Les manifestations contre la pauvreté et le chômage ont cédé la place, durant les dernières 48 heures, à des actes nocturnes de pillage, à travers la République, obligeant le ministère de l'Intérieur à instaurer le couvre-feu. Les citoyens ont prêté main-forte aux forces de l'ordre pour rétablir la situation. D'ailleurs, plusieurs manifestations citoyennes ont été organisées en soutien à l'armée et aux forces de l'ordre, notamment à Feriana, Kasserine, Siliana, Bizerte et Menzel Bourguiba. Sur un autre plan, des groupes d'auto-défense ont été organisés par les citoyens dans les villes de Gabès, Sfax, Nabeul, Bizerte, Kasserine et bien d'autres pour soutenir les forces de l'ordre à faire face aux casseurs et braqueurs. Dans le même ordre d'idées, les cités Ennour et Ezzouhour à Kasserine, sièges d'affrontements jeudi soir entre les manifestants et les forces de l'ordre, ont été nettoyées par leurs habitants durant la journée d'avant-hier. Kasserine, berceau des dernières manifestations, n'a pas vécu d'attaques des institutions gouvernementales ou privées. Donc, là où la société civile est forte et assume son rôle d'encadrement, les casseurs et les délinquants ont été maîtrisés. Dans d'autres régions, comme Le Kram, Bab Jedid ou la cité Ettadhamen à Tunis, Sidi Bouzid, El Alia, Bizerte et d'autres points chauds, des bandes de délinquants ont essayé d'enfreindre le couvre-feu pour attenter aux biens publics ou privés. Mais le couvre-feu et la vigilance citoyenne aidant, la situation a été maîtrisée. Le ministère de l'Intérieur a mis à la disposition des citoyens des numéros verts pour dénoncer les agissements suspects. Sur un autre plan, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a adressé avant-hier un discours aux Tunisiens pour annoncer le couvre-feu et réclamer du gouvernement de faire davantage d'efforts contre le chômage et la pauvreté. Le président tunisien a également tenté de rassurer ses citoyens et les pays étrangers sur la stabilité de la Tunisie. La surenchère de Marzouki La situation désormais instable en Tunisie a fait réagir l'ex-président Moncef Marzouki qui a appelé, dans une interview avant-hier sur France 24, à un dialogue national pour discuter de l'avenir du pays et installer un gouvernement de sortie de crise. Marzouki n'appelle pas clairement à des élections anticipées, mais considère que le gouvernement de Habib Essid n'a aucun avenir et que le chef du gouvernement n'est qu'un «agent administratif auprès du président de la République». Comble de la surenchère, Marzouki accuse clairement les Emirats arabes unis de fomenter des troubles contre le Printemps arabe et contre la révolution en Tunisie. L'ex-président tunisien défend par contre le Qatar et le présente comme un allié des pays du Printemps arabe. Les propos de Marzouki sur les Emirats ont obligé le ministère tunisien des Affaires étrangères à publier, illico presto, un communiqué condamnant fermement ces déclarations qui pourraient nuire aux excellentes relations de fraternité entre la Tunisie et les Emirats. Concernant l'alternative politique du congrès de salut national, proposée par Marzouki, le président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, a considéré qu'il est inadmissible de tout recommencer à zéro après une seule année de pouvoir. «Personne n'a la capacité de réaliser le miracle de trouver un emploi à 700 000 chômeurs d'un seul coup», s'est-il exclamé avant d'ajouter qu'il faut donner le temps au gouvernement Essid pour pouvoir mener à bien sa stratégie, sachant que ce cabinet n'est ni idéal ni nul. «C'est un gouvernement qui comprend des compétences en son sein», a-t-il enchaîné, en mettant l'accent sur le fait qu'on avait, par le passé, promis monts et merveilles après le départ de la troïka du pouvoir. Mais les choses ne se sont pas arrangées, même après son départ, a-t-il ajouté. «C'est plutôt la situation qui est très compliquée en Tunisie», a conclu Ghannouchi.