Dans son domaine de prédilection, la pédagogie et la gestion des systèmes éducatifs, Kaci Tahar était une lumière. Cet ancien normalien, agrégé de philosophie, a réalisé un parcours professionnel sans faute. Il a été tour à tour professeur de psychopédagogie, directeur d'ITE (Institut technologique de l'éducation), directeur central au ministère de l'Education nationale, secrétaire d'Etat à la Formation professionnelle et conseiller à la présidence de la République. C'est à partir de cette dernière promotion qu'il a été mis sur une voie de garage vers la fin de l'année 1999. Son éviction, en pleine maturité physique et surtout intellectuelle — il avait à peine 54 ans — l'avait profondément affecté. Il venait de comprendre les ressorts profonds de la logique du régime politique algérien. Il aimait dire que dans notre pays, la noblesse du titre de commis de l'Etat n'avait aucune signification. Oui, malheureusement, cette amère leçon, Kaci Tahar venait d'en faire l'expérience dans une douleur muette. Discret à la limite de la timidité — comme en témoigne Achour Seghouani, son ancien camarade à l'Ecole normale de Bouzaréah et collègue au MEN — le défunt ne livrait pas ses états d'âme. Après son départ forcé, il trouva refuge dans la lecture et l'écriture : les deux mamelles de tout intellectuel digne de ce nom. Avant de nous quitter, il laissa un ouvrage retentissant. La plume de ce fin pédagogue a transcrit sa riche expérience du terrain et des arcanes du pouvoir décisionnel. Réflexions sur le système éducatif est une mine d'or riche en documentations chiffrées et en analyses fécondes. Il se lit d'un trait avec des chapitres indépendants, fruits de communications que l'auteur a données lors de colloques et rencontres scientifiques autour du système éducatif algérien. Mme Joëlle Bonnet, experte internationale en sciences de l'éducation, nous a affirmé après avoir pris connaissance de l'ouvrage : « Il s'agit d'une double vision critique et prospective d'une hauteur de vue remarquable. Ce monsieur possède le génie de débusquer les dysfonctionnements dans leurs moindres recoins. » En effet, Kaci Tahar a délivré en guise de testament un véritable mode d'emploi du système éducatif algérien. Pour ceux qui l'ont approché dans son travail — ses conseillers au secrétariat d'Etat, collaborateurs et collègues au MEN — l'image de l'homme intègre est restée intacte. Il recèle une envergure intellectuelle colossale construite sur un solide socle de culture générale : un profil rare par les temps qui courent. Son acharnement au travail a forgé en lui un homme respecté pour son sérieux. Un de ses conseillers à la FP dit de lui : « Les dossiers remis après étude nous sont retournés en un temps record avec des remarques et des annotations judicieuses. » Notre ministre a pris le soin de les étudier en profondeur. Quelques mois avant cette date fatidique du 25 avril dernier, il avait chargé — à titre amical — une boîte de communication de l'aider à améliorer le site qu'il venait de lancer avec un ami de promotion. Encore une fois, c'est un legs aux générations futures puisqu'il le destinait à perpétuer la mémoire de l'Ecole normale de Bouzaréah. Ne fut-elle pas en son temps, le temple de la pédagogie et du professionnalisme ? En ce mercredi d'avril, le petit cimetière de la sympathique ville de Ouled Fayet a réuni autour de la dépouille du défunt tous ses anciens collègues du MEN et de la formation professionnelle. Parmi eux, nombreux sont les retraités aux cheveux blancs et des plus jeunes, encore en activité. Sur la pointe des pieds, sans tambour ni fanfare, ce fils de Mekla s'en est allé sous terre rejoindre les lumières du paradis. Au revoir, cher maître. Que Dieu ait ton âme. Bio-Express Tahar Kaci est né en 1944 à M'ghira, petit village perché sur les hauteurs de la ville de Mékla (wilaya de Tizi Ouzou). Ancien normalien de Bouzaréah et de l'ENS de Kouba, il obtient sa licence de philosophie en 1967. Après une année d'enseignement, il décroche son CAPES en 1968. A Constantine et à Alger, il exerce en tant que professeur de philosophie et de psychopédagogie avant d'accéder au poste de directeur de l'ITE de Béjaïa. Sa carrière de commis de l'Etat au MEN commence en 1978. Il prend fonction en tant que sous-directeur puis directeur, et enfin inspecteur général. De janvier 1996 à juin 1997, il est nommé secrétaire d'Etat à la Formation professionnelle. On lui fait prendre sa retraite en 1999 à l'âge de 56 ans.