Les enseignants retraités demandent une commission d'enquête pour les rétablir dans leurs droits. Le problème que pose la récupération des logements de fonction dans le secteur de l'éducation est, sinon un drame, du moins un déni de considération pour ces milliers d'éducateurs et d'éducatrices, qui ont consacré leur vie entière à cette noble profession qu'est l'enseignement. Si des cas d'occupation illégale de logements de fonction sont tout à fait identifiables, il n'en reste pas moins que la majorité des enseignants qui occupent encore ces logements n'ont pas de solution de rechange. Il faut que l'administration arrive à admettre que même après 30 ans de carrière, des enseignants se retrouvent en fin de parcours dans l'incapacité d'acquérir un logement, sous quelque formule que ce soit. Leur salaire de misère ne leur permet pas une telle acquisition. La circulaire émanant du ministère de l'Education, précisant que seuls les logements d'astreinte sont concernés par cette mesure, a été élargie et parfois démystifiée et n'a, de ce fait, pas trouvé un terrain d'application qui sied à sa juste valeur. Des logements qui se trouvent à 500 mètres des établissements scolaires ont été, on ne sait par quel tour de magie, transformés en logements d'astreinte. «J'ai été recrutée dans les années 1970. A la retraite, j'ai restitué à la direction le logement. Depuis, j'habite dans un autre bâtiment indépendant du lycée Hassiba Ben Bouali, qui plus est, se trouve à plus de 500 mètres de l'établissement. Cela fait 15 ans que je m'acquitte des charges locatives. Le lycée a fait un désistement pour que je puisse avoir le contrat d'abonnement d'électricité, de gaz et d'eau à mon nom. Je suis donc une locataire régulière en titre et en droit», confie une enseignante retraitée, qui occupe un logement de fonction et non d'astreinte dans la commune de Kouba. Et d'ajouter : «Il y a abus de l'administration…le logement est accordé en raison de la fonction d'enseignant, comme celui qui est accordé aux magistrats, aux policiers, etc. Le retraité a le droit de bénéficier des garanties du logement, même après la cessation d'activité.» Des cas qui méritent d'être écoutés C'est juste un alibi pour récupérer ces logements qui ne sont plus de fonction et les attribuer à un personnel qui, dans la plu-part des cas, n'a rien à voir avec le secteur de l'éducation. C'est ainsi qu'un employé de Michelin, ou encore une directrice de l'éducation d'une autre wilaya, occupent des logements de fonction qui reviennent en principe à d'autres. Il y a beaucoup de favoritisme et de passe-droits. A Mohammadia, dans l'est de la capitale, une soixantaine d'occupants de logement se trouvant en dehors des établissements scolaires ont été assignés en justice, alors que les logements qu'ils occupent peuvent faire l'objet d'une cessibilité conformément à la loi. «L'APC de Mohammadia a fourni au ministère de l'Education une liste de logements complètement fausse, car ces logements ne se trouvent pas dans l'enceinte des établissements. Nous avons même des procès-verbaux établis par des huissiers de justice, qui confirment nos dires», expliquent-ils. Ces enseignants, qui risquent de se retrouver dans la rue si rien n'est fait, déplorent la politique des deux poids, deux mesures, affichée à leur égard. «Notre cas est similaire à beaucoup d'autres qui, paradoxalement, ont été régularisés. S'ajoute à cela le fait que des enseignants se trouvant dans la même situation que nous n'ont pas été touchés. Nous avons fait des demandes d'acquisition dans le cadre de la loi sur la cessation des biens de l'Etat, depuis l'an 2000 pour certains d'entres nous. Cependant, nous n'avons toujours pas de réponse», affirment-ils. A Verte Rive, dans la commune de Bordj El Bahri, pour ne citer que les exemples les plus poignants, deux enseignants retraités occupent deux logements mitoyens. «Mon voisin a régularisé sa situation depuis fort longtemps, tandis que moi je bute contre un refus incompréhensible», assure-t-il. Et de poursuivre : «Pour donner la chipa, ils peuvent attendre, car on n'a pas été éduqués de la sorte.» Le cas de cette épouse d'un enseignant, dont on reproche à son défunt mari d'avoir vendu un logement et dépensé l'argent dans des soins hospitaliers, est déconcertant. «J'occupe ce logement qui dépend du lycée Racim depuis 1977. On vient maintenant me dire que je n'ai plus le droit d'y habiter. Où voulez-vous que j'aille à 78 ans», regrette-t-elle. Quand la justice et l'administration se liguent contre ces éducateurs sans moyens ni richesses, il est difficile de s'en extirper. «La machine de l'Etat est infernale. Elle broie tout sur son chemin. Des enseignants ont été expulsés de force par les services de sécurité, comme de vulgaires indus occupants. Toutefois, en tout état de cause, nous avons confiance en l'intégrité de certains hommes. Nous lançons un appel urgent aux hautes autorités de l'Etat pour diligenter une commission d'enquête et nous rétablir dans nos droits», concluent-ils.