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«C'est l'expression de la faillite de l'Etat»
Mohamed Djelmami. Figure politique à Ghardaïa
Publié dans El Watan le 05 - 02 - 2014

Figure militante de la vallée de M'zab, Mohamed Djelmami, un «out spoken» comme il aime à se définir, replace les événements de Ghardaïa dans un contexte historique, politique et social pour donner des clés de compréhension de la crise.
- Comment la vallée de M'zab a-t-elle basculé dans des violences qui ont duré près d'un mois ?

Avant l'éclatement des événements, il faut dire que tous les ingrédients étaient réunis. Il a suffi d'une étincelle pour voir Ghardaïa brûler. Nous avons tiré la sonnette d'alarme, les pouvoirs publics sont restés sourds. Plusieurs agressions ont été signalées, mais les autorités n'ont pas réagi. La ville est livrée à des bandits, à des barons de la drogue connus de tous, qui bénéficient du laxisme et de la permissivité des services de sécurité. L'élément déclenchant a été un sit-in devant le siège de la wilaya, qui s'est transformé en une occupation de la voie publique, suivie de la provocation des commerçants mozabites à qui on intimait l'ordre de fermer sous peine de représailles. Ces fauteurs de troubles se sont effectivement attaqués au magasin d'un Mozabite (M. Ballouh). La sécurité réclamée par les commerçants n'arrivait jamais. La provocation est montée d'un cran, prenant une autre allure en s'attaquant au cimetière Cheikh Salah, puis la profanation de la tombe de Cheikh Ammi Saïd, puis la destruction du mausolée. Une ultime provocation qui a mis le feu aux poudres. Tout cela se déroulait sous le regard des forces de police. Une permissivité manifeste, pour ne pas dire autre chose.

- Pourquoi justement la tombe de Ammi Saïd ?

Cheikh Ami Saïd est le symbole ibadite dans cette région. C'est grâce à lui qu'il y a eu ce renouveau. Dans l'histoire de cette région qui a plus de mille ans, une épidémie ravageuse, au XVIe siècle, a décimé une grande partie de la population et surtout ceux qui savaient lire et écrire, véhiculer le savoir. Il fallait remédier à cela car nous avons toujours vécu dans une société très structurée. Les notables d'alors ont envoyé des émissaires à Djerba (Tunise) – parce que cette région était la plus proche qui pratique le même rite ibadite que nous – pour faire venir quelqu'un qui redonne une assise au savoir dans cette région. Ils ont envoyé cheikh Ammi Saïd. Dès son arrivée, il a commencé à restructurer la vie spirituelle de la région, en apportant beaucoup de choses. C'était quelqu'un de caractéristique. Il n'était pas venu seul, il avait ramené avec lui un certain nombre d'artisans pour donner aussi une assise économique, du savoir et de la science. Pour nous tous, dans notre conscience, cheikh Ammi Saïd est le père spirituel de la région. On a voulu s'attaquer à ce symbole. Une grave atteinte. C'est la première fois que cela arrive. Vous savez, on s'en fout du côté matériel vandalisé, mais la profanation de la tombe de Cheikh Ammi Saïd nous ébranlés parce qu'on s'est attaqué à l'essence de la société mozabite. Ce qui est curieux c'est que ces gens-là ont eu toute la latitude et la liberté de commettre un tel acte, en présence des forces de police qui avait les moyens d'empêcher cela.

- La vallée a été secouée plusieurs fois, mais la particularité, cette fois-ci, est que la violence s'est étalée dans le temps et dans l'espace. Comment l'expliquez-vous ?

En effet. Parce qu'il n'y avait pas de réaction immédiate, comme il se doit, des autorités locales, et je pense surtout aux forces de l'ordre. Leur mission première et constitutionnelle est de protéger les biens et les personnes et de maintenir l'ordre. Cette fois-ci, il y a eu une faille et elle est flagrante. Autre raison : auparavant –j'ai vécu toutes les convulsions – il n'y avait pas de riposte de la part des Mozabites. Cette fois-ci, il y a eu riposte des jeunes mozabites dans la défense.
La configuration économique et sociale de la société a complètement changé. Il y a beaucoup de jeunes sédentarisés en raison de l'implantation des lycées, de l'université et d'une activité commerciale. Il y a eu riposte et je suis catégorique, elle visait à défendre les biens et les personnes. Jamais, dans l'esprit des jeunes Mozabites, il n'a été question d'attaquer ou de porter atteinte ou d'agresser. Dans notre école ibadite, la vie humaine est le summum de la sacralité. Rien ne peut justifier d'ôter la vie à quelqu'un. Parce que donner la vie et l'ôter est un attribut divin. Si vous ôtez la vie à quelqu'un, vous disputez cet attribut au Créateur suprême.

- Ne pensez-vous pas que dans l'éclatement de cette violence existent aussi des raisons historiques ?

Absolument. Il y a une accumulation couplée d'une exaspération d'une jeunesse qui ne demande qu'à travailler paisiblement, à concourir au développement du pays, à élever des enfants éduqués. Mais nous observons que depuis l'indépendance, il y a des facteurs qui aggravent la situation par des discours politiques, par des comportements sur le terrain. Ce phénomène de désespoir. Comme a dit Camus, «l'habitude du désespoir est plus terrible que le désespoir lui-même». Quand il y a accumulation d'injustices, on atteint un désespoir à l'échelle de la personne et de la société aussi.

- Justement, quel a été le rapport de l'Etat central à la société mozabite ?

Dès l'indépendance, il s'est instauré une dichotomie par un discours qui divise, prôné par le parti unique, qui affublait la partie arabophone de tous les louanges, révolutionnaires et nationalistes ; de l'autre côté, les Mozabites étaient traités de vassaux de la France, réactionnaires et bourgeois. Tel était le discours qui a prévalu durant toute la période hégémonique du parti unique. Je me souviens bien des discours des membres du comité central qui venaient ici, dans la vallée du M'zab, pour essayer de comprendre les choses, et se mettaient automatiquement du côté de la partie arabophone, parce que le parti unique à Ghardaïa – on peut interroger les archives – a été toujours tenu par les arabophones. Le parti unique a été désastreux pour cette région. Il est arrivé qu'il s'immice même dans les fêtes de mariage mozabites, alors qu'elles sont privées. Dans le temps, il m'est arrivé de vivre cela à deux reprises dans un mariage mozabite où des gens du parti venaient au beau milieu de la fête dire : «C'est un fait culturel et la politique culturelle, c'est nous.»

- Pourquoi ce parti pris du parti unique ?

Une propagande a été vite distillée, nous taxant de gens n'ayant pas participé à la Révolution. Mais dans le temps, la plupart des Mozabites, dès l'âge de quatorze ans, partaient au nord du pays pour travailler ou étudier. Il ne restait que les femmes et les enfants à Ghardaïa. Cette vallée a toujours était un havre de paix, mais le parti unique et le pouvoir ont tout fait, par différents procédés pernicieux, pour créer ces clivages et ces tensions.
Je dois rappeler également un fait important. Nos pères et militants mozabites et même nos cheikhs étaient pour la légalité historique et la légitimité du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). Ils étaient en opposition avec le pouvoir qui s'est mis n place un certain été 1962. Pour eux, il y avait un gouvernement provisoire qui a conduit la Révolution et qui a négocié les Accords d'Evian. Et du jour au lendemain, on se retrouve avec une junte militaire qui commande l'Algérie. Mon père, qui avait connu Abane Ramdane dans le temps à Chelghoum Laïd, était du côté du GPRA à l'indépendance. Le parti unique avait un discours belliqueux, une animosité extraordinaire vis-à-vis des Mozabites. J'ai vécu cela personnellement. La révolution agraire a fait le reste, elle a causé la spoliation des terres appartenant aux Mozabites. Même un cimetière a été versé à la Révolution agraire. Des terres qu'on n'a pas pu récupérer jusqu'à maintenant alors que dans d'autres régions du pays, tout le monde a repris ses terres.

- Beaucoup pensent que cette violence est l'expression d'un conflit communautaire.Qu'en pensez-vous ?

Nous avons beaucoup entendu et lu qu'il s'agissait d'un conflit ibadites-malékites, moi, je ne le pense pas. Nous, l'école ibadite, nous vénérons tous les imams de toutes les écoles et les oulémas aussi. Parce qu'on considère que ce sont des gens d'une extrême piété, très proches du Prophète ou de ses apôtres, donc ils ont encore cette forme de l'islam a l'état pur. Il n'y a pas, en ce qui nous concerne avec l'imam Malek, Chafai ou Iben Hambel. Nous les considérons tous comme d'authentiques savants musulmans qui ont contribué au développement du savoir dans l'islam. Dans nos prêches, nous citons catégoriquement l'imam Malek et les autres imams. Il y a des écoles, mais l'islam est unique, un seul prophète et un seul Dieu. Mais je dis que le grand problème vient des salafistes qui nous empoisonnent la vie et celle de toute l'Algérie. Peut-être est-ce un problème qui se pose avec une certaine acuité ici ; mais je sais qu'il va se poser si l'Etat ne met pas le hola. Ce mouvement salafiste va poser de graves problèmes dans toutes les parties de l'Algérie. Ils sont aussi contre l'imam Malek. Ce n'est pas un problème d'écoles religieuses. C'est archi faux.

- Après cette épreuve de violence, la cohabitation est-elle encore possible ?

Elle prendra du temps. Mais il faut faire vite. Je lance à un appel à toutes les bonnes volontés, et je suis sûr qu'elles existent dans les deux communautés, de travailler vite et bien et de voir grand. Essayer de contrecarrer ces gens-là qui sont toujours présents pour des visées multiples. Toutes les bonnes volontés doivent s'unir pour asseoir une fois pour toutes une communauté digne de ce nom, diverse, multiple et enrichissante. Si on laisse l'obscurantisme nous envahir, tout deviendra noir, mais si la lumière jaillit comme l'aurore, l'obscurité reculera. Ces bonnes volontés ont un peu laissé le terrain accaparé par les forces démoniaques. Il est temps de reprendre les choses en main et d'étayer tous ce qui s'est produit afin d'asseoir quelque chose de sain. Il faut trouver un terrain pour vivre ensemble. Il est là mais il ne faut pas que ce soit seulement au niveau des discours creux et des vœux pieux, par des actions communes pour ces jeunes afin de les éloigner de ces discours belliqueux. J'aspire à faire beaucoup de choses, au niveau des deux communautés, pour controverser ces forces obscures qui ont envahi la région.


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