Le Front national (FN) a cartonné, prouvant qu'il peut un jour espérer arriver aux plus hautes responsabilités. Profitant habilement de la crise économique, il engrange des points, surtout dans les départements où les difficultés sociales sont les plus importantes, mais pas seulement. Jouant le rôle du chevalier blanc qui va restituer leurs droits aux plus démunis, avec un illusoire programme qui emprunte à la gauche, le Front national a aujourd'hui deux mamans : Marine Le Pen, la présidente, et Marion Le Pen, sa nièce, benjamine de l'Assemblée nationale. Pour le parti dont Jean-Marie Le Pen a placé Jeanne d'Arc comme figure de proue, le leadership de ces deux maîtresses femmes n'est pas anodin. Dans l'imaginaire national où figure la pucelle d'Orléans comme héroïne boutant hors de France les Anglais, les deux dames deviennent-elles celles qui vont régler tout ce qui mine le pays ? En tout cas, le Front national sera présent dimanche prochain au second tour des départementales dans 772 duels, 297 triangulaires et une unique quadrangulaire... Parmi les huit élus dès dimanche soir, à signaler l'impressionnante victoire au premier tour de Joris Hebrard, avec 53%, dans le canton du Vaucluse qui comprend la commune du Pontet, en lisière d'Avignon. L'ex-maire du Pontet, invalidé de son élection à la tête de la mairie, s'était vu remplacé par une délégation exécutive, le temps que les élections communales se déroulent avant l'été. Il est sûr, désormais, de sa réélection. Le Vaucluse, actuellement à gauche, ne tient plus qu'à un fil. Jadis, laboratoire de l'extrême droite avec Orange, première ville tombée aux mains du FN en 1995 avec Jacques Bompard qui, depuis, a créé son propre parti (la Ligue du Sud), l'emprise de la mouvance d'extrême droite s'étend et de plus en plus de maires de la droite classique sont sensibles au chant des sirènes gagnant le Gard voisin. Même si c'est l'UMP (droite de gouvernement, opposition, arrivée en tête au niveau national) qui dirigera le département au lendemain du second tour, il est certain qu'ici plus qu'ailleurs, les passerelles, voire les alliances sur certains sujets vont se construire entre les deux tendances droitières largement majoritaires en France aujourd'hui. Le FN est d'autre part arrivé en tête dans 43 départements sur les 98 concernés par ces élections, décrochant ses meilleurs scores dans le Var (38,90%), l'Aisne (38,76%), le Vaucluse (37,40%), le Gard (35,54%), la Haute-Marne (35,13%) et l'Oise (35,11%), d'après les résultats officiels. Il est trop tôt pour en tirer les conséquences sur la vie politique française. Au soir du second tour, les forces en présence, clairement esquissées dimanche soir, vont s'affiner. En premier lieu, il est désormais certain que dans les semaines qui viennent, une recomposition de l'échiquier politique s'effectuera entre droite, centre et extrême droite, dans l'optique de décrocher le pouvoir national en 2017 (élections présidentielle et législatives). Par ailleurs, dans ce jeu amer du perdant-perdant, une nouvelle page s'ouvre pour la gauche, qui sera absente au second tour dans un canton sur quatre, sachant que si le Parti socialiste recule, la gauche de la gauche (Front de gauche, Ecologistes, divers) s'enfonce un peu plus encore, avec là aussi de sérieuses remises en question pour ne pas couler définitivement, avec une réflexion obligatoire sur les valeurs de la gauche qu'a pillées indûment le Front national.
