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L'arbre du sens
Adonis et les «printemps arabes»
Publié dans El Watan le 08 - 03 - 2014

Le plus grand poète arabe vivant fait irruption dans l'actualité.
Le philosophe français Gilles Deleuze définissait l'intellectuel comme un producteur de concepts, donc d'idées qui font avancer la société. Et cela ne manque pas dans le nouvel essai du poète syrien Adonis, intitulé Printemps Arabes, religion et révolution. Loin des conclusions hâtives et des enthousiasmes destructeurs sur ce qui est désormais appelé «Le printemps arabe», Adonis tente d'apporter un point de vue inédit. Cet ouvrage politique et polémique est une compilation d'articles publiés dans la presse arabophone où sa fibre poétique est mise au service de l'analyse et de la déconstruction des échecs répétés qui caractérisent le fonctionnement des régimes en vigueur dans le monde arabo-musulman.
Ne laissant personne indifférent, Adonis incarne dans ce siècle et pour le monde arabo-musulman la vision du personnage atypique du poète qu'en avait le philosophe grec Platon qui aspirait à l'exclure de la Cité. C'est peut-être l'une des raisons qui ont amené Adonis, plusieurs fois éconduit par le Nobel de littérature, sur les chemins de l'exil. Pour rappel, Adonis est originaire du nord de la Syrie, des environs de Lattaquié où il est né en 1930. Il a fait des études de philosophie à l'université de Damas. Dans l'étude qui inaugure son ouvrage au titre très lyrique Arbre du sens, quand les vents des images soufflent-ils ?, Adonis compare le monde arabe à Sisyphe, condamné à aller d'échec en échec sans en tirer les conséquences. Il dénonce d'abord la censure qui sévit dans cette aire linguistique particulière en écrivant : «Dans la structure de la société arabo-musulmane, la censure est un élément dynamique de la politique et de la culture. L'individu dans une telle société naît ''enchaîné'', en dépit des paroles attribuées au calife Omar Ibn Al-Khattab : De quel droit asservir les gens alors qu'ils sont nés libres ?».
C'est justement ce manque de liberté qui a été le déclencheur de la colère de la rue arabe en décembre 2010 avec l'immolation du jeune martyr tunisien, Bouazizi. Adonis explique le geste suicidaire de Bouazizi comme «le sens de la présence humaine». Les cendres du jeune Tunisien ont fertilisé de façon symbolique le désir d'en finir avec la servitude et de redécouvrir le sens de la citoyenneté. Cette mort paradoxalement héroïque a fécondé les revendications latentes de liberté qui gisaient dans les abîmes de la domination instituée par des pouvoirs corrompus et despotiques.
Ainsi et sans attendre, les jeunes des deux sexes et de confessions différentes se sont réveillés et ont occupé les places publiques en Tunisie, en Egypte et dans d'autres pays arabes avec un seul slogan : la Liberté. Ce leitmotiv instaure une nouvelle manière de lutter qui fait fi de l'appartenance religieuse et tribale, les deux piliers sur lesquels les régimes despotiques construisaient leur pérennité dans le monde arabe. Adonis voit dans cette nouvelle façon d'occuper l'espace public l'entrée du monde arabe dans «une nouvelle ère».
Il justifie ainsi cet avènement : «La démocratie se fonde sur une culture que nous, les Arabes, n'avons pas. La culture qui reconnaît l'autre, le différent, au sein de la même société, non au sens éthique laxiste, mais au sens organique social». Cette jeunesse qui a invalidé les idées reçues sur le fonctionnement des sociétés arabes a reçu comme seule réponse à ses doléances l'exercice de la violence et la répression dans le sang. Adonis explique ainsi cette propension des despotes à répondre aux revendications par le feu des armes : «Dans chaque tyran se cache un lapin prompt à la lâcheté et à la fuite».
Mais le poète-philosophe ne cède pas aux sirènes de l'enthousiasme béat et revient toujours à l'histoire pour en tirer les leçons qui s'imposent. Dans ses écrits, il met en garde contre les dangers qui guettent ces jeunes révolutions qui, certes, ont balayé des dictateurs ignobles, mais doivent aussi apprendre à la société de se débarrasser des tares qui ont prospéré sous ces régimes honnis. La révolution signifie aussi des changements profonds dans la société, à savoir l'acceptation de la différence et le dialogue permanent pour désamorcer les crises.
Par ailleurs, Adonis reste très attentif à ce qui se passe dans son pays, la Syrie. Fort de sa légitimité de poète célèbre, il interpelle le président Bachar Al Assad par le biais d'une lettre ouverte publiée par le journal libanais, As-Safir, le 12 juin 2011. Adonis rappelle au président les échecs du parti Baas syrien qui a étouffé le pays et ses potentialités en étant «tout au plus ''une société de bienfaisance'' qui récompensait ceux qui lui vouaient un culte : la seule loyauté était synonyme de culture, les promesses et les slogans naïfs synonymes de pensée, toute culture civile libre était définitivement bannie de son horizon».
Adonis utilise une argumentation rationnelle dénuée de toute animosité et de toute virulence et son écriture raisonnée échappe au style du tract politique. Il n'oublie pas de rappeler tous les dangers qui guettent la Syrie car certains opposants sont aussi violents que le régime en place.
Adonis «Printemps arabes, religion et révolution», Editions de la Différence, Paris, 2014.


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