Quand le haïk dévoile une artiste déjà techniquement accomplie... Valentina Ghanem-Pavloskaya est tellement intégrée dans le paysage artistique algérien que sans son nom de jeune fille, ses apparences et son accent de comtesse russe exilée, on croirait qu'elle en a toujours fait partie. Venue à Alger en 1981 avec son époux, cette fille d'artistes, diplômée de l'Ecole des beaux-arts d'Odessa, a exposé une soixantaine de fois, en solo ou en groupe, en Algérie et à l'étranger. Elle a été en 1999 lauréate du Grand Prix de la ville d'Alger – distinction dont on n'entend plus parler d'ailleurs – ainsi que du concours international organisé en 2006 par le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement avec le Natural World Museum de San Francisco. Se consacrant pleinement à son art, elle produit régulièrement, s'inscrivant dans cette catégorie d'artistes qui refusent de s'enfermer dans «un style précis», déclarant l'inspiration du moment maîtresse de leur création. Pour autant, au fil des ans, sa manière de peindre l'identifie immédiatement, notamment par le romantisme de sa vision et la technique de ses œuvres. S'il fallait situer les sources de sa peinture, ce serait dans les débuts de l'art moderne qu'il faudrait chercher, avec une éventuelle propension pour les effets de l'Art Nouveau et son lyrisme de forme et de ton. Dans un texte de présentation de l'exposition, Noureddine Benferhat, grand amateur d'art, affirme d'ailleurs : «Après l'enchantement au contact de ce qui a été, demeure le souvenir qui devient par l'effet mental et affectif, esprit, âme où l'artiste apporte sa part d'invention, sa technique, ses couleurs, ses lignes de forme, donnant aux œuvres leur lumière et leur couleur dans un jaillissement par lequel se refait sous nos yeux, l'image oubliée qui devient, par la magie de l'artiste, un surgissement extraordinaire. Les toiles accrochées dans un ordre qui nous conduit dans un cheminement où les souvenirs réveillent une douce nostalgie, dans un enchantement sublimé par l'incandescence d'un camaïeux de blanc, donnant à toute la palette l'effet attendu de sérénité». Avec l'exposition «Reflet d'Alger», Valentina Ghanem-Pavlovskaïa s'est attachée au haïk blanc moiré des femmes d'Alger, lui donnant une dimension semi-figurative, jouant sur les nuances de blanc et faisant dire à Benferhat : «L'Etre dévoile en se voilant, comme l'exprime la mystique soufie. Les Algériennes en haïk se révèlent dans leur magnificence à travers l'esthétique feutrée des toiles exposées». Cependant, le geste créatif de l'artiste amène à dépasser le sujet initial. Qu'est-ce qui fait penser que l'artiste est en train de franchir un cap avec cette exposition, modeste par la taille mais révélatrice d'un éventuel processus créatif ? L'obsession de l'accomplissement technique, toujours élevé chez elle, et une inclination pour l'exotisme et la joliesse semblent désormais céder la place à une expression plus affirmée, capable de transcender les sujets en frôlant davantage l'abstraction. Valentina était déjà un très bon peintre recherché des collectionneurs. Elle devient un peintre qui a envie de dire et de se dire dans des élans proches du cubisme puisqu'elle reste attachée aux courants de l'art moderne.