Un sentiment étrange de paix et de révolte pouvait légitimement étreindre les spectateurs qui ont assisté au concert du groupe de musiciens du Nigérien Bombino, issu d'un terrain de luttes incessantes depuis au moins trente ans : le Sahel. On découvrait un rock sanguin, à fleur de peau, mais pas larmoyant, une musique vibrante qui n'a rien à voir avec les étiquettes qu'on veut lui affubler pour faire «musique du monde». Le rock, comme les peuples, n'est pas un produit qu'on met en cage. Il est universel. Bombino le prouve. Une gêne malgré tout, en sachant ce qui se passe dans les pays de la zone sahélienne. Un espoir enfin de voir la vie prendre le dessus, toujours, même si les instruments sont brisés par l'arbitraire, même si le sang des artistes et des créateurs coule désespérément. Les solos de guitare de Bombino et de ses musiciens rappelaient le vibrato et le saisissement jouissif des accroches déchirantes de Jimi Hendrix. La base rythmique solide évoque tout ce que se fait de mieux sur la scène rock mondiale. La partie batterie remet en mémoire la limpidité des grands groupes du genre qu'il est inutile d'énumérer ici. Avec, bien évidemment, une pointe de reggae. Bob Marley n'est pas mort pour rien. Les influences sont claires, éclatantes, témoins du tour du monde que Bombino a effectué depuis que son style est reconnu. Indéniablement, il s'est fait une place au soleil. Arles a offert le théâtre antique à celui qui vient du grand ciel étoilé du nord du Niger. Il y est né en 1980, à Tidene, un campement touareg dans les environs d'Agadez, dans une famille nombreuse, avec seize frères et sœurs. Tôt, à moins de 10 ans, il s'installe chez sa grand-mère. Las, très vite, lorsque les premières révoltes touarègues de 1990 éclatent, il fuit vers l'Algérie voisine, avec son père et sa grand-mère. Il reviendra à Agadez à l'adolescence, en 1997, avec l'idée de devenir musicien professionnel, En Algérie, il a rencontré quelques musiciens, ainsi qu'en Libye. Son premier album paraît. Il marche bien. Sa renommée locale grandit. En 2009, lors d'une nouvelle rébellion touarègue, deux de ses musiciens sont exécutés par le gouvernement. La guitare pouvant être considéré comme une arme de sédition, alors que les groupes de rock sahariens et sahéliens se multiplient. Il n'y a qu'à citer Tinariwen, le plus connu d'entre eux. Il se réfugie au Burkina Faso, où il apaise sa douleur et fait de nouvelles expériences. Là, le cinéaste Ron Wyman réalise un documentaire sur lui : Agadez, the music and the rebellion. Ce film lui vaudra un passe-partout mondial d'autant que, de retour au Niger, le pouvoir d'Agadez l'autorise à organiser un concert pour la paix, au pied de la Grande mosquée, devant des milliers de spectateurs qui fêtent la fin du conflit. Grâce à Ron Wyman, il enregistrera enfin un premier vrai album dans les conditions idéales de prise de son. La suite l'amènera sur tous les continents. Le chemin est long de l'Afrique de l'Ouest jusqu'à la Californie, New York ou Nashville où il a enregistré. A Arles, un musicien de son groupe dit simplement : «Cela fait plaisir de parler sur une scène en français.» Signe que la carrière du groupe est désormais axée sur le monde anglo-saxon. Son quatrième album s'intitule Azel. Il y revendique la culture ancestrale avec laquelle la personnalité mue en puissance pour clamer la liberté et la vie. Le titre d'un autre de ses disques est tout un programme : Nomad…