Selon les chiffres communiqués hier par le ministre de l'Intérieur, plus de 8 millions d'électeurs, sur les 11 millions qui se sont exprimés, ont voté pour Bouteflika. Un fort taux d'abstention et un score brejnévien pour Abdelaziz Bouteflika. Le président-candidat, toujours malade, remporte le scrutin présidentiel de jeudi dernier sans faire campagne, avec 81,53% des voix exprimées. Une surprise pour tous les observateurs de la scène nationale qui ont, pourtant, constaté sur le terrain le rejet de l'option du 4e mandat et des émissaires du chef de l'Etat qui lui ont fait campagne par procuration. Mais au final, le chef de l'Etat, qui bat tous les records de longévité à la tête du pouvoir en Algérie, est crédité de plus de 8 millions de voix. Il arrive ainsi loin devant son concurrent principal, Ali Benflis, qui a été gratifié de seulement 12,18% des voix (plus de 1,2 million de voix sur un total de 10,2 millions de voix exprimées). En effet, les résultats du scrutin, annoncés lors d'une conférence de presse animée hier après-midi par le ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, suscitent déjà des commentaires. Car selon ces chiffres, les cinq autres candidats n'ont pas réussi à réunir 2 millions de voix. En plus de Ali Benflis, le candidat du Front El Moustakbal (avenir) arrive à la troisième place avec 3,36% (343 624 voix), Louisa Hanoune ne s'est classée que quatrième avec 1,37% (140 253 voix), Ali Fawzi Rebaïne est crédité de 0,99% (5e avec 101 046 voix) et enfin, Moussa Touati de 0,56% (57 590 voix). En annonçant ces résultats, Tayeb Belaïz tente d'anticiper toute contestation en niant l'existence de la fraude lors de cette élection. «Je me suis engagé à l'APN sur la neutralité de l'administration. Plusieurs dispositions légales ont été également prises dans ce sens. De plus, à la fin du scrutin, des PV de dépouillement ont été remis aux représentants des candidats qui les ont demandés. Qui pourrait frauder avec de telles conditions ? Celui qui l'aurait fait, je lui tire chapeau, car il est quasi impossible de trafiquer», estime-t-il. Et d'ajouter : «La nature humaine est ainsi faite ; celui qui gagne une compétition dit qu'elle s'est déroulée dans la transparence et le perdant affirme qu'il y a eu fraude…» Plus d'un million de bulletins nuls L'autre fait marquant de cette élection est le taux record d'abstention et de boycott. Plus de 48% des électeurs (11, 57 millions sur 22,88 millions d'électeurs) ont boudé les urnes. Et c'est une première dans l'histoire des élections présidentielles en Algérie. La majorité des partis d'opposition qui ont boycotté ou n'ont pas participé à cette joute ont, sans nul doute, pesé dans ce scrutin. Même si le ministre de l'Intérieur donne une autre explication à ce nouveau phénomène. Selon lui, «l'abstention lors des présidentielles est devenue une tendance mondiale actuellement». «Les gens ne s'intéressent plus à la politique. Dans beaucoup de pays, y compris les plus développés, le taux de participation ne dépasse pas les 50%, il se situe généralement entre 40 et 50%. De plus cette élection s'est déroulée dans des conditions particulières dans notre pays, à cause de l'insécurité aux frontières, l'effet des révolutions arabes, les quelques mouvements à l'intérieur du pays et des mains étrangères qui tentent d'attenter à la stabilité de l'Algérie. Le taux de participation de 51,70% obtenu est appréciable. En tout cas, ce phénomène d'abstention mérite une étude sociologique», dit-il.Il est à rappeler, dans ce sens, que son prédécesseur, Daho Ould Kablia, affirmait, pour justifier les taux gonflés de participation, «que les Algériens votent plus lors des présidentielles». L'autre phénomène sur lequel le ministre n'a pas soufflé mot est le nombre important de bulletins nuls : 1 100 000 voix nulles. Ce phénomène, constaté durant les dernières élections législatives et locales, renseigne aussi sur une autre tendance au sein de la société. C'est celle des déçus qui ne se reconnaissent pas dans les candidats en lice et préfèrent glisser un bulletin blanc. Lors de cette conférence, Tayeb Belaïz reconnaît également «la position politique des partisans du boycott». Il ne ratte pas l'occasion pour faire l'éloge du président Bouteflika qui, lance-t-il, «a hissé l'Algérie au septième et même au huitième ciel». «Mais il n'a pas promis de faire de l'Algérie la république de Platon», précise-t-il.