par leurs relations avec les détenteurs réels du pouvoir qu'avec le mouvement et les protestations ouvriers. La logique de l'UGTA est de subordonner le mouvement social aux fractions dirigeantes de l'Etat. Une manière bien réfléchie d'empêcher la classe ouvrière d'entrer en scène comme force sociale autonome et libre et comme levier du changement social. Telles sont les fonctions essentielles imparties désormais à l'UGTA. Telles sont aussi les raisons historiques de son incapacité à mobiliser, à proposer une stratégie de lutte et à définir un programme à partir des protestations. Il y a une situation de grand déphasage entre l'UGTA et le mouvement social. La classe ouvrière est parfaitement présente dans les luttes sociales - le nombre de grèves et de conflits ayant éclaté témoignent des véritables aspiration de la classe ouvrière -, mais son mouvement n'est pas encore lié à une organisation syndicale indépendante et démocratique qui relève de la seule tutelle sociale des travailleurs, ni encore articulée à un mouvement contestataire principal, qui associe la sphère du travail et la sphère civile et lutter conjointement contre la domination s'étendant à l'ensemble du système social. A force de refuser de prendre position contre le pouvoir, c'est-à-dire de faire cause pour les travailleurs dont elle s'est attribué l'autorité de commandement, à l'exclusion de tout autre syndicat, la centrale syndicale a fini par devenir servile au détriment de ses propres principes fondateurs qui ont fini par être totalement reniés. L'injustice sociale, le comportement ostentatoire des nouveaux riches, richesses acquises après des séries de blanchiment d'argent principalement issu de la rapine des biens publics, ont rendu les disparités des classes plus apparentes et donc incontournables. Ces injustices ne peuvent être réparées, ni être réduites à une revalorisation humiliante du SMIG, ni bernées par les promesses d'une tripartite, dont le chef du gouvernement vient de donner l'avant-goût allant en ligne droite des injonctions des instances monétaires internationales. L'UGTA, à l'instar des autres organisations de masses, a été engloutie, à partir de 1965, pour devenir un simple appareil idéologique de l'Etat au service des hommes forts du moment. Rien ne sert de dénoncer le FMI au moment où son délégué a refusé catégoriquement toute augmentation des salaires, après une hibernation syndicale, qui a donné le temps et les moyens à cette instance d'accaparer des leviers et des décisions économiques du pays en parfaite collusion avec le pouvoir en place. Accuser ce délégué d'ingérence dans la politique nationale, dans ces conditions de cautionnement de la politique du pouvoir (soutien de la CEN du programme capitaliste du président) est un non-sens et une duperie de trop. Le monde du travail n'est ni amnésique ni débile. La loi sur les hydrocarbures a été rejetée tambour battant par la CEN-UGTA pour qu'elle l'approuve à l'unanimité de ses membres quelque temps après. Après la dénationalisation des hydrocarbures, le démantèlement et la déréglementation des services publics, les licenciements des travailleurs et la précarisation de l'emploi, les discours populistes via des sorties médiatiques ne sont qu'une bave, voire un crachat au visage des millions de simples travailleurs. Depuis des années, il n'y a eu ni une vraie politique salariale ni une réelle politique de l'emploi. Le monde du travail, tous secteurs confondus, est dominé par le contrat à durée déterminée (CDD), Ô combien sous-payé. Cette situation précaire a généré un recul effarant du niveau de syndicalisation du secteur public, toute l'expérience acquise par les instances monétaires internationales dans le terrassement des peuples a été ingénieusement déployée en Algérie. Quant au « secteur privé » devenu la fierté des dirigeants politiques algériens affiliés aux instances monétaires internationales, l'application relative de la législation du travail est une chimère. Quant à l'idée d'accepter l'existence d'une section syndicale, elle relèverait du péché capital. Cette situation s'est vu accentuer par la politique du pouvoir, via de ridicules formules d'emploi de jeunes, pré-emploi... Ces « techniques d'absorption du chaumage » ont élargi la sphère du lumpenprolétariat et du non-droit dans le monde du travail et du règne de l'anté-syndicalisme dans les milieux du travail. Des jeunes, en majorité des jeunes filles, sont astreints à travailler des journées complètes en contrepartie de rémunérations dérisoires, voire des « pourboires ». Ces victimes de l'esclavagisme moderne et légalisé par des pouvoirs d'essence féodale attendent un éventuel recrutement décent qui ne verra jamais le jour. La réforme radicale de l'UGTA est non seulement une urgence mais une nécessité vitale pour la survie même de cette structure historique. Le statu quo est synonyme de disparition pure et simple, car les contradictions en son sein ont atteint un niveau qui impose un changement radical. L'état-major de l'UGTA n'a qu'un seul choix à faire entre sauver ce cadre de combat en le restituant aux travailleurs et rendre cette structure à sa vocation ou donner la priorité à leurs bas intérêts et égoïsmes au détriment de l'œuvre géante de Aïssat Idir. La centrale syndicale s'est transformée en un appareil. Cette importante forme de distorsion a été étudiée par le sociologue allemand Robert Michels (1). Selon son analyse, le malaise d'une organisation survient lorsqu'elle déplace son but, c'est-à-dire, substitue à son but légitime un autre but pour lequel elle n'a pas été créée et pour lequel aucune ressource n'a été attribuée pour assurer sa réalisation. Une fois ce niveau de distorsion et de déviation atteint, l'organisation inverse l'ordre des priorités entre ses buts et ses moyens de telle sorte qu'elle fasse de ses moyens le but et de ses buts un moyen. Fondamentalement, l'organisation est un instrument. Elle est créée pour réaliser des objectifs spécifiques. Mais, au cours du processus qui la crée, qui lui procure des ressources et des assises, se constituent des groupements d'intérêt qui sont fréquemment plus motivés par la préservation et l'accroissement de l'organisation elle-même que soucieux de l'aider à réaliser ses objectifs. Initialement, ces groupes d'intérêt utilisent alors les buts de cette organisation comme des moyens d'acquérir le statut sociologique de la parole, à savoir se perpétuer à la tête de l'organisation et s'assurer des statuts au sein de la communauté... Bref, utiliser l'organisation comme un moyen au service de leurs propres buts faits d'intérêts étroits. Le livre de Michels passe pour être la première analyse sérieuse de ce phénomène fréquent de déplacement des buts. Les dirigeants consacrent leurs efforts pour se maintenir à la tête de ces structures, car la perte de cette position les aurait contraints à retourner au travail, à retrouver une existence d'un moindre prestige, de bas revenu et dépourvue de la gratification psychologique découlant du leadership. En Algérie, ces positions permettent un accès facile au monde des affaires et aux accointances avec les décideurs de l'ombre ou à défaut avec leurs sous-traitants agissant à visage découvert. Michels montre à travers son analyse que pour tous les motifs précités, les dirigeants sont attentifs à s'établir solidement dans leurs fonctions par le contrôle des moyens de communication au sein de l'organisation et par l'absorption ou alors la purge des jeunes travailleurs et des syndicalistes combatifs. La suspension du secrétaire général des Douanes M. Badaoui* est un exemple édifiant d'étouffement des voix discordantes. Les buts de cette organisation, soutient Michels, se trouvent détournés, les dirigeant sont de moins en moins soucieux de prendre des risques dans la poursuite de leurs activités par crainte de courroucer le pouvoir et de mettre ainsi en péril l'existence de leurs intérêts. Au lieu de se battre, ils préfèrent renforcer l'organisation dans ses avoirs et asseoir les positions des dirigeants. Par ailleurs, Robert K. Merton (2), dans son livre Social Theory and Social structure démontre que la bureaucratie exerce certains effets sur la personnalité des membres au sein d'une organisation. Elle encourage la tendance à adhérer rigidement, par intérêt personnel, aux ordres et aux règlements. L'adhésion à la politique de l'organisation existante, quelle qu'elle soit, devient le but de ses membres. Une organisation qui n'est pas intérieurement démocratique ne peut avoir comme objectif d'établir un régime démocratique dans la société où elle opère. L'UGTA s'est transformée en un appareil au service des hommes forts du pouvoir et des syndicalistes véreux et carriéristes. « La
notion d'appareils réintroduit le fonctionnalisme du pire », disait Bourdieu (3). C'est une machine infernale, programmée pour réaliser certaines fins. Le système scolaire, l'Etat, les partis, les syndicats ne sont pas, pour cet éminent sociologue et non moins militant, des appareils mais des champs. Cependant dans certaines conditions, ils peuvent fonctionner comme des appareils. Ce sont ces conditions que Bourdieu a examinées. Il a révélé que dans un champ, des agents sont en lutte avec des forces différentes et selon des règles constitutives de cet espace de jeu, pour s'approprier les profits spécifiques qui sont en jeu. Ceux qui dominent le champ ont les moyens de le faire fonctionner à leur profit mais ils doivent compter avec la résistance des dominés. Mais un champ se transforme carrément en appareil lorsque les dominants ont les moyens d'annuler la résistance et les réactions des dominés, c'est-à-dire lorsque tous les mouvements vont du haut vers le bas et que les effets de domination sont tels que cessent les luttes et la dialectique qui sont constitutifs d'un champ. L'appareil est une étape que Bourdieu considère très judicieusement comme une pathologie du champ. L'évolution de l'UGTA ne diffère pas de celle du pouvoir politique. Que reste-t-il de la CEN sinon une présence de figurant consentant pantin des jeux et des enjeux des luttes d'intérêt des clans au pouvoir. Les responsables syndicaux les plus haut placés adoptent à l'égard du pouvoir une conduite identique à celle des courtisans à l'égard de la monarchie. Ils jurent fidélité au système en place et à l'ordre néolibéral et néo-impérialiste en échange de l'autorité sur leur fief. Il n'y a qu'à voir le non-renouvellement de mandats dans plusieurs syndicats d'entreprise et dans plusieurs fédérations, en violation des statuts de l'organisation et de la législation du travail. Si le pouvoir tolère des prolongements illégitimes des mandats syndicaux, ce n'est certainement pas par ignorance encore moins par bonté. Le pouvoir politique et les employeurs préfèrent négocier le sort des entreprises publiques avec des syndicats illégitimes pour n'y trouver qu'allégeance en contrepartie d'intérêts personnels qui parachèvent le musellement. Au lieu d'être à l'écoute des soubresauts de la société, de sa mobilité et de sa perpétuelle dynamique, leurs yeux rivés au sommet de l'Etat nos dirigeants syndicaux déterminent leurs positions en fonctions des luttes des clans à l'intérieur de l'establishment. Hélas, la centrale syndicale se définit par son double rapport aux détenteurs du pouvoir et aux gens d'en bas, entre les dominants et les dominés, les bourreaux et les victimes, elle ne cesse, tel la chauve souris de la fable, de proclamer : « Je suis oiseau, voyez mes ailes ; je suis souris, vive les rats ! » A force de s'accrocher aux forts du moment, la CEN-UGTA a fini par rompre le cordon ombilical qui la reliait à la base qui l'a promue. La réforme de l'UGTA ne doit pas se résumer, comme le suggèrent certains syndicalistes, à de simples « réformettes » qui vont refléter la lutte des clans, voire une bipolarité FLN-RND au sommet de cette structure, car il n'est plus un secret pour personne que chaque parti tente d'exploiter l'assujettissement actuel de l'UGTA, afin de mieux s'imposer dans les joutes électorales.
(A suivre)
Notes de renvoi
* M. Badaoui : Syndicaliste des Douanes
1) Robert Mitchels, in Political Party ; New York ; Dover ; 1959.
2) Robert K. Merton ; in Social Theory and Social Structure ; Free Press ; 1957.
3) Pierre Bourdieu ; Questions de sociologie ; éditions de Minuit ; 1984.


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